La
deuxième moitié de l'année 1994 a constitué une période
décisive pour la firme SNK, et ce à deux titres.
D'abord, cela a été le moment de l'arrivée fracassante des
32-bit au Japon, avec le lancement de la Neo·Geo CD pour
tenter de percer sur le marché du grand public.
Ensuite est apparue une mini-révolution dans le monde des
jeux de combat, The King of Fighters '94. Le jeu se
distingue par son système de combat en équipes, son nombre
très élevé de combattants ainsi que son statut de crossover,
subtil mélange entre Fatal Fury, Art of Fighting et séries
plus anciennes.
Succès oblige, 1995 voit arriver
une inévitable suite. Le contexte de sortie de cette
nouvelle cuvée est un peu différent. SNK a réussi à faire
trembler Capcom. D'ailleurs chez ces derniers, on s'est
enfin détourné de Street Fighter II et ses déclinaisons à
foison. De nouvelles licences sont apparues, Street Fighter
est reparti sur de toutes nouvelles bases, c'est une
nouvelle ère qui s'ouvre. King of Fighters '95 va devoir
faire fort, tout en sachant capitaliser sur le succès de son
aîné.
X-Men
(1994, Capcom)
Fatal Fury 3
(1995, SNK)
Street Fighter Alpha
(1995, Capcom)
Témoignage
d'une émancipation de ce qui est désormais une série, le
scénario se veut plus indépendant de Fatal Fury et Art of
Fighting que celui du premier épisode.
Il y a 1800 ans, trois familles de combattants ont lutté et
réduit au silence le maléfique Orochi Yamatano : les
Kusanagi, les Hasshaku et les Magatama. Puis lors d'un
litige les Hasshaku entrèrent en conflit avec les Kusanagi
pendant 660 ans et s'allièrent aux Orochi pour former le
clan Yagami. Nous voilà en 1995 et [R] organise une nouvelle
édition du tournoi King of Fighters. Cela sera l'occasion de
confronter les descendants des deux familles rivales : Kyô
Kusanagi et Iori Yagami.
Quant
à l'intro, cette dernière se montre dynamique et présente
sommairement le tournoi. Les différents combattants sont
rapidement montrés, certains nouveaux arrivants n'étant
manifestement pas inconnus, mais nous y reviendrons un peu
plus tard. Le tout se finit par un écran-titre sur fond
incandescent. C'est soigné, c'est entraînant, SNK annonce la
couleur.
Même si c'est
une époque charnière, SNK ne balaie pas tout ce qui a été
fait auparavant. Aussi le système de jeu demeure inchangé :
deux équipes de 3 combattants chacune s'affrontent jusqu'à
défaite totale d'une formation. Il y a toujours 24
personnages, mais avec quelques changements par rapport à
l'opus précédent : exit la USA Sports Team. Pour remplacer
cette équipe, nous avons 3 nouveaux venus. Iori Yagami :
C'est le rival de Kyô de la Hero Team, son emblème est la
Lune. Les flammes qu'il maîtrise sont bleues. Eiji Kisaragi :
Le ninja qu'on avait connu dans Art of Fighting 2 fait
également partie de l'équipe, il est là pour combattre les
pratiquants du karaté kyokugenryû. Billy Kane :
Nous venant de Fatal Fury, le bras droit de Geese Howard est
bien décidé à affronter Terry.
Pour finir avec les personnages, signalons que l'on peut en
prendre 2 de plus avec ce
code.
Malgré
l'équilibre Fatal Fury / Art of Fighting inchangé, cet
épisode n'est plus centré sur l'opposition entre ces deux
séries (Terry contre Ryô), mais sur les personnages propres
à KOF. Désormais c'est une rivalité entre Kyô et Iori.
D'ailleurs l'un a le Soleil dans son dos tandis que l'autre
arbore la Lune. KOF n'est plus qu'un simple crossover, c'est
désormais une série avec sa propre trame de fond.
Venons-en
à la grande nouveauté, le Team Edit : on peut enfin
composer sa propre équipe. D'après la boîte du jeu, cela
fait plus de 2000 possibilités. Dans tous les cas, quel
plaisir de pouvoir combiner les personnages que l'on
affectionne. De plus en versus, les possibilités étant plus
grandes, cela devient une véritable mine à l'intérêt sans
cesse renouvelé.
