Une
série qui rencontre le succès mérite d'être continuée, ne
serait-ce que par choix commercial. Mais comment offrir une
suite à un jeu qui rectifiait quasiment tous les défauts de
son prédécesseur ? En effet The King of Fighters '95
corrigeait avec brio la plupart des soucis qu'avait son
aîné. SNK répond à cette question en proposant un nouveau
The King of Fighters, millésimé 96 comme on pouvait s'en
douter, qui choisit la voie de l'innovation... quitte à
perturber nos habitudes. Innover tout en étant convaincant
n'est pas aisé. Se frotter à de nombreux poids lourds signés
Capcom ou bien sûr SNK l'est encore moins. KOF '96 va devoir
faire très fort pour se faire une place au milieu des Real
Bout Fatal Fury, Street Fighter Alpha 2, Art of Fighting 3
et autres X-Men vs. Street Fighter...
Street Fighter Alpha 2
(1996, Capcom)
Art of Fighting 3
(1996, SNK)
X-Men
vs. Street Fighter
(1996, Capcom)
Même
si Rugal, organisateur des tournois précédents, a été
vaincu, 1996 voit une nouvelle édition du tournoi KOF. Le
sponsor est en fait un des gardiens du pouvoir qu'avait
Rugal lors du précédent KOF. À la fin, quand la poussière
sera retombée, que les contusions seront soignées et que les
plaies seront pansées, quelle équipe enfilera la couronne de
la gloire ?
Dès
le début, ça frappe très, très fort. Il s'agit de l'une des
meilleures intros sur Neo·Geo.
Violent fighting to come again. As a year flew by from the
excitement, we now declare the opening of our special team
tournament again... In nineteen-ninety-six! On y voit de nombreux combattants jusqu'à un écran-titre
de toute beauté. C'est dynamique, le texte prononcé
carrément mémorable, tout cela s'annonce fort bien.
Les
modes proposés dans ce jeu sont similaires à ceux de KOF
'95, si ce n'est un mode Survivor qui consiste en une série
de combats à la chaîne, en récupérant peu de vie. Il
remplace le mode Single All, plus classique. Les options
sont complètes (difficulté, durée de jeu, langue et
configuration de la manette) mais curieusement, le temps
d'un combat ne peut pas être infini.
Au
niveau des combattants disponibles, SNK a fait le grand
ménage : bye bye Takuma, Heidern, Eiji, Billy, Saisyû et
Rugal, bien sûr. D'un autre côté, nous pouvons souhaiter la
bienvenue à pas moins de 7 personnages. Les équipes passent
donc de 8 à 9, pour un total de 27 personnages.
Kasumi Tôdô :
Fille de Ryuhaku Tôdô, elle fait équipe avec Mai et
King.
Leona Heidern :
C'est la fille adoptive d'Heidern. Elle le remplace
aux côtés de Clark et de Ralf.
Vice :
Vice était secrétaire de Rugal dans KOF '95. Elle a
rejoint Iori et...
Mature :
Secrétaire de Rugal dans KOF '94, elle termine le trio
avec Iori et Vice.
Geese Howard :
Le parrain de Southtown espère s'emparer du pouvoir
qu'avait Rugal.
Wolfgang Krauser :
Le grand rival et demi-frère de Geese a décidé
d'accepter de le rejoindre.
Mr Big :
Éternel sous-fifre de Geese, Mr Big s'est laissé
manipuler, une fois de plus.
Malgré
la hausse du nombre d'équipes, il n'en est pas de même en ce
qui concerne les décors. En effet, désormais certaines
arènes servent à plusieurs équipes. Fort heureusement, elles
sont modifiées et comme la musique est dédiée aux équipes,
cela passe plutôt bien, malgré tout.
Hero
team
Fatal
Fury team
Art
of Fighting team
Ikari
team
Psycho
Soldier team
Kim's
team
Women
team
Iori's
team
Boss
team
Chizuru
Goenitz
La
jouabilité a reçu de très profondes modifications, à l'image
d'un scénario qui marque un grand virage et une distribution
fort remaniée. La base reste toutefois la même : pour les poings rapides, pour les pieds rapides, pour les poings forts et pour les pieds forts.
On notera que est toujours un backdash
alors que permet désormais de courir.
Du côté des sauts, il y a à présent 4 niveaux et non plus 2.
