S'il
est une série qui prend son temps, c'est bien Art of
Fighting. Il aura fallu attendre deux ans pour voir Ryô et
Robert revenir pour un troisième épisode. Il y avait bien eu
KOF '94 et KOF '95 pour les retrouver, mais ce n'était pas
comme un véritable Art of Fighting. Ce manque est réparé
avec l'arrivée d'Art of Fighting 3: the Path of the Warrior.
Au Japon il ne s'appelle pas Ryûko no Ken 3, mais Ryûko no
Ken Gaiden: Art of Fighting. Ce jeu ne s'inscrit donc pas
dans la parfaite continuité des deux premiers, il est un peu
à part.
Les deux premiers épisodes ont en leur temps chacun à leur
manière servi de vitrine technologique à la Neo·Geo avec des
personnages énormes, des zooms étourdissants ainsi qu'un
sens du détail inouï. En 1996, la Neo·Geo commence à être un
système vieillissant et il faut compter avec l'arrivée en
force de jeux en 3D polygonale. Et ce, sans compter Capcom
qui brille plus que jamais dans le combat 2D. Bref, Art of
Fighting 3 va avoir affaire à forte partie face aux Virtua
Fighter 2, Fighting Vipers, Tekken 2, Soul Edge, Marvel
Super Heroes et autres Street Fighter Alpha 2. SNK a prévu
de moderniser sa série, mais sera-ce suffisant ?
Fighting Vipers
(1995, Sega)
Soul Edge
(1995, Namco)
Street Fighter Alpha 2
(1996, Capcom)
L'histoire est cette fois centrée sur Robert. Il coule une
vie paisible à Southtown quand Freia, une amie d'enfance,
vient le voir. Elle vit désormais au Mexique, à Grasshill
Valley. Freia a un ami là-bas, Wyler, qui a mis au point une
drogue capable de décupler la force physique de celui qui la
consomme. Ne sachant vers qui se tourner, elle se confie à
Robert qui prend la décision de la raccompagner à Grasshill
Valley. Ceci n'est pas du goût de Albert Garcia (son père)
qui lui interdit de s'embarquer dans ces histoires. Robert
désobéit et emmène Freia dans sa F40, direction le Mexique.
Albert Garcia envoie alors Karman Cole, un de ses hommes de
main, le ramener. Parallèlement à tout cela, Ryô (contacté
par Karman) et Yuri décident de se rendre également à
Grasshill en train pour épauler Robert...
L'intro
nous montre Ryô et Robert avec une toute nouvelle animation
mais mis à part cela, elle n'a rien de particulier en fait.
Rien sur le scénario, ni même sur l'ambiance très changée
qui attend le joueur. Elle reste sympathique, bien que moins
stylée que celles des épisodes précédents, plus axées sur le
scénario.
Après
avoir réglé quelques options (difficulté, temps et langue),
on accède à un tableau de sélection des plus réduits :
seulement 8 personnages y figurent. Fort heureusement, une astuce disponible ici
permet de porter ce nombre à 10, ce qui est déjà moins
inconfortable.
On retrouve donc
nos deux inoxydables compères Robert et Ryô, accompagnés de
huit nouveaux combattants.
Rody Birts :
Détective privé engagé par Wyler, Rody est à la
recherche de Freia. Il a une associée, Lenny Creston.
Kasumi Tôdô :
C'est la fille de Ryuhaku Tôdô. Son père a disparu
après avoir été défait par Ryô (en fait il s'est
retiré pour s'entraîner) et elle pense que ce dernier
en est le responsable. Elle se rend à Grasshill Valley
pour venger son père.
Wang Koh San :
Ce dessinateur va participer à un concours et pour s'y
rendre, il a décidé de faire le chemin à pied afin de
trouver l'inspiration. Ce qui le mène à Grasshill
Valley où son pélican apprivoisé se fera importuner à
plus d'une reprise.
Lenny Creston :
Détective partenaire de Rody Birts, elle recherche
également Freia pour la ramener à Wyler.
Karman Cole :
D'origine allemande, c'est un agent de la Fondation
Garcia. Il a été envoyé par Albert Garcia et son
épouse pour ramener Robert à Southtown.
Jin Fuha :
Ce ninja, autrefois disciple d'Eiji Kisaragi, fut un
jour trahi par son maître pour une raison inconnue. Il
recherche Eiji pour le tuer mais avant, il veut passer
un test : battre Ryô Sakazaki, celui qui a déjà réussi
à vaincre son ancien maître.
Sinclair :
Même si c'est une employée de Wyler qui semble l'aider
à élaborer sa drogue, en fait elle souhaite qu'il
échoue dans ses expériences et cherche quelqu'un qui
sera capable de le convaincre d'arrêter son projet.
