Pour
ce Fatal Fury, SNK tente la même tactique que son grand
rival, Capcom. C'est-à-dire de reprendre un bon jeu (voire
très, très bon) déjà existant, gommer ses défauts et
l'actualiser. Fort de 150 Mbits, Fatal Fury Special est là
pour donner ses lettres de noblesse à cette série qui fait
de plus en plus d'ombre à Street Fighter. "All you have
ever wanted in a fighting game is here" (tout ce que
vous avez toujours voulu dans un jeu de combat est ici),
telle est la devise de ce jeu. Et c'est vrai, en partant de
Fatal Fury 2 comme base, les programmeurs ont essayé de
mettre tout ce qu'on peut demander en 1993.
Il faudra bien ça, la concurrence s'étant plus que jamais
renforcée : ADK a offert une suite à son World Heroes, avec
encore plus de personnages, sans compter les Fighter's
History de Data East, Mortal Kombat II de Midway, ou encore
Power Instinct d'Atlus. Capcom va sortir à peine un mois
plus tard (octobre 1993) un Super Street Fighter II très
abouti. La concurrence est rude, elle est terrible, Fatal
Fury Special se doit de l'être au moins tout autant...
World Heroes 2
(1993, ADK)
Power Instinct
(1993, Atlus)
Super Street Fighter II
(1993, Capcom)
Fatal
Fury Special est un Dream Match, c'est une grande
première. En fait il n'a pas de scénario, bien que les
séquences de fin s'appuient sur Fatal Fury 2. On laisse un
peu de côté l'histoire des loups solitaires pour réunir des
combattants qui n'auraient pas nécessairement dû se
rencontrer. C'est donc l'occasion de duels improbables et
inédits. Pour résumer,
on pourrait dire Fatal Fury + Fatal Fury 2 = Fatal Fury Special.
Ce qui n'est qu'en partie vrai. En fait, il s'agit d'un
Fatal Fury 2 amélioré avec des éléments de Fatal Fury en
plus.
Tout
commence par trois intros qui donnent le ton : on y voit
alternativement les trois héros de la série (Terry, Andy et
Joe) puis les deux boss (Geese et Krauser) : court,
dynamique, efficace. Elle est toutefois moins mémorable que
celle de Fatal Fury 2.
On remarquera un choix de niveaux de difficulté
plus étoffé que dans Fatal Fury 2 : désormais les niveaux
Beginner et Expert font leur apparition. Du côté du
maniement, c'est toujours aussi clairement expliqué : quatre
boutons utilisés, changements de plan, coups entre deux
plans, tout y est. Nous y reviendrons un peu plus tard.
Une
fois ces intructions données, on accède à l'écran de
sélection des combattants. Et quel écran ! Pas moins de 15
personnages y figurent. Ce record ne tiendra que peu de
temps, Super Street Fighter II de Capcom, sortant à peine un
mois après, en comportant 16. On garde les 8 combattants de
base ainsi que les 4 boss de Fatal Fury 2 et on ajoute 3
personnages issus de Fatal Fury.
Que
du joli monde, les amateurs de la série Fatal Fury seront
aux anges. Les autres apprécieront la variété ainsi que la
relative originalité du casting...
On commence par le fantasme de tout joueur ayant terminé le
mode solo de Fatal Fury 2 : pouvoir prendre les boss !
Bras droit de Geese
Howard, il utilise un bâton-nunchaku lors des combats
afin de maintenir ses adversaires à bonne distance.
Axel est un ancien
boxeur professionnel. Il a perdu son titre de
champion et désire se refaire une réputation en
participant au tournoi.
Laurence
est un torero espagnol, bras droit de Wolfgang
Krauser. Il est grand, puissant, rapide, et ses coups
ont une grande portée.
Grand
amateur de vin et de Mozart, Wolfgang Krauser est le
demi-frère de Geese. Cet Allemand allie puissance et
rapidité.
Du
côté de Fatal Fury, ce ne sont pas tous les personnages,
mais que trois qui seront proposés. Dommage pour les
amateurs de Richard Meyer, Hwa Jai ou encore Michael Max.
Enfin, si vous êtes à la hauteur en mode 1P, Ryô Sakazaki du
jeu Art of Fighting vous proposera un Dream Match
contre lui (pour l'affronter et pour le prendre, l'astuce
est ici).
Duck King est un
punk typique des années 80 qui a une dent contre Terry
Bogard. Il est toujours accompagné d'un poussin.
Contrairement à Jubei,
Tung est d'un naturel très paisible. Il a veillé sur
les frères Bogard à la mort de son ami Jeff.
Attention à ses transformations !
