Retour en 1991. Capcom a cette année-là bouleversé le monde
du jeu de combat arcade en réinventant avec brio le versus
avec son Street Fighter II. Le premier à tenter sa chance
face à ce rouleau compresseur est SNK avec Fatal Fury. Même
si ce jeu est supervisé par le papa du premier Street
Fighter, Takashi Nishiyama, il ne parvient pas réellement à
inquiéter la référence.
Nous voilà à la fin de l'année 1992 et le marché du combat
en versus s'est considérablement durci. Tout d'abord, Capcom
a lancé deux versions améliorées de son titre-phare : Street
Fighter II' et Street Fighter II' Turbo. Simples mises à
jour paresseuses pour les uns, aboutissements vidéoludiques
pour d'autres, toujours est-il que le titre de Capcom
s'adapte et sait durer dans le temps. Ensuite, d'autres
acteurs sont entrés en scène, comme Alpha Denshi avec World
Heroes et Midway avec Mortal Kombat. SNK a de son côté lancé
Art of Fighting, un jeu davantage expérimental que
réellement destiné à jouer dans la même cour que Street
Fighter.
Le 10 décembre 1992 arrive alors Fatal Fury 2, un jeu
clairement destiné à ravir des joueurs à Capcom. Pour ce
faire, SNK doit frapper fort, ce qui sera le cas.
World Heroes
(1992, Alpha Denshi)
Mortal Kombat
(1992, Midway)
Street Fighter II' Turbo
(1992, Capcom)
L'histoire
si situe un an après la mort de Geese Howard. Le tournoi
King of Fighters revient, cette fois nommé "The Sultan of
Slugs Battle Royale". Terry, Andy et leur ami Joe reçoivent
une invitation du nouveau sponsor du tournoi, Wolfgang
Krauser. Le colosse allemand est désireux de rencontrer ceux
qui l'ont empêché d'affronter Geese Howard. D'autres
combattants ont reçu une invitation, dont Richard Meyer qui
la décline. Krauser veut construire sa légende et compte
bien utiliser le tournoi pour y parvenir. Les loups
solitaires de Fatal Fury sont de retour !
L'intro
de Fatal Fury 2 annonce la couleur : "Again, legendary
men return... Fatal Fury 2!". C'est sur ces quelques
mots en voix-off qu'elle se déroule, après avoir eu droit à
l'écran The 100 Mega Shock! qui deviendra célèbre.
C'est classe, c'est marquant... Bref, SNK ne plaisante pas
avec ce jeu.
Pour
être précis, Fatal Fury 2 occupe 106 Mbits, à comparer aux
jeux des autres consoles 16-bit qui plafonnent alors à 16
Mbits. Cependant, la raison d'être de Fatal Fury 2 n'est pas
d'enfoncer les autres consoles, mais bien de concurrencer le
fameux Street Fighter II de Capcom dans les salles de jeu,
ce dernier étant à sa version II' Turbo, nous l'avons vu.
On
appuie avec impatience sur et il suffit de choisir le niveau
de difficulté, puis de regarder (ou non) la démonstration
des coups de base. Les quatre boutons de la manette sont
désormais utilisés : pour les poings faibles, pour les pieds faibles, pour les poings forts et pour les pieds forts.
sert également à faire une provocation. Contrairement à Art
of Fighting, cette fonction n'a pas d'intérêt réel, sauf à
la rigueur quand on joue en Versus, histoire de narguer un
peu son adversaire.
Les directions de la manette sont très classiques
: pour avancer, pour reculer ou se protéger en
garde haute, , et pour sauter, pour se protéger en garde basse,
pour s'accroupir et pour avancer dans cette même
position. Si vous appuyez sur , votre personnage effectuera une
esquive en arrière où il est invincible pendant une fraction
de seconde.
Fatal
Fury 2 autorise également quelques combinaisons.
- Si on appuie sur , on change de plan, ce qui est une
autre façon d'esquiver. Une fois sur deux plans différents,
on appuie sur , , ou pour revenir en attaquant ou bien
sur
ou pour
revenir de façon plus simple et moins offensive. Ce
changement de plan est bien plus intéressant que dans l'opus
précédent où il était soumis au bon vouloir du CPU.
- La combinaison force l'adversaire à changer de
plan, c'est un coup un peu plus puissant que ceux portés
avec les seuls boutons ou . Cela est intéressant dans les
stages à un seul plan : l'adversaire est projeté sur les
éléments du décor, ce qui occasionne des dégâts
supplémentaires.
- Enfin la combinaison +
pendant une garde haute permet de contre-attaquer tout en
étant bien moins vulnérable.
+
Les
coups spéciaux s'effectuent comme dans Fatal Fury, ou plus
précisément comme dans Garô Densetsu. Pour mémoire, les
manipulations différaient entre la version japonaise et les
versions américaine et européenne. Ici, chaque personnage
dispose de trois ou quatre coups spéciaux.
