En
1997 le marché de l'arcade est en pleine mutation. Poussé
par un marché des consoles conçues pour la 3D, PlayStation
et Nintendo 64 en tête et la Saturn ayant plus ou moins jeté
l'éponge, le jeux d'arcade se sont spécialisés dans une 3D
bien plus haut de gamme. La 2D est donc en plein déclin et
SNk ne peut absolument plus compter uniquement sur son bon
vieux système MVS. L'Hyper Neo·Geo 64 est censé permettre à
SNK de rattraper son retard. Samurai Shodown, série
remportant un franc succès au Japon, se voit la très lourde
tâche de représenter SNK dans le monde de la 3D.
Le MVS et donc la Neo·Geo se retrouvent donc orphelins, sans
jeu de combat à l'arme blanche hormis Kizuna Encounter et
Ninja Master's. On a beau apprécier ces titres, ils n'ont ni
l'aura, ni le prestige de Samurai Shodown. Voici donc The
Last Blade qui vient combler ce manque.
Kizuna
Encounter
(1996, SNK)
Ninja
Master's
(1996, SNK/ADK)
Samurai
Shodown IV
(1996, SNK)
The
Last Blade est, comme son nom l'indique, un jeu de combat à
l'épée au sens large. Il diffère toutefois de Samurai
Shodown. Pour comprendre, précisons que son nom japonais est
Bakumatsu Roman Gekka no Kenshi. Si le jeu de Haohmaru et
ses amis se déroulait vers la fin du XVIIIème
siècle, le jeu qui nous intéresse ici prend place en 1863,
en plein Bakumatsu. Cette période est une charnière
importante dans l'histoire du Japon, elle marque le début de
son ouverture sur le monde, y étant fermement invité par les
États-Unis en 1853. C'est la fin du temps des samouraïs et
des shoguns, la fin d'un Japon si bien retranscrit dans les
Samurai Shodown, justement.
Le scénario est riche pour
un jeu de ce type, il se déroule à deux niveaux. Il s'agit
d'abord d'une histoire de vengeance. Kaede, Moriya, Yuki et
Kagami étaient les élèves et enfants adoptifs de Gensai.
Celui-ci fut retrouvé mort des les bras de Moriya. Ce
dernier, suspecté, a été obligé de s'enfuir. Par ailleurs,
il y a quatre esprits protecteurs : Genbu (la
tortue-serpent), Byakko (le tigre blanc), Suzaku (le phénix)
et Seiryû (le dragon). Shinnosuke Kagami, le phénix, finit
par avoir l'espèce humaine en horreur et ouvre un portail
avec les Enfers pour invoquer Musashi Akatsuki.
Franchement
splendide avec de bien jolis artworks, l'intro
explique l'histoire du jeu en japonais, même si la console
est américaine ou européenne.
Les
menus proposés sont assez nombreux : Story, Short (une sorte
de mode Story simplifié, avec moins de combats), Versus,
Time Attack, Training et enfin les inévitables options
permettant de paramétrer le jeu à sa convenance. Quant au
Mask Mode, ce dernier permet de jouer avec la barres de
santé et les Power Gauges invisibles.
Quant
à l'écran de sélection, il dévoile 12 combattants, tous
logiquement inédits. À l'aide de ce
code, on peut porter ce nombre à 14.
Bien
que le nombre de personnages ne soit pas ahurissant, chacun
d'entre eux est bien travaillé, avec sa propre histoire.
Kaede
Héros du jeu, Kaede cherche à venger la mort de
Gensai.
Yuki
Comme son nom l'indique, elle maîtrise la neige pour
combattre. C'est la sœur adoptive de Kaede.
Juzô
Kanzaki
Frère adoptif d'Akari, il veut poursuivre la quête de
la grande sœur de cette dernière, trouver le Portail
des Enfers.
Akari
Ichijô
Petite sœur adoptive de Juzô, c'est une magicienne
pouvant invoquer divers esprits et autres fantômes.
Hyô Amano
S'il peut sembler un peu efféminé, c'est en fait un
grand séducteur très soucieux de son apparence.
Moriya
Minakata
Son frère Kaede suppose qu'il a tué Gensai. Désormais
seul, il fuit.
Okina no
Genbu
Gardien de l'esprit Genbu, c'est un paisible vieillard
adepte de la pêche.
