1996
est une année de la période charnière à laquelle la 3D
s'installe significativement dans le monde de l'arcade et
plus particulièrement celui du fighting game.
D'un
côté il y a donc la 3D qui monte en puissance en
dissimulant de mieux en mieux ses polygones disgracieux :
entre les Virtua Fighter 2, Soul Edge et autres
Tekken 2, il y a largement de quoi faire. D'un autre côté la
2D s'affirme plus que jamais en se rendant toujours plus
esthétique.
Et puis, quelque part entre ces deux mondes on peut
remarquer quelques titres aux graphismes conçus en 3D puis
transposé en sprites 2D (on parle de Computer Graphics),
à l'instar d'un Donkey Kong Country ou d'un Pulstar. Il y a
eu quelques jeux de combat en Computer Graphics,
mais ces derniers sont avant tout très... Rare !
Plaisanterie mise à part, il est vrai que c'est un parti
pris graphique très peu utilisé dans le genre. Le
13 juin 1996 Saurus propose sur MVS un titre qui appartient
à cette niche, Ragnagard.
Killer
Instinct
(1994, Rare)
Avengers
in Galactic Storm
(1996, Data East)
Killer
Instinct 2
(1996, Rare)
Il
est un monde où vivent des dieux, monde sur lequel règne le
dieu de l'Arc d'Orion. Ce dernier décide de proposer sa
succession lors d'un tournoi à huit dieux. Le vainqueur
pourra accéder au trône du dieu de l'Arc d'Orion. Une lutte
acharnée entre dieux est sur le point de débuter.
Une
petite introduction nous présente les différents personnages
avec un rendu en Computer Graphics, ils défilent sur
images fixes. Y sont insérées quelques séquences de combat.
Une
fois la difficulté choisie, on se retrouve à une écran de
sélection proposant ce que laissait deviner l'intro : un
total de huit personnages. On peut toutefois augmenter ce
nombre grâce à ce
code.
Huit personnages
variés ayant chacun leurs caractéristiques, rapide passage
en revue...
Susano
:
Incarnation du Dragon noir de la Destruction, Susano
ne cherche qu'à combattre et espère devenir le
souverain des dieux.
Benten :
C'est la déesse de la chance et du futur. Elle est à
la recherche d'un trésor appelé "Trésor de Lumière".
Chichi & Nene
:
Ce sont des jumelles qui disent vouloir participer
au tournoi "parce que".
Son
Gokû :
Rival de Susano, Gokû est le dieu Singe. S'étant
éloigné pendant un siècle du monde des dieux, il est
de retour pour la succession au trône.
Binten :
C'est le dieu de la pauvreté. Ayant délaissé son
statut de dieu, il ne s'intéresse guère qu'aux
jeunes filles.
Syuten-Dozi
:
Absolument pas intéressé par le trône du dieu de l'Arc
d'Orion, Syuten-Dozi désire juste le rencontrer pour
qu'il l'aide à lever la malédiction qui touche son
fils.
Seena :
Fille du dieu Neptune, Seena est une sirène. Elle est
davantage intéressée par l'aventure que par tenir son
rang de déesse.
Igret :
Le dieu de la mort est en mission pour enquêter à
propos de la disparition d'âmes.
Les commandes de
base ne sont pas sans évoquer King of Fighters, la
ressemblance s'arrêtant toutefois là.
: poing rapide
: pied rapide
: poing fort / projection
: pied fort / projection
+ : attaque puissante
Il
est possible d'effectuer un backdash avec et un dash avec , ce dernier étant également
réalisable dans les airs. Lorsqu'on subit une projection, on
peut se rétablir dans les airs en faisant + ou . Enfin il y a deux types
d'attaques aériennes de base. Pas très puissantes, elles
permettent d'initier des enchaînements :
+
(saut) +
Concernant
les pouvoirs spéciaux, ils sont le plus souvent bien
classiques ; ainsi un amateur de ce type de jeu trouvera
rapidement ses marques.
Ryû Sei Zan
+ ou
San Ren Kon
+ ou
Yô Sen Nen Ja
+
On
remarquera que chaque coup spécial est accompagné d'une
lettre (,
,
et ).
Chacune d'elles correspond à un élément et donc chaque coup
spécial est associé à l'un d'eux.
Pour en comprendre l'intérêt, il faut savoir qu'un même
personnage dispose de deux éléments pour ses coups et qu'il
peut charger son Elemental Meter Gauge avec ou , selon l'élément souhaité. Un fois
chargée, on obtient un (puis deux, puis trois) item(s) ,
,
ou
et les coups spéciaux correspondants deviennent alors plus
puissants.
Fire
Thunder
Water
Breeze
Encore
plus intéressant, il peut effectuer l'une de ses deux Power
Super Moves, des coups dévastateurs. Enfin, si sa
barre de santé est au plus bas et qu'il a accumulé 3 items
(peu importe l'élément), il peut faire sa Potential
Power Move, coup ultime.