Burning
Knuckle
+
ou
Belly
Drum Blast
(2 sec) + ou
Giant
Bomb
(2 sec) +
ou
Outre
cela, les personnages disposent de ce qu'on appellera des
"furies", en hommage à ce jeu (ou aussi Desperation
Moves). Ces pouvoirs spéciaux encore plus dévastateurs
ne peuvent être utilisés qu'à une condition : la barre de
vie doit clignoter, c'est-à-dire être presque vide. Une
attaque du désespoir, en somme ! Rendons toutefois à César
ce qui appartient à César : ce type de coup est en fait
apparu avec Art of Fighting, mais cela est passé un peu
inaperçu. Pour avoir la liste complète de tous les coups
spéciaux de chaque combattant, on peut se reporter à ce guide
stratégique.
Super Deadly Ninja Bees
+
Fire Breath
(2 sec) +
Ultra Disruptor (2 sec) +
Par
rapport à son prédécesseur, Fatal Fury 2 fait un énorme bond
autant qualitatif que quantitatif. Cette fois-ci, SNK se
donne les moyens de ses ambitions. Le principe est de
choisir un combattant parmi 8, d'affronter tout le monde
avant de combattre quatre adversaires encore plus terribles
: on aura reconnu ce qui est exactement le schéma proposé
par Street Fighter II.
Après avoir vengé la mort de son père adoptif Jeff à
la fin du précédent King of Fighters, il décide de
démasquer le mystérieux organisateur de la nouvelle
édition du tournoi.
Frère de Terry, il
est moins physique que ce dernier, ses coups étant
plus vifs et secs. Il a étudié le koppô au Japon.
Le grand ami des frères Bogard et expert
en boxe thaï dispose de coups alliant vitesse et
efficacité. Avec sa puissance, il est devenu champion
du monde.
Connu auparavant sous
le nom de Raiden, Big Bear était autrefois garde du
corps de Geese Howard. Ce catcheur professionnel est
parti en tournée en Australie.
Malgré son grand âge, Jubei est
un judoka vif et rapide. Il dispose de nombreuses
prises au corps à corps et peut même envoyer des
senbei meurtriers sur ses adversaires.
Il tient un restaurant à Hong
Kong. Riche et vénal, tricheur et roublard, il
participe au tournoi en espérant empocher la prime de
la victoire.
Pratiquant le taekwondo, Kim est
un père de famille très attaché aux valeurs de la
justice et du bien. Il s'exprime par des cris perçants
lorsqu'il combat.
Mai est née et a grandi Ninja.
Elle s'est inscrite au tournoi pour honorer la mémoire
du sensei d'Andy. C'est également la fiancée de ce
dernier.
Tout
comme dans Street Fighter II, on part pour un tour du monde
dans des lieux variés et souvent connus.
Les
combats sont ponctués de Bonus Stages où il faut détruire de
gros objets en pierre dans un temps imparti. Le premier
oblige à utiliser le changement de plan pour aller détruire les colonnes
en arrière et le second invite à utiliser le coup puissant
pour envoyer les blocs de pierre vers l'arrière de l'écran.
Enfin,
des écrans intermédiaires assurent judicieusement la liaison
entre Fatal Fury et Fatal Fury 2. Ce sera l'occasion de
revoir des protagonistes du premier opus confrontés au "Dark
Kaiser".
À
la dernière page de la notice de Fatal Fury 2 il est
fait mention qu'à l'origine, Mai Shiranui était
prévue pour être un homme ninja. Au fil des
évolutions, les développeurs en sont venus au design
final présent dans le jeu.
Pour
la petite histoire SNK fera d'ailleurs une allusion
à ce qu'aurait pu être Mai Shiranui dans Fatal Fury
Special, dans son stage. On peut y apercevoir un
ninja au loin, ce dernier reprenant l'apparence d'un
des concepts.
Mais
d'où vient cette idée d'opter pour une femme ninja
? Il est vrai qu'à la base, SNK était parti sur
l'idée de mettre un homme et a fait plusieurs
concepts en ce sens. Dans ce cas, pourquoi ce
revirement ?
Eh bien, cet épisode est moins glorieux pour SNK.
Il se trouve que début 1992 le studio System
Vision veut aussi être de la partie et lancer un
concurrent à Street Fighter II, Battle Master.
Les
développeurs tentent leur chance auprès de SNK en
espérant faire leur jeu sur Neo·Geo. À cause de
l'éloignement géographique et par manque de budget
ils le font par voie postale, envoyant à SNK idées
et illustrations. SNK refuse au motif qu'ils ne
sont pas intéressés par les éditeurs-tiers. Battle
Master sera alors développé pour la Super Famicom
et sortira en 1993.
Tout pourrait s'arrêter là. Sauf que,
fin 1992 à la sortie de Fatal Fury 2, les
développeurs de System Vision sont surpris de
voir que le design de Mai Shiranui ressemble
beaucoup aux concepts de Ranmaru. Cette dernière
est une femme-ninja de Battle Master, jeu qui
n'est pas encore sorti. L'histoire n'ira pas
plus loin sur le plan juridique, mais cette
coïncidence entre la tentative de sortir Battle
Master sur Neo·Geo et le changement radical pour
Mai Shiranui reste fort troublante.