Lee Rekka
Ce combattant chinois est venu au Japon pour
perfectionner son art. C'est un moine Shaolin.
Keiichiro
Washizuka
Chef d'une unité des Shinsengumi, il désire en savoir
davantage sur celui qui a ouvert le passage vers les
Enfers.
Shikyoh
Ancien membre des Shinsengumi, ce fou sadique ne s'y
était engagé que pour avoir l'occasion de tuer.
Zantetsu
Membre d'une grande lignée de ninjas, Zantetsu cherche
quelques dernières confrontations.
Naoe Shigen
Gardien d'un autre esprit (Byakko), il fut pétrifié
et en garde une aptitude à transformer ses bras en
pierre pour se protéger.
Les
commandes ne reprennent pas celles de Samurai Shodown.
D'ailleurs, ce jeu n'a pas grand chose à voir avec son
cousin.
: coup d'épée faible
: coup d'épée fort / saisie
: coup de pied
: contre (Repel, littéralement, "repousser")
Ce dernier mouvement permet de repousser les attaques de
l'adversaire, d'un coup de lame. Pour repousser les attaques
de base, on appuie sur , + , + ou + . S'il s'agit d'un coup spécial, il
faudra prendre un peu plus de risques avec + ou + .
Ajoutons à cela
quelques combinaisons :
+ : coup de poing
+ : coup d'épée avec
allonge
+ : coup de pied
puissant
+ : coup de pied accroupi puissant
: brise la
garde basse
Enfin précisons que le dash et le backdash sont possibles et que le saut a trois hauteurs
différentes.
Chaque personnage
dispose très classiquement de sa panoplie de coups spéciaux,
appelés ici Secret Slices.
Ittô
Hayate
+ ou
Ittô
Shingetsu Ura
+ ou
Muku
Yu
+
Dans
le même ordre d'idée, les super coups sont les Super
Secret Slices. On peut les faire quand la barre de
santé est entamée au moins à 75 % (elle clignote en rouge)
ou quand la Power Gauge (qui se remplit en au fur et
à mesure qu'on exécute des coups) est pleine.
Shiki Gami Rikugô
+
Kassatsu Izayoi Gekka
+
Kaede
a par ailleurs la particularité de pouvoir accéder au
"awakening", il change alors d'apparence et ses coups
diffèrent. Attention, dans ce mode la barre de santé se vide
inexorablement.
On
se souvient que KOF '97 proposait deux modes de jeux (Extra
et Advanced). The Last Blade est doté du même choix,
à ceci près qu'ici, ces modes s'appellent Power et Speed
et surtout qu'ils se différencient... différemment.
Le
mode Power est clairement orienté pour la puissance.
Les coups font davantage de dégâts et certains coups
spéciaux peuvent être annulés par les Super Secret
Slices. Enfin, il y a les Hidden Secret Slices,
encore plus puissants, réalisables quand on a moins de 25 %
de santé et que la Power Gauge est à son maximum.
Dans le mode Speed, il est possible de faire des Chain
Combos mais il faudra oublier les Hidden Secret
Slices. En contrepartie il y a le Furious Fandango
Secret Slice : il s'agit dune phase où on devient très
rapide et on peut enchaîner les coups à grande vitesse, un
peu comme pour le Custom Combo de Street Fighter
Alpha 2. La manipulation pour l'exécuter est la même, quel
que soit le personnage choisi.
Shin Yukishi Maki
+
Furious Fandango Secret Slice
+
Chaque
personnage possède son stage attitré, chose de plus en plus
rare dans les jeux de combat. Chacune des arènes nous
transporte au Japon et décrivent au mieux cette ère du
Bakumatsu. Des badauds avec costumes à l'occidentale ici, un
navire étranger là, tout est fait pour retranscrire au mieux
cette période d'ouverture de l'archipel nippon au reste du
monde.
Kaede
Yuki
Juzô
Akari
Amano
Moriya
Okina
Lee
Washizuka
Shikyoh
Zantetsu
Shigen
Musashi
Kagami
Bon,
fini avec les présentations, il faut maintenant voir ce que
vaut ce jeu et s'il parvient à succéder à Samurai Shodown.
Oui, il est bien question de "succéder" et non "remplacer"
car il est clair que The Last Blade joue une partition
différente.