Wyler :
Son père est mort il y a des années en testant une
drogue qui n'était pas au point. Il travaillait sur ce
projet avec le docteur Lawrence, ce dernier ayant
disparu avec la formule chimique de la drogue en
question. Wyler recherche donc Freia Lawrence pour
achever le travail commencé par leurs deux pères.
Nous
l'avons vu, l'intrigue du jeu se déroule au Mexique. Un bel
effort a été fait sur le scénario et la présentation : les
combats sont précédés de petits dialogues (assez amusants
quand on prend la peine de les lire) et des scènes
intermédiaires dévoilent l'histoire tout en montrant la
progression de votre combattant sur la carte. Enfin, cela
est surtout vrai pour Robert et pour Ryô, les autres
personnages ayant eu droit à moins d'égards.
Les
décors changent donc résolument de registre par rapport aux
deux épisodes précédents qui se déroulaient à Southtown.
Bienvenue dans la petite bourgade mexicaine du nom de
Grasshill Valley. Entre le club
de combat, le café où on se la coule douce ou encore le
luxueux manoir de Wyler, il y a de quoi être dépaysé.
Catus
Gas Station
Sieste
Café
Quixotec
Temple
Cinco
de Mayo
Train
Yard
Bar
Santana
Wyler
Mansion
Cimetery
Des bases connues,
de la nouveauté, Art of Fighting 3 renouvelle le gameplay de
la série sans renier ses origines.
: coup de poing
: coup de pied
: coup fort / saisie
: provocation
Désormais, on ne peut plus moduler la force des coups portés
avec ou , le bouton redevenant un coup fort, comme
dans le premier épisode. On peut en revanche frapper son
adversaire quand il est à terre. Précisons à ce sujet que le
temps pendant lequel on reste couché est long, voire très
long si on ne touche aucun bouton. Cela fait penser aux jeux
en 3D où la relevée est active et non automatique. Autre
inspiration, les chain combos. En fait on enchaîne
des coups normaux plus ou moins alternés en manipulant la
direction de la manette de façon précise.
+
+ , + , + , +
Toujours
au chapitre de la jouabilité façon jeu 3D, nous avons les juggles.
Ce sont des enchaînements qui débutent par un coup qui fait
décoller l'adversaire. Ce dernier est alors dans les airs et
subit la hargne de son opposant avant de n'atterrir que
tardivement. Cela est particulièrement jouissif à placer...
et terriblement frustrant à encaisser !
+
Robert fait partir Kasumi dans les airs...
... et la malheureuse atterrit sur le
poing du milliardaire qui va se défouler.
La
combinaison a différents effets selon les personnages. Ce
pourra être une esquive similaire à celle de KOF '94 et KOF
'95, un coup qui brise la garde basse comme le de Samurai Shodown III ou encore
un enchaînement automatique.
Outre
la projection et le coup fort, le bouton permet d'éviter l'attaque d'un
adversaire en l'attrapant et en le projetant sans infliger
de dommages.
+
Les
mouvements spéciaux soumis à la gauge de concentration
mentale sont toujours là ainsi que les Desperation Moves
(DM). On peut les exécuter quand la barre de santé
est basse (le personnage clignote en rouge). Si les deux
adversaires sont en rouge et qu'un des deux achève l'autre
par une DM, ce dernier perd le match, même si on est
au premier round : c'est l'Ultimate KO. Voilà qui est bien
pratique pour renverser une situation apparemment sans
espoir de victoire. La liste des mouvements spéciaux du jeu
est disponible dans ce
guide stratégique.
Todoh Multi Layer Crunch
+
Kyûkyokuogi
Randa
+
Ultimate KO
Les
Bonus Stages où on apprenait les coups spéciaux de niveau
supérieur ont disparu, on commence donc la partie avec le
Haoh Shoko Ken disponible. Il n'y a pas non plus de
rétro-compatibilité avec les sauvegardes des épisodes
précédents. Nous gardons tout de même la grande
caractéristique de la série, à savoir des personnages de
taille fort respectable.
Que
de changements pour cet Art of Fighting 3 ! Ceux qui
attendaient une suite classique à Southtown vont être fort
déconcertés... mais pas nécessairement déçus.
C'est dans l'ensemble très beau et détaillé. Choix des
couleurs, thèmes des stages, design des personnages, tout
est bien conçu et le résultat est bien plus que
satisfaisant. SNK abandonne sa ville fétiche pour un
environnement latino-américain fort réussi.
