Autant
le préciser immédiatement, ne cherchez pas un quelconque
rapport entre Sengoku, le jeu de SNK, et Son Goku, le héros
des séries Dragon Ball et Dragon Ball Z (adaptée par Bandai
en jeux vidéos). C'est en fait le nom d'une des nombreuses
périodes de l'histoire du Japon. L'époque Sengoku s'étale du
milieu du XVème siècle au début du XVIIème
siècle. C'est le temps des shoguns et de la féodalité
japonaise.
Pour le deuxième beat them up de la Neo·Geo (le
premier est Ninja Combat, signé Alpha Denshi), SNK a donc
décidé de plonger le joueur dans une ambiance à la fois très
nippone et traditionnelle, ce qui permet de se démarquer des
plus classiques Final Fight, Double Dragon 3 et autres 64th
Street, plus urbains.
Final
Fight
(1989, Capcom)
Double
Dragon 3
(1990, Technôs)
64th
Street
(1991, Jaleco)
Il
y a 400 ans, un puissant seigneur de guerre voulut conquérir
le monde. Villes et villages furent attaqués et tous ceux
qui se dressaient sur son chemin de destruction trouvaient
la mort. Face à un tel danger, la seule issue était la
fuite. Deux valeureux samouraïs unirent alors leurs forces
et parvinrent à le vaincre.
À présent il est revenu à la vie et, encore plus puissant,
compte bien arriver à ses fins.
La
petite intro nous présente d'ailleurs brièvement le scénario
du jeu, le tout se finissant par nos deux héros regardant la
ville. Il est
intéressant de noter que, malgré le fait que les cartouches
AES et MVS soient identiques quant à leur contenu, l'intro
sur console diffère de celle sur borne d'arcade.
Une
fois au fait des évènements narrés par cette intro, on
appuie sur et on se retrouve directement à
l'écran des instructions de jeu. Pas de choix de personnage,
pas de choix de difficulté, rien.
Pour vous battre vous utiliserez trois boutons : pour frapper, pour sauter et pour être aidé par un esprit. Si
on maintient un moment pour le relâcher, on
envoie une puissance onde énergétique.
Pour
en revenir au bouton , son utilisation constitue une
particularité de Sengoku. Il est possible de se faire aider
momentanément par trois esprits (un samouraï, un chien ninja
et un ninja), pour peu qu'on les ai libérés dans le jeu. Ils
se révèlent souvent fort utiles pour certains passages.
Samurai
Ninja
Dog
Ninja
Sengoku
ne propose pas vraiment d'armes à ramasser comme dans un
Final Fight. Il y a en revanche des globes colorés à
collecter, lesquels donnent accès à des bonus intéressants
provisoires. Ils sont libérés par certains ennemis et
lévitent un temps avant de disparaître. Si on est transformé
en Samurai, Ninja Dog ou Ninja, ces globes procurent
également un temps des pouvoirs supplémentaires.
Green
: si on en ramasse 10, on gagne un point de vie.
Red
: donne la "Samurai Sword".
Blue
: donne la "Double Sword".
Purple
: donne la "Holy Sword".
Gold
: donne un pouvoir magique.
Une
autre originalité de Sengoku réside dans les niveaux. Ces
derniers ont deux versants, Real World et Other World. Dans
les passages Real World, cela ressemble à du beat them
up assez classique avec des décors contemporains à
tendance post-apocalyptique. On change régulièrement de
dimension pour se retrouver en Other World : cela correspond
à l'époque de la guerre civile japonaise.
Nos
deux héros vont s'opposer au seigneur de guerre (on les
appelle simplement 1P Hero et 2P Hero dans la notice !),
chacun correspondant à une manette. Le joueur 1 contrôlera
un Japonais très typé années 80 avec un blouson rouge et un
pantalon moulant tandis que le joueur 2 aura droit à un
Américain déguisé en cow-boy à l'allure encore plus
ringarde.
Bon,
c'est un peu kitsch, mais ne nous arrêtons pas à ce détail
et lançons-nous dans l'aventure. L'action débute
immédiatement et dès le début, des nuées d'ennemis fusent de
partout. Voici les deux premiers niveaux en images, il vous
est laissé le soin de découvrir les quatre autres en jouant.
Area
1 - Bridge
Area
2 - Subway
À
la fin de chaque stage, on se retrouve d'office dans l'Autre
Monde pour combattre un boss de niveau. Ils sont
curieusement moins impressionnants que certains adversaires
intermédiaires.