Geese
régnait sans partage sur Southtown avant que Terry,
Andy, et Joe n'écourtent sa vie. Le revoilà pour cet
épisode Special.
Venu
tout droit d'Art of Fighting, Ryô est l'invité
surprise du jeu et fait office de boss ultime.
Rapide, puissant, complet, c'est un très bon
combattant.
Chaque
"nouveau" personnage dispose de son propre stage tandis que
les anciens sont légèrement retouchés, cela fait donc 15
lieux pour se battre (+1 qui est caché).
Bien entendu, le gameplay
a une part importante dans un jeu de combat, nous allons à
présent le détailler.
Les
quatre boutons de la manette sont utilisés de la même façon
que dans Fatal Fury 2 : pour les poings rapides, pour les pieds rapides, pour les poings forts et pour les pieds forts. Même chose
en ce qui concerne les directions, avec toujours l'esquive
arrière (avec sa brève invincibilité) et la possibilité
d'avancer accroupi.
Les
combinaisons (changer de plan) et (envoyer l'adversaire sur l'autre
plan) sont toujours de la partie, de même que la
contre-attaque +
pendant la garde.
+
Les pouvoirs spéciaux s'effectuent de la même
façon que dans Fatal Fury 2. C'est toujours à base de quarts
de cercle, demi-cercles et autres directions "chargées" (on
appuie sur une direction pendant deux secondes, puis sur une
autre). En voici quelques exemples :
Power Wave
+ ou
Hien Zan
(2 sec) + ou
Encore
plus fort, si vous avez le bon timing et qu'on vous laisse
l'occasion d'en placer, vous pourrez exécuter les Desperation
Moves déjà réalisables dans l'opus précédent :
manipulations tordues et effet dévastateur au programme !
Ces coups ne figurent pas dans la notice, mais ils sont tous
dans ce
guide stratégique (ainsi que la liste de
l'intégralité des coups spéciaux de base).
Power
Geyser
+
Sensation
Gyration
+
Kaiser
Wave
(2 sec) +
Jusque
là, rien de bien nouveau en comparaison de Fatal Fury 2. La
principale nouveauté du gameplay réside dans
l'apparition d'enchaînements. SNK a enfin compris qu'il
fallait inclure ce qu'il manquait à ses jeux par rapport à
ce qui se fait chez Capcom . Cela faisait terriblement
défaut à Fatal Fury 2, ceci est désormais réparé. Commençons
par l'enchaînement de base. On n'utilise que des coups
classiques portés avec ,
, ou . Pendant que
l'adversaire encaisse le coup, on enchaîne sur un suivant.
Ici, Laurence n'a même pas le temps de
se prendre le poing d'Axel qu'il s'en prend un
second lorsque ce dernier atterrit.
Un
peu plus compliqué, on fait un coup simple suivi d'un
pouvoir spécial.
Le pauvre Cheng encaisse un coup
d'éventail... suivi d'un éventail lancé !
Enfin on peut faire la même méthode que celle
citée plus haut, mais en plus rapide. On écourte le coup
classique (surtout s'il doit faire plusieurs impacts) en
enchaînant plus tôt sur le pouvoir spécial. Cela n'est pas
spécialement plus efficace mais le jeu gagne en nervosité.
Il paraîtrait qu'il s'agit d'un bug... bug qui sera repris
par les jeux plus récents. Pour illustrer ceci, prenons
l'exemple de Terry.
Terry débute par un coup de poing
puissant au corps à corps, suivi d'un Burning
Knuckle. Le coup de poing fait deux impacts (c'est
le deuxième sur la première image).
Là, Terry n'a pas la patience
d'attendre : dès le premier impact de son poing,
il enchaîne sur son Burning Knuckle. Good bye, Big
Bear!
Ce Fatal Fury Special n'est donc clairement pas un
nouvel épisode à part entière, tant il ressemble dans son
concept et son habillage à Fatal Fury 2. À présent, il est
temps de passer en revue sa réalisation.
Le jeu est
visuellement magnifique au regard de ses concurrents. Les
décors de Fatal Fury 2 ont été affinés, complétés, et sont
désormais en trois variantes. Bref, ils sont désormais bien
aboutis. Les nouveaux lieux pour se battre sont franchement
réussis avec une qualité qui est d'un haut niveau : les
montagnes du stage de Tung Fu Rue ou les nuages de celui de
Ryô valent le détour à eux seuls ! Un bémol concernant les
proportions, pas toujours heureuses, comme par exemple les
badauds dans le stage de Kim, trop petits (ou trop proches).
Les personnages sont dans un style identique à Fatal Fury 2.
Il semble que
l'animation soit un chouïa moins rapide que dans Fatal Fury
2, mais cela est à peine perceptible. Par ailleurs, il y a
moins de ralentissements, notamment dans le stage de Jûbei
Yamada.