Du
côté des modes de jeux, on constate qu'ils sont plus
complets qu'auparavant avec deux vrais modes Versus : le
gagnant peut donc changer de personnages à l'issue de chaque
affrontement. Ce KOF '95 est assurément un jeu pour faire
des duels.
SNK n'a cependant pas oublié les joueurs solitaires avec un
nouveau mode, le Single All. Ce dernier demande toutefois un
bon moment avant d'être terminé.
Quant aux options, c'est succinct (niveau de difficulté et
réglage de la manette) mais suffisant.
Toujours dans
une logique de continuité, les bases posées par KOF '94 sont
conservées. On a donc pour les poings rapides, pour les pieds rapides, pour les poings forts et pour les pieds forts. On ne change
pas une configuration éprouvée et efficace.
Petite modification, la provocation ne se fait plus avec
(de loin), elle se fait avec . Il en résulte qu'on pourra
l'exécuter de n'importe quel endroit de l'aire de combat.
Les autres combinaisons demeurent les mêmes. , et servant respectivement à esquiver,
donner un coup très puissant et charger sa Power Gauge
ou faire intervenir un coéquipier.
L'esquive
hérite d'une petite nouveauté rappelant celle + de Fatal Fury 3. Dans KOF '95, si
on appuie sur n'importe quel bouton après avoir esquivé, on
effectue un petit coup en contre. Rien de bien dévastateur,
mais il y a de quoi calmer les ardeurs de certains fougueux.
Autre nouveauté, les niveaux de saut. Si on effleure à peine
, ou , le personnage se dédouble et
effectue un saut de grande amplitude.
Enfin la Power Gauge permet, une fois remplie, de
faire un Guard Cancel. Quand on se protège, il est
possible de contre-attaquer efficacement et de briser les
ardeurs de l'adversaire. Cela demande toutefois une bonne
synchronisation.
Cette
même Power Gauge augmente toujours la puissance du
combattant et autorise les Super Special Moves. Les
Special Moves classiques sont similaires à ce qu'on
trouvait dans KOF '94, à ceci près que certaines
manipulations sont modifiées et que certains coups ont été
ajoutés.
Flying Kick
(saut) +
ou
Power Dunk
+
ou
Thunder
Blast
+
Concernant
les aires de combat, ces dernières ont changé depuis l'opus
'94, bien que les pays visités y soient presque les mêmes.
Ils sont très typés et chaque équipe dispose de son décor
attitré. Seuls Saisyû et Rugal ont droit à une seule et même
arène qui est en deux variantes.
L'opportunité
de faire son équipe est une grande avancée qui ouvre le champ des possibles
dans la série, le premier épisode imposant des
formations composées à l'avance. Cette fonction
devenue incontournable a pourtant été envisagée dès
la conception de King of Fighters '94. L'idée a été
mise de côté pour inciter les joueurs à essayer
davantage de personnages. Elle finira par être
incluse dans l'opus '95 pour une nouvelle
expérience, quitte à perdre le charme et la
cohérence des formations prédéfinies.
King of Fighters '95
propose différentes arènes de combat, celle du
Japon montrant une énorme enseigne Neo·Geo.
Il s'agit d'un lieu réel,
c'est un centre de loisirs dédié à l'arcade, le
Neo·Geo Land. SNK en a d'ailleurs ouverts
plusieurs. Celui visible dans King of Fighters '95
semble être un des trois ouverts à Ôsaka.
D'ailleurs détail à noter,
dans la foule de badauds de ce stage on peut voir
deux nouveaux personnages issus d'un jeu SNK sorti
précédemment, Fatal Fury 3. En étant attentif on
pourra apercevoir Blue-Mary ainsi que Ryuji
Yamazaki.
Pour le grand retour de
Rugal en tant qu'Omega Rugal, SNK a envisagé
plusieurs apparences. L'une d'entre elle nous
montrait un boss de fin arborant un tatouage à
l'effigie d'un léopard tacheté qui n'est donc pas
sa panthère, Rodem.
Enfin
les développeurs ont réfléchi à plusieurs intros
pour le jeu, en plus de celle que nous connaissons.
L'une d'entre elles mettait en avant la Hero Team et
ignorait totalement Iori, pourtant antagoniste de
Kyô.
Ce
deuxième épisode de la série King of Fighters affirme donc
sa filiation avec son aîné tout en apportant quelques
touches de nouveauté. La réalisation prend-elle pour autant
le même chemin ?...
