À
la fin de l'année 1992 SNK a prouvé avec son Fatal Fury 2
que c'était un développeur capable de rivaliser très
sérieusement avec Capcom et son éternel Street Fighter II
(qui en est alors à sa version Turbo Hyper Fighting). C'est
bien, très bien, même. Mais la rivalité est-elle totale ?
Absolument pas, cela ne concerne que le fighting game.
Dans l'autre grand domaine du jeu de combat, le beat
them up, SNK reste encore et toujours un prétendant
assez peu menaçant. Malgré ses Sengoku, Burning Fight , Robo
Army et autres Mutation Nation qui ont d'indéniables
qualités, il n'a été en aucun cas question de compter
inquiéter la terreur du quartier, toujours Capcom.
Le beat them up signé SNK qui arrive le 18 février
1993 sur Neo·Geo MVS a donc une très lourde tâche. Sengoku 2
va devoir exister au milieu de rivaux tous plus séduisants
et performants les uns que les autres.
X-Men
(1992, Konami)
Undercover
Cops
(1992, Irem)
Warriors
of Fate
(1992, Capcom)
Le
scénario du premier Sengoku était assez tordu afin de
pouvoir mêler époque actuelle et Sengoku, celui de cette
suite l'est tout autant.
Pendant l'ère Sengoku, un souverain japonais lève une armée
par magie en réveillant les esprits et en les plaçant sous
son commandement. Contrée après contrée, il enchaîne alors
les victoires. L'apparition de ce souverain avait été prévue
par une reine née avec le don de prédire l'avenir. Elle a
également vu la destinée de deux guerriers du XXème
siècle. C'était une vision de la lutte entre les ténèbres et
la lumière. Traversant les âges, elle va chercher ces deux
braves et leur demande de remonter le temps pour arrêter ce
souverain.
À
l'instar du premier opus, Sengoku 2 propose une intro
différente entre les versions AES et MVS. Cette fois, en
arcade, on n'a juste droit qu'à un écran animé très
sommaire. Sur console, c'est un peu mieux avec un texte
résumant l'histoire du jeu.
Ceux qui
regrettaient que le premier Sengoku ne propose pas de
réglage du niveau de difficulté seront ici satisfaits. Le
joueur a ensuite droit à la traditionnelle explication des
commandes du jeu. Petite originalité : en plus des
classqiues phases à pied, on a droit à de l'équitation
musclée !
Sengoku 2 utilise les quatre boutons de la manette, sans
compter quelques combinaisons. On notera que et ne sont pas utilisés lorsqu'on est
à cheval. Voici les commandes de base, avec à chaque fois
l'effet obtenu à cheval, s'il y a lieu.
: coup vertical / attaque avant
: coup horizontal / attaque arrière
: saut
: appel à un esprit
: garde / se baisser
: attaque spéciale
Même
s'ils n'avaient pas de nom, les héros semblent être les
mêmes que dans le premier opus. On retrouve le Japonais et
le cow-boy échappé des Village People. Ils sont toujours
alloués aux manettes de la façon suivante : le joueur 1
prendra le Japonais et le joueur 2 l'Américain. Les trois
esprits pouvant aider sont de la partie, à ceci près que le
samouraï fait place à un tengu.
Claude Yamamoto :
Il pratique les arts martiaux asiatiques depuis l'âge
de six ans. Après le décès de son oncle, il a été
élevé par ses grands-parents.
Jack Stone :
Champion de bras de fer, il s'intéresse aux arts
occidentaux.
Ninja (Mike Walsh) :
Il était chanteur dans le groupe de rock Sasuke et
organisait des spectacles pyrotechniques durant les
concerts.
Tengu (dieu des corbeaux) :
Il y a fort longtemps, ce dieu s'est servi de son
souffle magique pour sauver une ville d'un gigantesque
raz-de-marée.
Chien ninja (Kirimaru) :
Dernier survivant de la famille hermaphrodite Inugami,
il est doté d'une force aussi puissante qu'étrange.
Comme
dans le premier épisode, certains ennemis, une fois vaincus,
libèrent un globe coloré conférant un pouvoir. Chaque
couleur correspond à une magie différente et l'effet ne sera
pas le même selon qu'on utilise l'un des deux héros ou l'un
des trois esprits. Cela va de l'arme envoyant des arcs
électriques jusqu'à des éclairs nettoyant l'écran, en
passant par le souffle phénoménal du tengu. En revanche,
toujours pas d'objet à ramasser au programme, contrairement
aux beat them up urbains classiques. Claude Yamamoto
et Jack Stone sont d'ailleurs équipés en permanence d'une
épée.
Bien
que ce ne soit plus mis en avant, les aller-retour entre le
monde réel (à travers différents âges, donc) et un monde
parallèle, empreint de mysticisme, ponctuent la progression
dans le jeu.
Sengoku
2 propose quelques autres gâteries, comme les joutes, lame
contre lame. Quand on assène un coup de katana en même temps
qu'un ennemi et que les lames s'entrechoquent, débute alors
une épreuve de force entre les deux adversaires. On voit sur
l'image ci-dessous Jack Stone aux prises avec un samouraï
démoniaque. Citons encore cet atroce mur hérissé de piques,
poussé par des diablotins, il invite à ne pas traîner en
chemin. Enfin certaines phases se déroulent à cheval, ce qui
rompt un peu la monotonie.
L'aventure
de nos voyageurs du temps va s'étaler sur quatre niveaux se
déroulant à des époques différentes : la fin de l'ère
Sengoku, la Seconde Guerre mondiale, la fin du XXème
siècle et le niveau dédié au boss de fin.