Bien que présenté comme de la motion capture, le procédé
employé ici est la rotoscopie, à l'instar de Prince of
Persia. C'est étonnamment fluide, les étapes d'animation
étant plus que très nombreuses. Ajoutons à cela des
personnages imposants, bien qu'un chouïa moins que dans Art
of Fighting ou Art of Fighting 2. On pourra cependant
trouver les postures choisies assez raides, travers
récurrent dans cette série, ou que Robert est exagérément
mobile. Le zoom est toujours là et il est désormais
progressif, c'est-à-dire à positions multiples.
Les bruitages
sont de très bonne qualité ainsi que les mélodies, on
croirait presque être sur Neo·Geo CD. Bien sûr, d'habitude
les musiques sur ce support ne sont pas mal du tout, mais
dans ce jeu précis elles sont particulièrement travaillées
avec des thèmes assez longs. Elles sont toutefois assez peu
variées, à y regarder de plus près.
La barre de
concentration est plus facile à remplir que dans les
épisodes précédents, on reste donc moins vulnérable. De plus
le zoom très puissant permet de s'éloigner de l'adversaire,
ce qui augmente le confort de jeu quant à la gestion de
cette barre typique de la série Art of Fighting. Vouloir
copier les jeux en 3D n'est pas une mauvaise idée en soi,
mais attention au rythme : le jeu reste un peu trop mou,
surtout à cause des phases où on est à terre. Cela étant,
Art of Fighting 3 se montre bien plus agréable à l'usage que
ses rugueux et exigeants aînés.
8 personnages (10 avec les boss), c'est peu. Fort
heureusement, ils sont pour la plupart nouveaux mais cela
reste faible en comparaison des titres concurrents. De plus
il n'y a qu'un seul mode et même pas de vrai Versus. La
difficulté contre le CPU est moins élevée que dans Art of
Fighting 2, ouf !
La
version Neo·Geo CD d'Art of Fighting 3 a beaucoup
étonné à sa sortie. D'abord le jeu se présentait
dans une configuration à l'intérieur d'un coffret
avec des goodies : art book, autocollants et
la pièce de Robert. Ensuite, quand on mettait le jeu
dans la console, on avait droit à d'autres surprises
: des options plus complètes (choix du stage en
Versus, réglage de la vitesse, édition de couleurs,
rééquilibrage des forces...) et un écran de
sélection (simplifié ou d'origine) avec les 10
personnages sans code.
Bref,
que du bon, pourra-t-on penser, ça sent la version
CD archi-travaillée supérieure à la cartouche. Il
n'en est malheureusement rien. D'abord l'écran de
sélection simplifié et la possibilité de couper
les scénettes intermédiaires ne cachent qu'une
chose : les chargements sont affreusement longs et
nombreux.
Ensuite
tout ce joli packaging inhabituel coincide avec
une qualité étonnamment en retrait de l'original :
les personnages sont trop petits et le zoom a
perdu beaucoup de sa puissance !
Neo·Geo
AES
Neo·Geo
CD
Cette
comparaison d'écrans des deux versions ne permet
pas le doute : la version CD est surpassée. Art of
Fighting, c'est avant tout des personnages
énormes. Ce serait comme un Fatal Fury sans Desperation
Moves ou un KOF sans Team Battle. De plus,
les graphismes perdent du même coup en netteté et
se montrent un peu moins jolis.
La
bande-son est digne du support avec de bien
agréables réorchestrations à base de guitare et de
trompette. Cela étant, après le coup des personnages
réduits on n'en attendait pas moins.
Les
programmeurs de chez SNK auraient-ils essayé de se
faire pardonner pour une version CD moins réussie
que l'AES/MVS en tentant de faire diversion avec un
joli coffret ? On ne le saura vraiment jamais mais
on peut le supposer. Moins impressionnant, moins
beau et alourdi par de sévères temps de chargement,
Art of Fighting 3 perd de son lustre dans sa version
CD.
Bilan
Art of Fighting 3 se démarque
vraiment de ses deux aînés. C'est un titre
franchement à part qui a quelques défauts qui
auraient pu être évités : nombre limité de
personnages, musiques peu variées, animation
parfois raide bien que très fluide. Cela ne doit
pas occulter sa prise en mains améliorée, son
ambiance réussie ainsi que sa qualité de
réalisation d'un excellent niveau. Sans être le
jeu ultime de la Neo·Geo, Art of Fighting 3 est un
très bon jeu de combat en 2D atypique qui, à
l'image de ses glorieux aînés, mérite d'être
découvert.
Avec
son visuel soigné, Art of Fighting 3 n'a que peu
vieilli et garde la majeure partie de son pouvoir
de séduction. Fort différent des deux premier
opus, il ne donne pas dans la démesure tout en
osant explorer une nouvelle voie. Art of Fighting,
c'est un peu le laboratoire de SNK et à ce titre,
chaque épisode a son intérêt.