Capcom
régnant quasiment sans partage sur le petit monde du jeu de
combat avec ses diverses déclinaisons de Street Fighter II,
il n'est pas facile de s'y distinguer. SNK a pensé à ceux
qui en ont assez de se contenter de coups de poings et de
pieds lors des combats.
En effet Samurai Shodown annonce aller bien au-delà des
Street Fighter, Fatal Fury, Mortal Kombat et consorts. Ce
titre sort en arcade le 7 juillet 1993 sur MVS puis le 11
août suivant sur console Neo·Geo. Ici il va falloir
combattre katana à la main et malheur au vaincu ! Les
combats prennent alors une dimension à la fois épique et
dramatique où il n'y a que deux issues : la victoire ou la
mort.
Mortal
Kombat
(1992, Midway)
Street
Fighter II' Turbo
(1992, Capcom)
World
Heroes 2
(1993, ADK)
On
est plongé en 1788, en pleine époque d'Edo. Le Japon est
alors refermé sur lui-même, c'est le temps des shôguns, des
samouraïs et du bushidô (la voie du guerrier). Shirô
Tokisada Amakusa s'est emparé d'une pierre sacrée et veut
imposer un nouvel ordre en invoquant un démon, Ambrosia. À
vous de déjouer ses plans, katana au poing.
Le personnage d'Amakusa reprend le véritable Shirô Amakusa,
un chrétien vivant au temps du shogunat Tokugawa, soit 250
ans avant l'histoire du jeu. Cependant SNK nous montre ici
un sorcier dément et excentrique, bien loin des luttes
politiques et religieuses de l'époque. Samurai Shodown
s'inspire donc de très loin de la rébellion de Shimabara,
mais en l'adaptant librement selon les besoins du scénario
du jeu.
L'intro
montre un samouraï méditant au pied d'un cerisier. Musique
dans un style très traditionnel, texte énoncé en japonais
nous vantant les mérites de la voie du guerrier : on est
immédiatement dans l'ambiance. L'éditeur d'Ôsaka travaille -
comme bien souvent - avec grand soin les intros de ses jeux.
Les
options ont bénéficié de beaucoup moins d'attentions : un
simple réglage du niveau de difficulté sur fond noir, et
c'est tout. Du côté de l'écran de sélection des personnages,
c'est plus avenant. Entre la musique de fond réussie et les
combattants tous logiquement inédits, on ne peut qu'avoir
envie de découvrir ces samouraïs en découdre.
Ils
sont au nombre de 12 (on peut prendre Amakusa avec une
astuce consultable ici),
ce qui en fait un jeu dans la bonne moyenne par rapport à la
concurrence. World Heroes 2 reste, de ce point de vue,
encore inégalé. Mais revenons à nos samouraïs.
Haohmaru :
Le personnage principal du jeu est Haohmaru, on le
voit dans l'intro. Il s'agit d'un samouraï studieux et
avide de victoire.
Ukyô
Tachibana :
Rival de Haohmaru, il est atteint de tuberculose. Il
séduit les jeunes filles mais n'en aime qu'une : Kei
Odagiri.
Galford :
Ce Californien à la chevelure blonde a étudié le
Ninjutsu.
Charlotte
:
C'est une noble française qui vit au château de
Versailles. Elle évoque Oscar de Jarjayes du manga La
Rose de Versailles (Lady Oscar).
Gen-An
Shiranui :
Y a-t-il un rapport avec la magnifique Mai Shiranui ?
Cette sorte d'ignoble monstre glauque a un souffle
empoisonné.
Tam Tam :
Ce géant mexicain est à la recherche de la pierre
sacrée de son village, volée par Amakusa.
Wan-Fu :
Ce roi chinois possède un cimetère impressionnant.
S'ennuyant chez lui, il part trouver des adversaires
au Japon.
Jûbei
Yagyû
Il est borgne et a la particularité de se battre avec
deux sabres. Il est en mission, envoyé par le shôgun.
Nakoruru :
Cette jeune fille appartient au peuple Ainu, elle
défend la nature et se bat, aidée d'un aigle.
Hanzô Hattori :
Il est le rival de
Galford, sa technique et sa personnalité sont très
différentes de celles du ninja américain.
Earthquake
:
Ce géant texan est à la tête d'une bande de voleurs.
Kyôshirô
Senryô :
C'est un comédien de Kabuki, il combat maquillé.