Se
distinguant avec ses deux dimensions et ses esprits pouvant
aider, Sengoku est-il pour autant à la hauteur des attentes
qu'on peut avoir sur Neo·Geo ?
C'est assez
coloré dans l'ensemble mais l'harmonie entre teintes sobres
et couleurs vives est parfois douteuse. Certains fonds se
résument à un répétition de montagnes ou de nuages. Dans
l'ensemble, ce sont les passages Other World qui tirent leur
épingle du jeu, grâce à leur originalité. Le combat contre
le premier boss sur le dos d'une horde de chevaux déchaînés
est par exemple un joli morceau de bravoure. Les personnages
sont assez détaillés et les ennemis, comme bien souvent dans
ce type de jeu, se montrent assez répétitifs.
Quelques
ralentissements sont à noter quand l'écran est un peu chargé
en personnages mais c'est globalement bien correct, avec une
sacrée débauche d'effets visuels. Tout est prétexte à
l'emploi massif de zooms : apparition depuis le fond de
l'écran, mort des ennemis ou des héros, etc.
Comme pour les
graphismes, les musiques ont deux côtés bien distincts. Dans
le Real World nous avons droit à des compositions très
banales mais qui se révèlent suffisamment rythmées pour
soutenir l'action. En Other World, les sonorités deviennent
très japonaises avec même des chants marmonnés. L'ambiance
qui en résulte est excellente.
Du côté des bruitages, c'est très bon, comme bien souvent.
Elle se montre
plutôt limitée avec les personnages de base et souffre de
sauts mal ajustés quand on veut frapper. À cause d'un
certain manque de coups de base et de sauts un peu
hasardeux, le jeu se résume trop souvent à mitrailler le
bouton pour avancer. Heureusement, la possibilité de
se faire assister d'un esprit apporte une grande variété à
l'action et rompt la monotonie qui guette chaque beat
theam up.
Le jeu n'a
qu'un seul niveau de difficulté et les crédits paraissent
infinis... sauf qu'ils ne le sont pas (il y en a une
quinzaine). Certes, ils ne sont pas de trop si on veut finir
les six stages de Sengoku d'un traite, mais il aurait mieux
valu moins de crédits et plusieurs niveaux de difficulté.
Cela aurait permis de contenter davantage de joueurs. Le jeu
à deux est, comme toujours dans ce genre de jeu, une
occasion de coopérer et relance l'intérêt de ce titre.
Cette
version CD, très proche de sa sœur cartouche,
possède une petite différence, et non des moindres.
Il s'agit du choix de difficulté qui est offert. Les
crédits deviennent comme d'habitude infinis, ce qui
risque d'empêcher de s'appliquer. Comme toujours,
c'est au joueur de voir comment il compte aborder le
jeu.
Les
mélodies sont strictement identiques à la cartouche
et les temps de chargement très contenus, comme tous
les jeux inférieurs à la mémoire de la console (56
Mbits).
Sans
être spécialement digne de son support, Sengoku
version CD apporte le choix du niveau de difficulté.
Même si ce n'est toujours pas un grand jeu, cela
reste un beat them up correct.
Bilan
SNK a eu une très bonne idée :
faire un beat them up proposant deux
dimensions différentes et s'appuyant sur une
ambiance de samouraï de premier ordre. Sa
bande-son étonnante et ses effets visuels pourront
séduire les amateurs de jeux à l'ambiance
atypique. Hélas, ses couleurs parfois mal choisies
et surtout sa jouabilité imprécise et inaboutie
l'empêchent de s'exprimer pleinement.
Honneêtement, on peut attendre mieux sur Neo·Geo.
Il nous reste un jeu correct à l'environnement
original.
SNK a amélioré son Sengoku avec une suite bien
plus réussie : il fait partie des meilleurs beat
them up de la console. Sengoku 3 est un peu
décalé car beaucoup plus récent et détaché des
deux premiers épisodes, mais il a pour lui une
jouabilité bien plus souple.
Quant à notre Sengoku, il a beaucoup vieilli et
outre ses défauts de l'époque devenus criants, il
accuse son âge. Il peut toutefois rester
intéressant de par son prix fort raisonnable, pour
celui qui saura se remettre dans le contexte de sa
sortie, en 1991.