The Last Blade
est tout simplement magnifique ! Beaucoup de détails, c'est
très merveilleusement coloré, les personnages ont une allure
sérieuse : tout va bien, un jeu très, très joli. On
appréciera les petits détails comme la neige qui tombe du
toit lorsque le sol tremble, la buée sortant de la bouche
des combattants quand il fait froid ou encore les rats
galopant discrètement dans la cale d'un navire.
Côté habillage général, c'est du même niveau. On lance un
combat et on a alors droit à de superbes illustrations
suivies d'une
présentation rapide du stage - mais convaincante - avec le
fond sonore approprié. C'est fort travaillé, c'est sublime.
Bref, on en redemande et on se délecte d'une telle qualité
générale.
The Last Blade
dispose d'un zoom, mais à l'instar d'Art of Fighting 3 il
s'agit d'un zoom qui dispose d'une multitude d'étapes.
Toujours à propos d'Art of Fighting 3, il paraîtrait que la
technique d'animation des personnages est la même. Pas très
flagrant... Surtout qu'ici, les personnages sont plus
souples. Cela étant, le jeu est très fluide, les étapes fort
nombreuses et les ralentissements rares.
Les bruitages
sont très réalistes mais ça, on en a l'habitude. En ce qui
concerne les compositions, exit les instruments
traditionnels japonais de Samurai Shodown. Ici, la musique
est bien plus mélancolique, comme si les notes pleuraient la
fin du Japon médiéval et de ses samouraïs. Ces mélodies sont
de très bonne qualité et rares, la plupart des combats se
déroulant avec un fond sonore de grande qualité.
Les deux modes
de jeux permettent à chacun de trouver ses marques. Les
coups spéciaux sont nombreux, ils sortent sans souci, que
demander de plus ? C'est moins pointu qu'un KOF '97 mais
très plaisant, tout en souplesse, un peu comme RBS.
The Last Blade
dispose de 12 combattants de base, tous nouveaux, auxquels
il faut en ajouter 2 de cachés. Les modes de jeu sont
nombreux, la durée de vie est par conséquent plus que
correcte. Cela d'autant plus qu'à deux, on appréciera le
mode Versus, assez complet avec le choix du stage et la
possibilité de régler un handicap. Seul, on pourra se
rabattre sur le mode Story, admirable, ou s'entraîner avec
le mode Training, assez complet.
Le
jeu est grosso modo le même que sur Neo·Geo AES à
part une bande sonore tout bonnement exceptionnelle,
avec parfois des envolées symphoniques.
Détail
amusant, un mode Survival remplace le Time Attack.
Curieux et difficile de dire si on y gagne ou si on
y perd... On note en plus un menu Demo Viewer où se
cachent l'intro du jeu et les fins à visionner, sans
compter une galerie d'images.
Les Options proposent aussi un Demo Cut des plus
utiles où l'écran de sélection se voit simplifié et
les scènes intermédiaires supprimées.
Si
on ne l'active pas, c'est là que les choses se
gâtent : les temps de chargement sont beaucoup
trop longs ! C'est excessivement long sur Neo·Geo
CDZ et carrément insupportable sur Neo·Geo CD.
Même entre les rounds il y a un accès disque alors
que ce n'est pas du combat par équipe, on croit
rêver !
Il faut donc
soit se farcir des temps d'attente déments, soit
se priver des sublimes séquences qui introduisent
les combats.
The
Last Blade sur Neo·Geo CD devient au choix un
magnifique jeu comme en cartouche mais horriblement
lent dans ses chargements, ou alors un jeu plus
raisonnable pour les moments à patienter mais
totalement dépouillé et y perdant beaucoup de son
ambiance.
Bilan
The Last Blade réussit le pari de
succéder à Samurai Shodown sans l'imiter, et en
innovant sur pas mal de points. La réalisation est
de haute volée, c'est vraiment du grand art. On
pourra lui reprocher un certain manque de
personnages (seulement 12, mais 12 nouveaux) ou
une jouabilité moins précise que celle d'un KOF,
mais pas de quoi crier au scandale. Loin s'en
faut. Pour un coup d'essai, SNK a fait un coup de
maître, bravo.
Sur
Neo·Geo CD, il y a eu The Last Blade 2 qui a des
chargements plus courts : là, le choix est facile.
Sur Neo·Geo AES ou MVS, on peut préférer le
feeling plus souple de The Last Blade à celui de
sa suite, mais objectivement The Last Blade 2
reste aussi réussi et se montre encore plus
complet.