Le petit saut apparaît, il se fait en effleurant , ou . En pressant légèrement puis en sautant classiquement avec
, ou on fait un grand bond. Cela est
également réalisable en sautant pendant une course. Dernière
combinaison, c'est d'appuyer brièvement sur avant de faire un petit saut. On
fait un saut assez bas mais très long.
Enfin il est possible de se protéger pendant un saut,
possibilité apparue dans Fatal Fury 3 chez SNK. Cette garde
(même au sol) peut être brisée si elle est trop utilisée.
Apparaît alors à l'écran la mention Guard Crush.
Si , et déclenchent toujours
respectivement un remplissage de la Power Gauge ou
une attaque de partenaire en cas de coup dur (Back-up
Attack), une provocation (on vide la Power Gauge
adverse) et un coup très puissant, il en va tout autrement
de l'esquive . Cette dernière disparaît au
profit d'une roulade. Enfin, "disparaît", c'est un peu vite
dit. Goro et Clark peuvent toujours la faire avec , mais sans contre-attaque.
Pour en revenir à la combinaison , de base elle permet d'esquiver en
arrière. Si on fait + , on fait une roulade en avant, ce
qui permet de passer dans le dos de l'adversaire. Ces deux
combinaisons sont également faisables en garde si la Power
Gauge est à son maximum. On a alors un Guard
Cancel Emergency Escape.
Désormais,
un bon nombre de combattants ne peuvent plus envoyer de
projectiles très loin. De plus, certaines combinaisons sont
modifiées, comme le Rising Tackle de Terry, plus
offensif. De son côté, Robert perd son Genei Kyaku,
coup défensif par excellence. Entre les projectiles à courte
portée, les coups plus offensifs, la disparition de
certaines défenses et la roulade bien plus dynamique que l'ancienne
esquive , très statique, SNK a ici très clairement
privilégié les assauts par rapports aux tactiques
attentistes.
Koho Ken + ou
Rising Tackle + ou
Dark Crescent Slice + ou
Les
Desperation Moves bénéficient d'un surcroît de
puissance et d'un meilleur rendu si on les exécute en ayant
la Power Gauge pleine et la barre de santé presque
vide. Pour les personnages issus de Fatal Fury, ce deuxième
niveau reprend dans les grandes lignes les Super
Desperation Moves de Real Bout.
Screw Upper + ou
De grands
changements dans la distribution, des innovations dans la
jouabilité, mais qu'en est-il de la réalisation ?...
Les
personnages ont été redessinés (cela est plus ou moins
flagrant) et les décors sont tout bonnement magnifiques :
nombreux détails, recherche permanente de finesse, grande
inspiration, c'est vraiment du grand art. Comme toujours
depuis l'opus '94, vous serez transporté à Ôsaka, puis ferez
escale dans l'impressionnant restaurant de King, sans
oublier un désert où les nuages sont carrément
apocalyptiques. SNK a réussi à obtenir un résultat tout
simplement splendide.
Le jeu est
devenu très rapide, l'action est même parfois un peu
difficile à suivre, quand on n'est pas habitué. Les
mouvements sont bien décomposés sauf pour quelques
personnages qui sont honteusement et curieusement bâclés
(Leona et Vice en particulier), leur animation frisant par
moments le ridicule. Le jeu souffre par ailleurs de quelques
ralentissements lorsque l'écran est chargé en gros
projectiles et autres effets pyrotechniques.
Le son atteint des sommets avec ce nouveau KOF. La plupart
des compositions sont entièrement nouvelles, hormis celles
de Geese (un remix de son fameux thème) et de Krauser (une
reprise du requiem de Mozart à l'identique de Fatal Fury 2
et Fatal Fury Special). Nouveauté, certes, mais aussi
qualité. Ces mélodies sont pour la plupart superbement
composées et restent longtemps dans la tête. Chose qui ne
gâte rien, l'orchestration est franchement bonne pour une
console à cartouches.
Quant aux bruitages, ils se montrent réussis, avec une
réserve pour la voix de l'arbitre, trop robotique et
criarde. Malgré cette petite critique, le son est bien l'un
des très gros points fort de KOF '96.
