Si
les origines de la rivalité entre SNK et Capcom dans le monde du jeu de combat remonte à assez loin avec des titres
tels que Street Fighter et Street Smart, il faut attendre
1991 pour que le feu soit mis aux poudres. Capcom fait un
tabac dans les salles de jeux avec un certain Street Fighter
II sorti en février 1991. La riposte de SNK ne se fait pas
vraiment attendre avec Fatal Fury. Ce titre nous arrive en
arcade au format MVS le 25 novembre 1991 puis le 20 décembre
suivant c'est au tour de la console Neo·Geo de recevoir ce
titre.
Street Fighter
(1987, Capcom)
Street Smart
(1989, SNK)
Street Fighter II
(1991, Capcom)
Fatal
Fury repose sur un scénario de vengeance. Terry Bogard, son
frère Andy et leur ami Joe Higashi participent au tournoi
King of Fighters qui a lieu dans la ville de Southtown. Ce
tournoi est organisé par le parrain de la mafia locale,
Geese Howard. Ce dernier a assassiné Jeff Bogard - père
adoptif de Terry et d'Andy - dix ans auparavant. Voici donc
l'occasion de se venger tout en débarrassant la ville d'un
dangereux criminel.
Ce
jeu propose donc trois personnages. Terry Bogard est le
héros du jeu. Il a le look typique des jeunes de la fin des
années 80 : jean, blouson rouge et casquette. Andy Bogard,
son frère, est bien plus sobrement vêtu. Moins puissant, il
est également plus rapide que Terry. Enfin, Joe Higashi est
champion de Muay-thaï. Ami des frères Bogard, il les a
suivis pour les épauler lors du tournoi.
Le
jeu a trois intros différentes qui présentent nos héros
arrivant avec leur baluchon à Southtown, théâtre du tournoi.
On remarquera par ailleurs que sur borne d'arcade, la
version MVS dispose également de trois intros, mais
franchement plus courtes.
Pas
vraiment de menu ni d'option pour Fatal Fury, on peut juste
régler le niveau de difficulté et assister à une
démonstration des coups de base, c'est tout.
On découvre alors que le gameplay est basé sur les boutons ,
et .
: coups de poing : coups de pied
: saisir son adversaire
Contrairement à Street Fighter II, les coups portés n'ont
qu'un seul niveau de puissance.
Outre
ces coups de base, chacun de nos héros dispose de quatre
coups spéciaux. Bizarrerie à noter, pour certains de ces
coups la version japonaise propose des manipulations
différentes de ce qu'on trouve dans les versions européenne
et américaine. Pour la liste complète, c'est dans ce
guide stratégique.
Power Wave +
Dragon Blast (2 sec) +
Tiger Kick +
On
peut alors choisir son premier adversaire parmi quatre, puis
c'est un parcours dans
les quartiers de la ville jusqu'au combat final contre Geese
Howard. Les combattants sont variés et assez originaux.
Ce vieux sage a
entraîné Terry au combat après la mort de Jeff Bogard.
C'est un capoeiriste
qui tient un restaurant du nom de Pao Pao Café.
Ce
punk traîne du côté de la station The West Subway.
C'est
un ancien boxeur professionnel en quête de gloire.
Mentor
de Joe Higashi, Hwa Jai a un sérieux penchant pour la
bouteille.
Ce
colosse qui fait du catch a un souffle empoisonné.
Il manie le bâton mais désarmé, il devient peureux
et refuse le combat.
Le maître incontesté de Southtown vous attend de
pied ferme à la fin du tournoi.
Chacun
de ces combattants vous attend dans un quartier de
Southtown. Il faudra s'en défaire dans un temps imparti pour
aller dans la zone suivante. Une fois le temps écoulé et
s'il n'y a pas eu de KO, le vainqueur est celui qui a
conservé le plus d'énergie.
Presque
tous ces stages évoluent au fil des rounds. Le combat
commence de jour, continue le soir et finit la nuit s'il y a
une troisième manche. Ceci n'est pas valable pour les décors
associés à Richard Meyer (c'est en intérieur) et à Raiden
(il n'y a que deux variantes).
Ce
tournoi King of Fighters est ponctué par des "Bonus Stages"
où assurément la subtilité et la finesse ne seront pas les
bienvenues. Le principe est de mitrailler le bouton pour
gagner un bras de fer face à des sosies approximatifs d'Hulk
Hogan et Mister T.
Bien
entendu, comme chez le concurrent Street Fighter II on peut
jouer seul ou à deux. Mais attention, Fatal Fury reste
l'héritier de Street Smart et à ce titre, en plus de duels
classiques, il propose de faire un duo contre la machine !
En
1990 G-Mantle est en quelque sorte la mascotte de
SNK pour le lancement de la Neo·Geo. C’est un
personnage visible sur de nombreuses publicités
japonaises.
SNK
lui rend hommage dans ce jeu (mais il apparaît dans
d’autres titres) en lui faisant faire de nombreux
caméos.
On
voit une première fois G-Mantle dans l'intro du jeu,
c'est le chauffeur du taxi. Certains interprètent (à
juste titre) cette séquence comme un passage de
témoin entre l'ancienne et la nouvelle "mascotte" de
SNK.
Il est également sur
l'affiche à gauche de Terry.