Bien qu'il n'y ait que 4 boutons, Samurai Shodown
possède, à l'instar de Street Fighter II, 3 niveaux de
puissance pour chaque type de coup. La grande nouveauté
vient de l'utilisation d'armes blanches. Si on avait déjà
rencontré ce genre d'armes dans d'autres titres (par exemple
Sengoku), c'est la première fois qu'un fighting game
est entièrement basé sur ce principe.
: coup d'épée faible
: coup d'épée moyen
: coup d'épée fort
: coup de pied faible
: coup de pied moyen
: coup de pied fort
La direction s'utilise comme dans Art of Fighting : donne une esquive arrière
(rappelant également Fatal Fury 2) et sera une course en avant.
Chaque
personnage possède un nombre très variable de coups spéciaux
(cela va de 2 à 8). Voici trois exemples, la liste complète
étant consultable ici.
Cyclone Slash
+
Snowfall Slash
+
Pagoona Dios +
Mis
à part l'utilisation d'armes blanches, il y a une autre
innovation. Certains combattants (Nakoruru et Galford)
peuvent se faire aider d'un animal. Nakoruru possède un
aigle, Mamahaha, et Galford une chienne, Poppy.
Mamahaha Flight +
Diving Dog +
Une
barre appelée Rage Gauge est présente en bas de
l'écran. Elle se remplit quand on reçoit des coups. Une fois
pleine, on devient plus puissant. Contrepartie à payer, on
est également plus vulnérable.
Autre originalité, il arrive que lorsque les deux
belligérants entrechoquent leurs lames (ou quand le CPU le
décide également), une joute au corps à corps s'engage. Il
faut alors appuyer frénétiquement sur le bouton . Soit les deux
combattants perdent leur arme, soit aucun, soit l'un d'eux.
Inutile de préciser qu'à mains nues, le combat devient très
délicat.
Deux
autres personnages non jouables seront présents lors de tous
les combats. Le premier est Kuroko. Habillé en
marionnettiste, il tient deux drapeaux. Cet arbitre lève un
drapeau lorsqu'un coup est porté et signale le début et la
fin des combats. L'autre est un livreur du nom de Hikyaku.
Il traverse rapidement la scène de combat en lançant divers
objets : poulets, bombes et pièces d'argent d'argent ou
d'or. Bien entendu, il faudra éviter les bombes.
La
partie sera entrecoupée de trois stages bonus où le but est
de trancher des nattes de coupe pour katana en forme de
bonhomme dans un temps imparti.
Si
Samurai Shodown est un jeu à la base assez sanglant dans sa
version arcade, il subit malheureusement une censure sur
console. En effet si on joue sur Neo·Geo américaine ou
européenne, le sang versé devient alors blanc. En revanche
sur Neo·Geo japonaise le jeu reste intact.
Version arcade
Neo·Geo européenne/américaine
Neo·Geo japonaise
Chaque
combattant possède son propre stage à part le cas de
Haohmaru et Ukyô, où il n'y a que le moment de la journée
qui change.
Japan
- Haohmaru
Japan
- Ukyô
Japan
- Nakoruru
U.S.A.
- Galford
Japan
- Hanzô
China
- Wan-Fu
Green
Hell - Tam Tam
U.S.A.
- Earthquake
France
- Charlotte
Japan
- Kyôshirô
Japan
- Jûbei
Onigami
Isle - Gen-An
Japan
- Amakusa
Au
tout début de son développement Samurai Shodown est
prévu pour être un jeu qui doit meubler le catalogue
SNK entre le superbe Fatal Fury 2 et le futur 3
Count Bout. L'équipe en charge du projet est dirigée
par Yasushi Adashi et a peu de contraintes. Elle
opte pour un beat them up ayant pour
originalité d'avoir des monstres comme héros. Cependant au bout de trois
mois les dirigeants de SNK indiquent aux
développeurs qu'ils veulent un nouveau jeu de combat
en versus. Tout le travail du projet initial n'est
pas pour autant annihilé et le personnage de Gen-An
est conservé dans la version finale du jeu.
De
nombreux protagonistes du jeu sont plus ou moins
inspirés de personnes ayant réellement existé.
Penchons-nous un peu plus sur le cas de Haohmaru et
d'Ukyô. Ces derniers sont respectivement des
adaptations de Miyamoto Musashi et de Sasaki Kojirô.
Ces combattants s'affrontent sur l'île Funashima qui
portera plus tard le nom de Ganryû-jima. Justement
dans Samurai Shodown Haohmaru et Ukyô partagent un
même stage qui prend place sur cette île.