Il est clair que SNK a choisi de se détacher un
peu du premier Fatal Fury en donnant à son titre une
envergure qui le rapproche du concurrent de chez Capcom.
Mais qu'en est-il de la réalisation ?...
Fini le petit
parcours dans une même ville, ici on visite différents pays,
d'où une grande richesse au niveau des décors : Venise,
Uluru, le mont Rushmore, le mont Fuji, Manhattan... Le
dépaysement, certes souvent caricatural, est total. La
teinte varie au fil des rounds, comme dans Fatal Fury, mais
sur deux variantes seulement (trois dans Fatal Fury). Seule
vraie fausse note : le décor du boss Axel Hawk, franchement
raté. Pour en finir avec les décors, on peut signaler que
certains défilent : on peut être sur un train ou sur un
radeau par exemple.
Quant aux personnages, ceux déjà existants ont été
redessinés d'assez jolie manière, les nouveaux étant dans la
même veine.
Concernant
l'animation Fatal Fury 2 propose de nombreuses étapes pour
un résultat en nette progression depuis le premier opus. Le
jeu transpire la qualité et SNK a effectué un travail
sérieux qui n'a pas grand-chose à envier à ses rivaux, bien
au contraire. Seule petit regret, parfois des
ralentissements s'invitent dans le jeu.
Le son fait
aussi un grand pas en avant au niveau de la qualité. Les
voix des combattants sont entièrement refaites et c'est bien
plus réaliste. Les voix sont claires, les bruitages
claquent, on en prend plein les oreilles.
Quant aux musiques de fond, elles sont loin de démériter.
Elles sont de très bonne qualité et collent parfaitement aux
différents pays visités. Elles aussi sollicitent grandement
les fréquences basses pour un résultat tout en puissance qui
fait franchement plaisir.
Au niveau de
la jouabilité, la grande liberté de mouvement fait qu'il est
désormais bien difficile de coincer son adversaire comme
dans Street Fighter II, ce qui est loin d'être un mal. Les
coups proposés sont nombreux, ils sortent très bien et sont
plus tolérants au niveau des commandes à entrer. Liberté de
mouvements, nombreux coups, jouabilité plus souple, Fatal
Fury 2 progresse grandement par rapport à son aîné. Seul
regret, certains déploreront l'impossibilité de faire des
enchaînements de coups, contrairement à Street Fighter II'
ou World Heroes.
Fatal Fury 2
dispose de 8 personnages de base, ce qui est juste dans la
moyenne de ses contemporains sans plus. Cela reste
appréciable, d'autant plus que nous avons ici 5 nouveaux
combattants et que chacun d'entre eux est intéressant à
jouer avec leurs coups assez nombreux. Les duels seront
alors prenants en permettant d'explorer les grandes palettes
de coups et mouvements proposés. Contre la machine pour un
jeu en solo les premières parties seront assez difficiles,
le CPU étant un adversaire qui ne ménage pas vraiment les
débutants.
Ici
sur Neo·Geo CD on a droit à une bande-son
réorchestrée : les musiques sont instrumentales et
le résultat est plus que satisfaisant. Cela donne
une autre dimension à ce jeu déjà très bon. Les
puristes regretteront la disparition du timbre
chaleureux de la cartouche avec emploi massif de
basses, les autres apprécieront les vrais
instruments et les thèmes bien plus longs.
Quant
aux temps de chargements, ils sont bizarrement assez
longs pour un jeu d'une centaine de Mbits, et moins
bien pensés que dans l'adaptation Neo·Geo CD d'Art
of Fighting, par exemple.
Avec
sa bande-son largement rénovée mais ne proposant pas
de réel bonus, cette version Neo·Geo CD de Fatal
Fury 2 se montre digne de son support, mais sans
surprendre.
Bilan
Que de progrès accomplis depuis
Fatal Fury ! D'une part cet épisode 2 fait
complètement oublier son aîné en proposant un
important bon en avant, aussi bien sur le plan
quantitatif que qualitatif. D'autre part, il
rivalise désormais sans souci avec la concurrence
la plus renommée et est prêt à briller dans les
salles de jeux. Sa réalisation de très haut niveau
et son ambiance réussie lui confèrent un grand
intérêt, même si certains regretteront l'univers
de Southtown. Même si on pourra déplorer l'absence
d'enchaînements de coups, force est de reconnaître
que cette fois-ci, Capcom n'est plus seul en tête
d'affiche.
Bien
sûr ce titre a vieilli. Bien sûr il demande de la
rigueur et se montre moins abordable que des
productions plus récentes. Bien sûr Fatal Fury
Special lui ressemble énormément et se montre plus
complet. Il ne faut pas s'arrêter à cela car fatal
Fury 2 reste un jeu qui a fait date dans la
ludothèque SNK et qui reste un grand moment d'émotion
et de nostalgie pour celui qui prendra la peine de
s'y (re)mettre.