En
ce printemps 1995, SNK dispose de solides séries dans monde
du jeu de combat. Art of Fighting 2, The King of Fighters
'94, Samurai Shodown II, Fatal Fury 3, l'amateur du genre a
de quoi faire. Le temps où cet éditeur devait tout prouver
face à Capcom est bien révolu et il s'agit désormais d'un
acteur majeur dans ce domaine. Là où SNK aurait pu se
contenter d'offrir des suites à ses séries, voire de partir
dans une logique d'un seul jeu remis au goût du jour, la
firme d'Ôsaka préfère lancer sur Neo·Geo MVS le 25 avril
1995 un tout nouveau titre, Savage Reign (Fû'un Mokushiroku
au Japon). Outre une rude concurrence signée SNK, ce jeu va
devoir se frotter à une foule de rivaux aussi variés que
X-Men, Galaxy Fight, Double Dragon, Night Warriors ou encore
Gôgetsuji Legends.
Night
Warriors
(1995, Capcom)
Gôgetsuji
Legends
(1995, Atlus)
Fatal
Fury 3
(1995, SNK)
S'il
se situe dans un futur assez proche, le scénario garde un
lien avec l'univers habituel de SNK.
Quelques dizaines d'années
après les événèments de Fatal Fury et Art of Fighting, un
nouveau tournoi, le "God of the Beast Competition", est
organisé par un individu maléfique du nom de King Lion.
Chacun des 9 combattants a ses propres raisons d'y prendre
part.
L'intro
nous présente le héros de jeu, Hayate, adepte du Fû'un-Ken,
une technique de combat inédite combinant boomerang et
karaté.
En
ce qui concerne les menus, c'est du très classique. En
revanche les options sont intéressantes, avec entre autres,
la possibilité de régler la vitesse comme dans Art of
Fighting 2. Concernant le réglage de la manette, on peut
également choisir une configuration parmi trois.
Celle
de base annonce ne pas utiliser le bouton , ce qui est erroné, il permet de
changer de plan. Comme dans Art of Fighting 2 ou World
Heroes 2 Jet, de la durée de pression exercée sur les
boutons et dépend la force du coup porté.
Quant aux mouvements rapides, SNK a également prévu le dash
et le backdash , devenus très classiques, mais
aussi le large dash et le large backdash , bien plus amples.
: coup de poing
: coup de pied
: arme / saisie
Il
y a toutefois l'utilisation d'une arme (on lance loin avec
et moins loin avec ) et, surtout, la possibilité de
changer de plan, un peu comme dans Fatal Fury. Chacun de ces
plans constitue une aire de combat à part entière.
Une fois que les
combattants sont sur deux plans différents, il est possible
de revenir sur le même plan en attaquant avec ou , + ou , + ou , + ou et + ou .
ou
ou
+ ou
Les coups spéciaux
classiques sont bien entendu au programme, chaque personnage
en possédant environ 4 ou 5.
American Screw
+ ou
Genei Hikon
+ ou
Swan
Dive Dumper
(2 sec) + ou
Quand
la barre de santé est au plus bas, elle devient rouge et se
met à clignoter. Comme dans Fatal Fury 3, on peut alors
faire un super coup spécial, la Super Attack.
Tous ces coups sont par ailleurs consultables dans le
guide du jeu.
Hioh! Musô Ranbu
+
Jaga Rangeki Kyaku
(2 sec) + (répété)
Dix combattants
figurent au tableau de sélection.
Hayate Shô : C'est donc le héros qui pratique le Fû'un-Ken,
un nouvel art martial. Comme tout héros, il ne désire
que se perfectionner en affrontant toujours plus
d'adversaires.
Gozu :
C'est un ninja assassin membre de l'organisation
terroriste Jaguar. Il n'a pas révélé ses motivations
quant à sa participation au tournoi.
Carol Stanzack :
Gymnaste française armée d'un ballon, elle est promise
à King Lion mais ne veut pas l'épouser.
Mezu :
Petit frère de Gozu, il a le pouvoir de la glace. Il
participe au tournoi pour venger la mort de son frère
en affrontant King Lion, qu'il tient pour responsable.
Max Eagle :
Il fait partie de la SWF, la fédération de catch
présente dans le jeu 3 Count Bout. Eagle est à la
recherche de son grand frère et croit l'avoir reconnu
en voyant King Lion. Il participe donc au tournoi.
Nicola Zaza :
Enfant russe surdoué, il a obtenu son doctorat à 10
ans et possède un QI de 600. Il a mis au point un
bouclier de haute technologie qu'il souhaite tester
lors du tournoi.
Chung Paifu :
Chung est quant à lui un patriarche encore en grande
forme ; on raconte que sa casquette lui aurait été
donnée par un certain "loup légendaire".
Gordon Bowman :
Flic bedonnant qui sait se servir de sa matraque, on
l'accuse d'être trop violent. Il participe au "God of
the Beast Competition" en espérant utiliser la somme
d'argent gagnée pour soigner sa fille, atteinte d'une
maladie grave.
Joker :
Appartenant au gang des Looly Po Po, c'est un clown
monté sur rollers ; déjanté ou simplement excentrique,
il a plus d'un tour dans son sac.