On
le retrouve aussi dans le stage Dream Amusement
Park, celui de Raiden. Il s'agit en fait d'un
buisson taillé en forme de G-Mantle.
Bon,
allez, deux autres ? Il apparaît sur deux des
panneaux du stage West Subway.
Et
toujours dans le stage de Duck King, il y a trois
affiches similaires à celle de l'intro.
SNK
a choisi de ne pas trop copier Capcom autant du point de vue
du scénario, du gameplay que des personnages
proposés. Les développeurs ont préféré la voie d'un jeu plus
personnel, l'empreinte de Street Smart étant assez présente.
La question qui reste en suspens est de savoir si ce Fatal
Fury est à la hauteur de leurs ambitions.
Fatal Fury est
un jeu assez joli avec ses décors très colorés dont la
teinte varie au cours du combat. Ils sont très richement
animés, même s'il faut reconnaître que c'est la même foule
de badauds qu'on retrouve d'un quartier à l'autre. Par
ailleurs on remarquera qu'ils manquent de relief, malgré la
présence de plusieurs plans.
Quant aux personnages, ils sont bien dessinés et de
taille fort imposante. À part un recyclage partiel entre Joe
et Hwa Jai, il n'y a pas grand-chose à leur reprocher.
Au niveau de
l'animation cela bouge bien, c'est relativement rapide et
les mouvements des personnages sont correctement décomposés.
On notera un effet de zoom inversé quand les combattants
sont en retrait sur le deuxième plan, ce qui évite qu'ils
soient trop disproportionnés par rapport au public. Sans
être éblouissant, Fatal Fury est plus que satisfaisant à ce
chapitre.
Côté son, la musique est très rythmée, elle apporte beaucoup
à l'ambiance réussie de ce jeu. Des chants envoûtants chez
Richard Meyer, une reprise de Street Smart pour accompagner
les duels, un fond des plus zen pour Tung Fu Rue... SNK ne
manque pas d'inspiration et la qualité est là.
Quant aux bruitages et autres digitalisations vocales, c'est
réussi, quoique parfois un peu assourdi.
Le tableau se
gâte un peu quand on évoque la maniabilité. Il y a deux
plans pour se battre mais c'est bien difficile de les
exploiter, le CPU restant maître de la chose. On se retrouve
trop souvent à suivre plus que de raison un ballet entre les
deux plans imposé par l'adversaire.
Les pouvoirs spéciaux sortent avec difficulté : il faut
beaucoup de doigté, malgré l'excellence de la manette. Une
rigueur absolue et un timing d'horloger seront donc
cruciaux. Ces coups spéciaux enlèvent par ailleurs beaucoup
d'énergie : en trois coups, on peut être mis KO !
Bref, Fatal Fury est là pour faire une proposition, mais il
est déjà tard et Street Fighter II a imposé son standard.
C'est le point
faible du jeu. Il se montre assez facile, et il n'y a que
bien peu d'écart entre le niveau de difficulté le plus bas
et le plus élevé. Par ailleurs, le nombre très restreint de
combattants sélectionnables raccourcit trop la durée de vie
de cette cartouche. Fort heureusement, il y a un mode de jeu
à deux assez riche. La possibilité de faire des duels ou des
duos est plutôt une bonne idée en soit, mais elle ne
rattrape que très partiellement le manque de personnages
jouables.
Comme pour
beaucoup de jeux, la Neo·Geo CD a eu droit à sa
version de Fatal Fury.
Première
déception : la bande-son n'a absolument pas été
modifiée, alors qu'il existe un excellent CD audio
avec des morceaux réorchestrés avec bonheur. Sur
Neo·Geo CD, la plupart de jeux bénéficient de
musiques réorchestrées, ici ce n'est pas le cas.
Pas d'Art Gallery, pas de personnage jouable en plus
ni de mode de jeu supplémentaire : le strict
minimum. Takara s'est plus appliqué avec
l'adaptation Mega Drive, un comble !
Heureusement les
chargements sont rares et très courts, un bon point.
On
attendait un peu mieux de cette version Neo·Geo CD,
ne seraient-ce que des musiques réorchestrées. SNK
s'est contenté de reproduire la version originale à
l'identique. Pas plus, pas moins.
Bilan
Fatal Fury est un bon jeu bien
réalisé qui tente une voie alternative à celle
tracée par Street Fighter II. Malheureusement pour
SNK, la solidité et le succès du titre de Capcom
sont tels que Fatal Fury a du mal à faire le poids
face son concurrent. Trop peu jouable et proposant
trop peu de personnages, il lui reste quelques
atouts non négligeables comme son mode de jeu à
deux joueurs très original mais surtout... son
ambiance vraiment excellente laissant entrevoir
les prémices de ce que seront les jeux SNK à
venir.
Premier
de sa lignée, premier fighting game sur
Neo·Geo, première tentative d'un éditeur de
rivaliser avec Street Fighter II, Fatal Fury a
très logiquement beaucoup vieilli. Et pourtant,
son ambiance de premier ordre, ses héros
attachants et son boss charismatique séduiront à
coup sûr les amateurs de jeux rétro. Pour les
virtuoses de la manette en mal de jeu technique,
bien entendu il vaudra mieux qu'ils passent leur
chemin.