First
Area - In 157X: Barbarian Age
Second
Area - In 194X: Age of the Great War
À
l'instar du premier opus, les boss de Sengoku 2 ne sont pas
particulièrement imposants (sauf celui de fin, carrément
hallucinant). Ils sont en revanche assez coriaces et ont
plusieurs formes.
Sengoku
2 s'inscrit parfaitement dans la lignée de son aîné avec son
ambiance japonaise médiévale, ses transformations et ses
mondes parallèles. Il se contente d'apporter des nouveautés,
très appréciables au demeurant. Le premier Sengoku avait une
réalisation assez inégale, qu'en est-il de celui-ci ?
Couleurs bien
choisies, trait d'une finesse plus que correcte, décors
variés... SNK a repris l'ambiance de son premier Sengoku
sans répéter les mêmes erreurs (couleurs parfois très mal
accordées) et en poussant plus loin le concept avec non
seulement un monde parallèle au monde réel, mais également
un voyage dans le temps. Voir débouler une horde de
samouraïs possédés au beau milieu d'un champ de bataille
dans les années 40 vaut le détour. Même si le look des héros
est amélioré, cela reste très kitsch (surtout Jack Stone).
Concernant les esprits, ils ont davantage d'allure, surtout
le petit nouveau, le tengu.
L'animation a
gagné en souplesse, tout semble plus fluide, plus naturel...
sans atteindre des sommets. C'est mieux, mais cela reste
tout de même un peu raide en comparaison des productions
concurrentes. On appréciera ces détails dont SNK a le
secret, comme le héros qui agite son arme pour en nettoyer
la lame, imbibée de sang démoniaque, après un coup sauté.
Distorsions, zooms, (pseudo) transparences, les effets
visuels ne manquent pas et confirment le statut arcade du
jeu. Ajoutons à tout cela des animations d'arrière-plan
(civils persécutés, rats, corbeaux, avions) et nous obtenons
un titre à l'animation certes imparfaite, mais très
correcte.
On retrouve
ici le mélange entre musiques soit très conventionnelles,
soit traditionnelles à très forte identité japonaise.
Quant aux bruitages, ces derniers ne sont pas en reste avec
des chocs d'épée criants de vérité et des digitalisations
vocales impeccables, en particulier lors des scènes
intermédiaires.
Les progrès
accomplis sont ici les plus flagrants. Les personnages
répondent très correctement et tout a bien été pensé par les
programmeurs : les coups verticaux ou horizontaux, les coups
sautés (enfin) plus précis, la garde, les joutes, les phases
à cheval, etc. Bien que ce ne soit pas parfait au niveau de
certaines collisions, parfois un peu douteuses, SNK a tout
de même bien retravaillé sa copie.
Bien sûr, il n'y a pas d'arme à ramasser. Bien sûr, il n'y a
pas de coup salvateur en cas de situation délicate (se
transformer en Kirimaru permet de se tirer de bien des
mauvais pas, cela étant). Il n'empêche qu'il convient de
saluer les efforts fournis par SNK. Il reste qu'on se
retrouve souvent complète submergé d'ennemis, le jeu
trahissant son origine "arcadienne".
Talon
d'Achille de Sengoku 2, le nombre de stages : ils sont au
nombre très restreint de 4. Ils ont beau être longs et
variés, ils ont beau proposer de changer de dimension, cela
ne suffit pas à éclipser ce défaut. La possibilité de jouer
à deux et de se transformer un temps renouvelle l'intérêt du
jeu.
Mis
à part les quelques secondes nécessaires au
chargement du jeu, absolument rien ne change dans
cette version Neo·Geo CD. Les musiques provenant de
la cartouche, les effets visuels, les esprits
pouvant donner un coup de main, etc. : rien ne
manque à l'appel. On obtient donc un bien joli beat
them up qui, une fois encore, confirme sa
supériorité par rapport au
premier épisode.
Sengoku
2 constitue sans nul doute un achat incontournable
pour qui aime les beat them up. Si ce n'est
peut-être pas le meilleur jeu Neo·Geo CD, il reste
probablement le meilleur titre du genre du support,
domaine certes peu disputé.
Bilan
Plus beau, plus jouable, moins
vaste, Sengoku 2 surpasse globalement son aîné
sans trop de problèmes. Plus intéressant, ce titre
permet enfin à SNK de tenter de titiller les
ténors du beat them up arcade. Sa
réalisation de qualité (autant sonore que
visuelle), sa jouabilité étendue et, surtout, son
ambiance unique et déroutante en font un très bon
jeu du genre.
On regrettera toutefois la jouabilité encore un
peu imprécise ainsi que le nombre de niveaux, peu
élevé.
Avec le recul, on ne peut que regretter sur SNK
ait décidé de laisser de côté le beat them up
pour se consacrer presque exclusivement au fighting
game. Avec Sengoku 2, l'éditeur tenait enfin
le jeu qui lui aurait permis de lutter face à un
Capcom faisant figure de maître incontesté d ans
le domaine. Genre en perte de vitesse, éditeur
incapable
de lutter sur tous les fronts, toujours est-il que
Sengoku 2 marque l'arrêt du beat them up
pour SNK.
Arrêt pour SNK, mais pas pour la Neo·Geo. En effet
la série retrouvera un dernier souffle avec
Sengoku 3 en 2001, mais cette fois on s'éloigne
grandement des bases posés par le premier opus
tout en gagnant une énorme souplesse d'usage qui
séduira davantage les joueurs qui n'ont pas connu
l'épisode 2 en son temps.
Bref, pour en revenir à ce dernier, il reste un
achat à conseiller, surtout à ceux qui sont prêts
à se remettre dans le contexte de sa sortie, étant
donné qu'il a tout de même vieilli au niveau de
certains aspects. Ce sera l'occasion de plonger
avec bonheur dans un univers étrange et insolite.