Cela
n'aura pas échappé à grand monde, Gen-An dispose
du même nom que Mai Shiranui apparue dans Fatal
Fury 2. Ces deux personnages appartiennent au même
clan ninja mais à deux époques différentes. Mai
fait d'ailleurs une apparition pour le moins
anachronique à la fin du jeu quand on bat Amakusa
avec Gen-An.
Vous
l'aurez compris, Samurai Shodown se démarque vraiment des
Fatal Fury, Street Fighter et autres World Heroes. SNK a
misé sur une grande originalité et une ambiance atypique
pour ce titre.
Les lieux pour
combattre se situent pour la majorité au Japon. Il s'en
dégage une ambiance unique et très... nippone ! Samurai
Shodown est vraiment magnifique avec des décors très
finement travaillés.
Du côté des personnages là aussi SNK a parfaitement rempli
son contrat : grands et détaillés en vue rapprochés, ils
font franchement plaisir à voir.
L'animation
est suffisamment rapide avec des mouvements décomposés en de
nombreuses étapes. Un effet de zoom similaire à Art of
Fighting est utilisé, à ceci près qu'il est ici plus
progressif, plus fluide. Cela donne une très bonne vue
d'ensemble du décor quand les personnages sont éloignés.
Même si certains stages sont vides de badauds, ils n'en sont
pas moins bourrés de détails. Petite interactivité avec les
décors, certains d'entre eux ont des parties destructibles. Enfin on notera le mouvement très
réaliste des vagues dans le décor de Haohmaru, rendant
subitement certains autres jeux bien statiques...
Côté son, il
s'agit la plupart du temps de musiques traditionnelles
japonaises de bonne qualité. Cela pourra en dérouter plus
d'un, on est loin des musiques plus conventionnelles d'un
Fatal Fury 2. Avec l'habitude, on finit toutefois par
s'imprégner de ce style et par l'apprécier grandement.
Les bruitages sont très réalistes, cris comme coups d'épées,
tout est absolument irréprochable.
Les trois
niveaux de puissance pour les coups, comme Street Fighter
(faible, moyen, puissant) sont en soit une bonne idée.
Hélas, le déclenchement des coups puissants avec ou n'est pas très pratique, à vrai dire. Les
pouvoirs spéciaux sortent parfaitement, dommage que leur
nombre soit si variable d'un combattant à l'autre.
L'utilisation d'armes blanches et d'animaux pour certains
personnages constitue indéniablement un atout.
Les 12
combattants figurant au tableau de sélection constituent un
choix plus que correct. Les duels sont très prenants. Chaque
coup porté avec étant dévastateur, on évalue l'adversaire, on
scrute ses réactions, on tente différentes approches... On
en est même à guetter le passage du livreur Hikyaku, ce
dernier apportant victuailles ou bombes. En solo, la
difficulté est assez élevée et terminer le jeu avec tous les
personnages demandera du temps.
Voici
Samurai Shodown dans sa version Neo·Geo CD, il est
presque identique à son grand frère. Aucun bonus, ni
de boss débloqué d'office. Même animation, même
menu, il n'y a pas grand-chose à relever. Mis à part
le compte de crédits qui n'est plus en bas de
l'écran, on ne peut pas les différencier
visuellement.
On
notera une bande-son instrumentale de qualité avec
des sonorités très agréables. Certains apprécieront,
d'autres préfèreront le son typique de la cartouche.
Toujours concernant le son, il est moins riche au
niveau des bruitages d'ambiance avec par exemple la
disparition du grondement des cascades du stage de
Tam Tam ou l'absence de crépitement des flammes dans
celui de Gen-An.
Il
y a aussi l'apparition de temps de chargement,
heureusement ces derniers étant raisonnables.
Même
si Samurai Shodown sur Neo·Geo CD est extrêmement
proche de l'original, il exploite le support CD en
proposant des musiques instrumentales.
Bilan
Samurai Shodown innove réellement
par rapport à ses contemporains. Il casse les
codes du jeu de combat et offre avec brio une
alternative intéressante à des titres plus
conventionnels. Justement, son ambiance
particulière pourra toutefois en rebuter certains
qui lui préfèreront des jeux plus hauts en
couleurs tels que Street Fighter ou Fatal Fury.
Samurai Shodown démontre qu'il est parfaitement
possible d'innover tout en rivalisant sans souci
avec les productions de chez Capcom.
Ce
premier opus d'une superbe saga a plutôt bien
vieilli, mais sa suite (Samurai Shodown II) lui
ressemble terriblement... en mieux !
Cet épisode fondateur reste tout à fait digner
d'intérêt pour le joueur qui désire connaître
cette magnifique saga dans son ensemble.