Le son est identique à Fatal Fury 2 pour les bruitages ainsi
que pour les musiques associés aux personnages qui y étaient
déjà présents. Quant aux nouvelles, elles se montrent
complètement à la hauteur. Cet aspect a globalement très peu
changé, étant donné que c'était une vraie réussite du temps
de Fatal Fury 2.
Elle a subi
quelques améliorations. Les changements de plan pour se
battre sont encore mieux gérés que dans Fatal Fury 2, c'est
très agréable à l'usage. La plus grande modification est,
nous l'avons vu, l'apparition d'enchaînements de coups. On
peut désormais effectuer des séries de coups qui ravagent la
barre de santé de l'adversaire. Cependant, contrairement à
Super Street Fighter II, ces enchaînements ne sont pas
comptabilisés à l'écran. Les Desperation Moves sont
toujours de la partie et certaines comme celles de Geese
Howard ou de Laurence Blood demanderont beaucoup de pratique
pour être faites à volonté. Une fois maîtrisées, les placer
devient un vrai plaisir.
Ce jeu est une
véritable mine. Les 15 combattants (16, si on cherche bien)
placent Fatal Fury Special devant World Heroes 2
(14personnages) et au niveau de Super Street Fighter II (16
personnages), deux références dans ce domaine. C'est simple,
Fatal Fury Special semble inépuisable. La difficulté est
bien dosée - abordable en Beginner et très relevée en Expert
- mais le jeu reste finissable sans perdre une seule manche
au niveau le plus élevé... avec beaucoup d'entraînement,
cela va de soi. Le finir sans perdre de crédit, ne serait-ce
qu'au niveau MVS, demandera déjà un peu de temps.
Fatal
Fury Special sous la forme d'une simple galette
argentée avec la qualité de l'arcade, c'était
presque ça avec la PC-Engine, c'est désormais tout à
fait ça avec la Neo·Geo CD !
Le
jeu est identique à la version Neo·Geo AES, à ceci
près que la bande-son est instrumentale et similaire
à celle de Fatal Fury 2 revu à la sauce CD. Les
musiques, déjà excellentes, prennent ici une tout
autre dimension : c'est vraiment étonnant et fort
réussi ! Vraiment un gros point fort pour ce jeu. On
aura désormais droit au "vrai" requiem de Mozart par
exemple, ce qui n'est pas rien. Il faut toutefois
avouer qu'au tout début on peut être déçu de ne pas
retrouver les musiques cartouche, faites de
puissantes basses. Avec le temps certains
apprendront à apprécier le timbre cristallin et
l'harmonie des vrais instruments du CD, tandis que
les autres resteront à jamais fidèles à la
cartouche.
À part
cela, les temps de chargement sont courts et peu
nombreux.
Fatal
Fury Special sur Neo·Geo CD reste un chef d'œuvre de
SNK. Ici, la bande-son se trouve magnifiée, on ne va
pas s'en plaindre. Allez, histoire de chipoter, on
aurait bien aimé la possibilité de choisir entre les
musiques synthétiques originales et réorchestrées et
un Ryô Sakazaki disponible dès le départ.
Bilan
Nous voici en face d'un véritable
chef d'œuvre. SNK a réussi à faire un jeu d'une
qualité incroyable. On dirait que les programmeurs
se sont appliqués à prévoir tout ce qu'auraient pu
dire les mauvaises langues. Si on le compare à la
concurrence, même parmi les meilleurs, c'est le
zéro défaut, ou presque. Mis à part le fait qu'il
n'y ait aucun personnage inédit, que l'animation
manque un peu en rapidité et que le jeu contre le
CPU soit d'un niveau relevé, pas grand chose à
reprocher à ce jeu.
Cette fois, Street Fighter II est battu de peu
(car lui aussi est un très sérieux poids lourd du
genre), même dans sa version "Super" des salles de
jeux.
Fatal Fury Special reste un très bon jeu, mais il
a beaucoup, beaucoup vieilli. Même s'il est
dépassé sur tous les plans par d'autres jeux plus
récents, il est cependant toujours visuellement
assez "propre" et on se surprend à découvrir plus
de dix ans après de nouveaux enchaînements de coups. C'est
un jeu à essayer absolument si l'on est prêt à se
plonger dans l'ambiance du début des années 90,
car il témoigne de l'âge d'or de la Neo·Geo.
Les fans de la Neo·Geo qui ont connu la console
avec des jeux comme KOF '98, Garou: Mark of the
Wolves ou même KOF 2002 se demanderont,
impassibles, ce que l'on peut bien trouver à une
telle antiquité.