Rai Geki Rin
+
Crystal Splash
+
En
Bô Jutsu
+
Chaque
personnage possède son stage attitré, la plupart mettant en
scène des temples dédiés aux dieux concernés.
Susano
Benten
Chichi
& Nene
Gokû
Binten
Syuten-Dozi
Seena
Igret
Behemoth
Eelis
Lucifer
Ce
Ragnagard s'annonce bien déroutant, mais dérouter est une
chose, convaincre en est une autre. Il est temps de passer
en revue sa réalisation...
Si la technique employée est similaire à celle utilisée pour
Killer Instinct, le résultat n'est pas le même, à commencer
par le design. Ici, point de personnages sombres et
terrifiants, nous sommes dans un registre bien plus manga.
Quant à leur réalisation, elle laisse un peu à désirer :
cela manque cruellement de couleurs et de finesse (Killer
Instinct affiche 32768 couleurs en simultané contre 4096
pour Ragnagard). Cela n'explique pourant pas tout , quand on
sait que Pulstar, utilisant également la technique des Computer
Graphics, est plus bien plus propre.
Les décors sont assez figés, dans un style qui rappelle un
peu Mortal Kombat avec très, très peu d'animations annexes.
On pourra toutefois retenir ceux de Susano (un dragon avec
des effets de lumière sympa), de Seena (un stage très
coloré, en Grèce) et d'Igret (particulièrement lugubre).
Ragnagard
prend ici une petite revanche. L'animation est très fluide
(car conçue elle aussi en 3D) et étonnante. Bien sûr,
certains personnages comme Syuten-Dozi sont un peu trop
raides mais globalement, c'est très satisfaisant. Un zoom
progressif mais de faible amplitude est appliqué à
l'ensemble.
Des musiques
bien anodines accompagnent les combats, une ou deux étant
tout de même au-dessus du lot. Quant aux bruitages, ils sont
en définitive assez peu variés pour de la Neo·Geo.
La gestion des
éléments apporte la touche d'originalité indispensable pour
que Ragnagard puisse espérer exister aux côtés des poids
lourds du jeu de combat. Le jeu aérien est intéressant,
beaucoup de coups et de combos pouvant s'effectuer dans les
airs. Enfin un mot sur le dash : trop long à sortir,
il n'influe même pas sur la hauteur du saut.
Huit
personnages (+3), c'est franchement léger. Le jeu contre le
CPU n'est pas trop difficile (un peu à la fin, logique), et
à deux, les parties n'iront pas bien loin, d'autant plus
qu'il n'y a pas de vrai mode versus.
Première
chose assez remarquable, l'intro est sensiblement
différente de l'originale : il n'y a plus les
extraits de combats (logique, mémoire dynamique
limitée oblige) tandis que Susano et Benten,
toujours réalisés en Computer Graphics, sont
animés.
Ensuite
on a droit à un véritable écran d'options avec
plus de niveaux de difficulté, le réglage de la
durée d'une manche, le choix de la langue, l'écran
de sélection plus ou moins rapide à charger, la
possibilité de désactiver la censure et même la
configuration de la manette. Difficile de faire
plus complet.
Du côté
des avantages et inconvénients habituels du
support CD, on a des chargements raisonnables et
des musiques très légèrement réorchestrées, mais
il faut être bien attentif pour déceler la
différence entre les versions cartouche et CD.
Améliorant
sensiblement la version orginale avec des ajouts
intéressants, Ragnagard n'en reste pas moins un OVNI
sur Neo·Geo, que ce soit cartouche ou CD. Si les
amateurs de jeux étranges pourront y trouver leur
compte, les autres passeront leur route.
Bilan
Ragnagard ne se positionne pas
dans la catégories des ténors, c'est clairement un
second couteau. Il n'empêche qu'être un second
couteau ne prive aucunement un titre d'être un bon
jeu, comme en témoignent Karnov's Revenge ou
encore Kabuki Klash. Saurus nous propose un jeu
étonnant, un jeu innovant, mais malheureusement
pas un jeu réellement réussi. Il souffre d'un
manque de personnages et d'une réalisation bien
trop hésitante pour espérer être autre chose
qu'une curiosité technique.
Tombé
dans l'oubli, Ragnagard reste un jeu mal fini mais
à l'animation assez avant-gardiste pour son année
de sortie. Ne parvenant à rivaliser ni avec un
Killer
Instinct 2, ni avec un Real Bout Fatal Fury ou un
Art of Fighting 3, il peine trop à se trouver une
place. Mis à part l'intérêt pour les
collectionneurs, cela reste une curiosité pour
voir la Neo·Geo s'essayer à la technique de la
fausse 3D et il peut amuser quelques temps celui
qui le trouvera à un bon prix. Par ailleurs,
Saurus a fait bien mieux avec Ironclad et avec sa
série Shock Troopers.