Les très
profondes modifications de la jouabilité apportent la
bouffée d'air frais nécessaire à une série dont les deux
premiers épisodes se ressemblaient. Les enchaînements
demandent un peu plus de doigté que pour KOF '95 et enlèvent
beaucoup moins d'énergie. De très bonne idées, donc, mais
les joueurs assidus décèleront rapidement des bugs (comme la
course à l'envers ou certains enchaînements infinis) ou des
déséquilibres trop marqués entre certains personnages. Les
joueurs purs et durs risquent d'ailleurs de trouver ces
soucis trop rebutants pour apprécier ce jeu. Mais après
tout, que sont ces défauts face à tout le travail abattu par
SNK pour nous offrir un jeu aussi innovant ?...
KOF '96 compte
pas moins de 27 combattants sélectionnables dont un grand
nombre sont du sexe "faible" (King ou Athena faibles ?). Les
modes de jeu assez nombreux assurent une bonne durée de vie,
sans compter le fait de pouvoir faire sa propre équipe qui
rend le jeu virtuellement presque éternel en versus. La
notice annonce d'ailleurs plus de 2900 possibilités de
formation d'équipes.
Commençons
par un gros bonus offert par cette version Neo·Geo
CD : il s'agit de la possibilité de prendre les boss
avec ce code,
sans avoir besoin de puce dans la console. Très
appréciable, il y a même des fins spéciales si on
les prend avec les bons coéquipiers.
Comme pour les épisodes '94 et '95, les
musiques bénéficient de réorchestrations, elles
sont ici absolument splendides pour la plupart. Il
n'y a pas à dire, les compositeurs de chez SNK
savent certes tirer merveilleusement parti de la
Neo·Geo, mais quand il s'agit d'utiliser des
instruments réels, les musiques prennent
immédiatement une tout autre ampleur.
La
galette signée SNK propose également un menu où on
peut visionner les différentes fins apparaît la
première fois qu'on bat Goenitz.
Quant
aux temps de chargement, ils sont similaires à KOF
'95, mais un peu plus longs. Cela étant, c'est quand
même largement supportable sur Neo·Geo CDZ. Comme
toujours, un intégriste de la cartouche trouvera
toujours ces chargements trop longs, fussent-ils
minimes. Mais ce serait oublier que KOF '96 sur
Neo·Geo CD ne s'adresse pas à eux.
The
King of Fighters ''96 sur Neo·Geo CD bénéficie d'un
apport non négligeable : la possibilité de prendre
les boss. Voilà une adaptation intelligente d'un jeu
qui garde son excellent niveau (ainsi que ses petits
défauts).
Bilan
KOF '96 renouvelle la série avec
bonheur. Plus de combattants, plus beau, "plus
mieux", quoi ! Oui, ce jeu frappe vraiment très,
très fort. Seuls bémols : une animation parfois
perfectible et surtout une jouabilité certes
pleine de nouveautés mais qui aurait pu être plus
intuitive.
Même s'il s'agit d'un troisième épisode, il s'agit
bien de défauts de jeunesse, tant il innove par
rapport à ses deux illustres prédécesseurs. SNK a
intégralement revu sa copie (pourtant excellente)
et a su prendre les risques qui s'imposaient.
Voilà un grand cru à consommer sans aucune
modération.
KOF
'96 représente à merveille l'année 1996 (et pour
cause), une année riche en gros hits et jeux
mémorables. Il est vrai qu'il s'agit d'une période
faste pour SNK (et ses fans) où on trouve nombre
de jeux de haut niveau. La rivalité avec Capcom
battait son plein, SNK avait très probablement une
bonne santé financière (KOF '95, sorti un an
avant, est connu pour être le jeu Neo·Geo le plus
vendu). Bref, c'était le paradis sur la terre du
jeu vidéo.
Cet épisode est certes dépassé et désormais bourré
de défauts qui ont été accentués par les épisodes
suivants, mais il témoigne aussi d'une grande
maîtrise de son sujet de la part de SNK pour cette
période. Après tout, il a su poser les bases qui
seront améliorées jusqu'à KOF '98. C'est sans
doute pour cela qu'il garde une place de choix
dans le cœur de beaucoup de fans.
Il serait à conseiller si on veut un très bon jeu
pour d'agréables moments de nostalgie. Pour les
fins techniciens pratiquant régulièrement le
versus intensif, les épisodes '98 et 2002 sont
plus indiqués.