Les stages perdent leur grain spécifique à base
de trame tout en restant dans le même style : à la fois
coloré et plutôt réaliste (en opposition à des Fatal Fury
3 ou Darkstalkers, au rendu plus cartoon). Mention
spéciale au décors des USA qui dispose d'une mise en
couleurs magnifique, un vrai travail d'orfèvre ! Et puis
se battre devant le Neo·Geo Land, cela mérite le détour.
On appréciera également les nombreuses animations de
premier plan rendant le visuel encore plus riche.
Du côté les personnages, à part quelques rares et
légères modifications de palette de couleurs, on retrouve le
travail accompli pour KOF '94.
Le jeu bouge
bien, les mouvements ont gagné un peu en souplesse ainsi
qu'en vitesse. Sans révolutionner le genre, ce King of
Fighters '95 améliore et complète çà et là le travail
effectué l'année précédente. Les décors sont richement
animés, l'amateur de détails ne sera pas déçu.
Fatal Fury 3 oblige, les digitalisations vocales des
personnages de la série des loups solitaires ont été
réactualisées, tandis que les autres sont à peu près les
mêmes qu'avant. Les bruitages ont un peu perdu en puissance
d'impact, mais restent largement au-dessus de la moyenne.
Les musiques sont de qualité inégale mais dans tous les cas,
elles sont très entraînantes et impriment au jeu une
ambiance du tonnerre.
Bien que
similaire à celle de KOF '94 à première vue, la jouabilité
de l'édition '95 propose un bon nombre d'améliorations. Les
coups s'enchaînent avec plus d'aisance et de souplesse.
Revers de la médaille, cela mettra en évidence le fait que
les barres de vie diminuent trop vite, les versus tournant
parfois bien court.
KOF '95
propose 24 combattants (+ 2 cachés), c'est plus que correct.
Cet épisode est très vaste avec ses nombreux modes de jeu,
surtout avec le Versus inépuisable et le Single All
épuisant. De plus, la machine se révèle être un adversaire
de bon niveau et demandera pas mal d'entraînement avant
d'être défaite à coup sûr.
Le
jeu est dans les grandes lignes le même qu'en
cartouche : modes de jeu, options, personnages
présents, tout est repris. Du côté des pertes, on
remarquera que les personnages ne sont plus animés
lors de l'écran de sélection... ce dernier étant par
conséquent très rapide à charger.
Par
rapport à KOF '94, les chargements ont été repensés.
Ils sont désormais bien plus courts en mode Single.
En Team, ils sont également courts mais
interviennent pour chaque changement de combattant,
la mémoire de la console ne pouvant plus "contenir"
6 personnages à la fois. Cela casse un peu le rythme
du jeu, même si ça reste raisonnable.
Côté
musiques, c'est très bon. Petite curiosité, si on
finit le jeu avec la Psycho Soldier Team, le
générique de fin classique est remplacé par une
chanson interprétée par... Athena ! Pour le reste c'est une franche réussite
: tantôt jazzy, tantôt rock, les réorchestrations
accompagneront de façon percutante et pertinente les
différents combats. Sans dénaturer les compositions
originales, elles transcendent la bande-son du KOF
'95 de la Neo·Geo.
Toujours
efficace, ce portage direct de King of Fighters '95
au format CD fait peu de concessions et profite
pleinement du support pour proposer une expérience
convaincante au joueur qui saura supporter les
chargements entre chaque manche.
Bilan
The King of Fighters '95 rectifie
un nombre conséquent de points qui n'étaientt pas
parfait dans l'épisode précédent et se permet d'en
améliorer d'autres. En devenant une série à part
entière avec ses mécaniques, son univers ainsi que
son style graphique, King of Fighters devient une
franchise emblématique de SNK dès ce deuxième
épisode. Mis à part la barre de vie qui diminue
trop vite, il n'y a pas grand-chose à reprocher à
ce titre qui a manifestement bénéficié d'un très
grand soin de la part de SNK.
Ce
titre a pas mal vieilli face aux autres KOF plus
récents : moins de personnages, moins de coups,
moins bien animé, moins beau, etc. Il reste un
excellent
jeu à prix très abordable pour qui apprécie les
jeux de combat à l'ancienne. En effet, un peu à
l'image de Fatal Fury 3, il fait partie des
derniers représentant de ces jeux de combat
demandant de la rigueur.
Cet épisode est désormais quelque peu oublié
mérite qu'on lui redonne sa chance.