King Lion / Shishioh :
Organisateur du tournoi, frère aîné d'Eagle, il a
disparu il y a treize ans.
Savage Reign dispose de neuf décors
de base prenant place dans une ville censée être futuriste,
sans compter celui du boss, King Lion.
Temple
of Kahli
Fires
of Hades
La
Rue Diamuse
Satan's
Tundra
Ring
of Doom
Nicola's
Lab
China
Boomtown
Dock
of Darkness
Palace
of Fun
Lair
of the Lion (1)
Lair
of the Lion (2)
À
défaut de pouvoir choisir son aire de combat, en mode versus
(un vrai, où le gagnant peut changer de personnage), il sera
possible de régler un handicap. Contre le CPU, la partie
sera entrecoupée de deux Bonus Stages.
Une
touche d'originalité, une bonne dose de classicisme façon
SNK, Savage Reign n'est assurément pas là pour chambouler
les habitudes des joueurs. Est-il pour autant aussi bien
réalisé que ses illustres rivaux ?
C'est plutôt joli, bien travaillé avec des couleurs
éclatantes et un grand nombre de détails. Les stages sont
bien choisis sans toutefois transpirer un futurisme
flagrant. Les personnages sont bien faits et très détaillés,
du fait de leur taille assez proche de celle de ceux d'Art
of Fighting 2. Cela étant, leur look n'est pas du meilleur
goût : un policier poilu, un patriote américain, un boss de
fin en armure équipé de gants de boxe... On dirait que SNK a
puisé dans ses tiroirs à personnages recalés.
Il y a une autre souci, c'est le manque de cohérence. Lier
Savage Reign à Art of Fighting et Fatal Fury avec le
scénario et la casquette de Chung, soit. La ville théâtre
des affrontements serait donc Souhtown, mais aucune allusion
graphique n'y est faite. De plus, si on ne le sait pas, le
côté futuriste est loin de sauter aux yeux.
Le jeu est
assez rapide, et si ça ne va pas, la vitesse est réglable.
Les mouvements sont toutefois assez peu décomposés.
L'originalité de ce jeu repose sur son impression de
profondeur. Le zoom, très puissant, dispose de trois
positions et non de deux, comme habituellement (proche,
médiane, éloignée).
Les mélodies sont de bonne qualité mais manquent un peu
d'envergure en comparaison d'un Fatal Fury 3, hormis un ou
deux thèmes. Elle a cependant le mérite de bien coller aux
différents décors et d'accompagner efficacement l'action.
Quant aux bruitages, ils sont réussis, comme bien souvent
sur Neo·Geo.
Les plans
gérés de façon très différente de Fatal Fury apportent un
peu de nouveauté. Quant aux coups, ils sont assez nombreux
et ont un peu de mal à sortir, Savage Reign étant un jeu au
toucher assez raide.
Savage Reign
dispose de dix combattants, ce qui n'est pas étourdissant.
Pas de mode de jeu spécial, rien qui ne retienne le joueur
davantage. À deux, les duels tourneront assez vite à de la
redite. Le jeu en solo se révèle bien difficile à la fin,
comme souvent avec SNK : un boss énervant à souhait. Le vrai
boss du jeu, King Leo - une version survitaminée de King
Lion - se montre horriblement rapide, ultra-prioritaire et
très puissant.
Rien
de bien nouveau à se mettre sous la dent pour cette
version Neo·Geo CD. Mêmes personnages kitsch à
souhait, même jouabilité curieuse, mêmes zooms
surpuissants, tout est conservé. On notera que les
musiques ont eu droit à des réorchestrations. Autre
différence, l'intro ne comporte plus d'extraits de
combats, très probablement pour éviter des
chargements supplémentaires.
En
ce qui concerne les temps de chargement, ils sont un
peu longs sur Neo·Geo CD, ils auraient sans doute pu
être mieux pensés.
Même
tentative qu'en cartouche, même verdict. Savage
Reign a de bonnes idées et une réalisation tout à
fait correcte au regard de sa concurrence directe.
Le souci est que, venant de SNK, on s'attendait à du
virtuose. Cela reste un bon jeu, très honnête et
bien réalisé.
Bilan
Savage Reign, malgré ses
innovations, malgré sa réalisation plus
qu'honorable, reste un jeu peu inspiré. On ajoute
à cela un nombre assez faible de personnages, peu
charismatiques qui plus est. D'accord, on l'aura
compris, Savage Reign n'a pas du tout l'étincelle
d'un Fatal Fury ou d'un KOF. Même si les
ingrédients sont bons, même si le chef cuisinier
est étoilé, le plat n'est pas nécessairement
exceptionnel. SNK a réalisé un jeu de second choix
très correct, mais bien loin des standards
auxquels l'éditeur nous a habitués.
Kizuna
Encounter, sa "presque" suite, est bien meilleure
pour beaucoup. Savage Reign reste un jeu de combat
sympathique auquel on peut donner sa chance. Mais
attention, il ne faudra pas que ce soit dans
l'espoir de découvrir un titre qui a le souffle
d'un Fatal Fury, Samurai Shodown ou King of
Fighters. Il ne contentera de faire une
proposition intéressante en offrant une
alternative à ce que produit SNK d'habitude. Il ne
faudra pas lui demander davantage.