Technôs
est un éditeur qui s'est essentiellement fait connaître dans
les années 80 avec son beat them up de légende,
Double Dragon. Ce pilier du genre a eu droit à plusieurs
suites plus ou moins réussies avant d'être mis à la
retraite. Une retraite provisoire puisque la licence revient
le 3 mars 1995 sur Neo·Geo MVS et les 31 mars et 2 juin
suivants aux formats AES et CD. Le but de Technôs est-il de
raviver la flamme du beat them up, genre souvent
controversé sur Neo·Geo ? Est-ce l'occasion de fournir LE
titre du genre qui va mettre tout le monde d'accord ? Tout
le monde d'accord, c'est envisageable. Offrir un beat
them up grand luxe, en aucun cas.
en effet, l'éditeur a préféré s'aventurer sur un terrain
largement plus concurrentiel, le jeu de combat. S'essayer
dans un domaine où la rivalité est âpre, mais en étant armé
d'une licence mythique, pourquoi pas. La tâche s'annonce
tout de même hautement ardue avec trois gros jeux pour ce
mois de mars 1995, mais laissons une chance à Technôs.
Mortal
Kombat 3
(1995, Midway)
Night
Warriors
(1995, Capcom)
Fatal
Fury 3
(1995, SNK)
Le
scénario reprend l'éternelle histoire des deux frères Lee,
Billy et Jimmy. Ils sont revenus dans la ville où ils ont
grandi et trouvent une lettre de leur maître. Ils apprennent
que la ville est contrôlée par une organisation criminelle.
Ils partent donc à la recherche de leur maître et vont
casser du vilain au passage.
Assez simpliste et classique, ce scénario tient bien plus du
beat them up que du fighting game, mais
passons. Il reprend en grande partie celui du film Double
Dragon de 1994. En effet il est censé être le "jeu du film
du jeu", tout comme Street Fighter: The Movie, qui sortira
trois mois plus tard.
L'intro
du jeu ne laisse d'ailleurs aucun doute sur cette filiation.
C'est l'occasion de voir les acteurs du film en vidéo de
qualité médiocre (les 4096 couleurs de la Neo·Geo ne sont
pas faites pour cela, en plus), suivis d'un classique défilé
d'images fixes entrecoupées d'extraits de combats. Le tout,
accompagné d'une réinterprétation assez libre de la musique
de l'écran-titre du Double Dragon original de 1987.
Les
options sont très convenablement fournies pour un jeu
Neo·Geo avec le réglage de la difficulté, du nombre de
manches gagnantes, de la limite de temps, du choix de
l'adversaire, automatique ou manuel, de la jauge Charge
(nous y reviendrons) et du handicap.
La grille de sélection des personnages, pour une fois
verticale, propose un panel de 10 combattants. Ce n'est pas
énorme, mais on peut en prendre deux de plus avec ce
code.
Chaque
participant a ses propres motivations, l'essentiel tournant
autour de vengeance et de désir de défendre Shuko, selon les
personnages.
Billy Lee :
Avec son frère, c'est le héros du jeu. Il maîtrise le
Sô Setsu Ken.
Jimmy Lee :
Grand frère de Billy, il compte récupérer l'autre
moitié du médaillon Double Dragon.
Marian Delario :
Fiancée de Billy, c'était elle qu'il fallait sauver
dans les premiers Double Dragon.
Patrick Dulton :
Il parcourt le monde en quête des adversaires les plus
puissants qu'il puisse trouver.
Eddie Jenkins :
Ce pratiquant de kick boxing est l'entraîneur des
hommes de main de Shuko.
Rebecca Brielle :
Son fiancé l'a quittée, enrôlé dans l'organisation de
Shuko. Elle veut se venger.
Burnov :
Catcheur professionnel, on le surnomme "The Human
Bomb".
Amon
:
Sa famille a disparu, il pense que Shuko en est le
responsable.
Bo Abobo :
Ancien catcheur, il était le grand rival de Burnov.
Cheng-Fu
:
C'est un expert en Zui Quan, ou "technique de
l'homme ivre".
Duke :
Cet assassin professionnel est également le garde du
coprs personnel de Shuko.
Koga
Shuko :
C'est le despote ayant pris le contrôle de la ville,
devenue Bloody Town.
Les
commandes de base sont les suivantes, elles sont assez
atypiques, les poings et les pieds n'étant pas
spécifiquement alloués à tel ou tel bouton.
: attaque très rapide
: attaque rapide
: attaque puissante
: attaque très puissante
Le dash
ainsi que le backdash sont prévus au programme, de
même que le double saut et la garde aérienne.
(pendant un saut)
Chaque
combattant dispose de généralement trois coups spéciaux de
base, à base des combinaisons classique archi-connues.
Ko Jin Ken
(saut) + , , ou
Nitro Slime
+ , , ou
Moon Drive
(2 sec) + , , ou
Même
si elle n'est pas forcément très visible, il y a une Charge
Gauge. On la trouve dans la barre de santé. Quand on
frappe, elle se remplit de bleu. Quand le bleu touche le
rouge, le personnage entre en Charge Mode. Il peut
alors effectuer une Charge Move. Et s'il n'y a pas
de rouge dans la barre de santé ? Eh bien, là il faudra la
remplir intégralement de bleu, ce qui sera naturellement
plus long.
Billy et Jimmy peuvent également changer d'état si on appuie
alors sur .
Ils accèdent ainsi à d'autres coups.
Ces
Charge Moves sont donc l'équivalent des Desperation
Moves et autres Super Moves qu'on peut
rencontrer dans d'autres jeux. Les dégâts occasionnés sont
logiquement supérieurs à ceux infligés par des coups
spéciaux classiques.
Rising
Flames
(2 sec) + 2 boutons
Shadow
Multi Punches
+ 2 boutons
Super
Cannon Ball
(2 sec) + 2 boutons
Du côté de la
technique pure, on remarquera l'utilisation d'un zoom, cette
fois extrêmement puissant.
Dans Double Dragon,
chaque personnage dispose de son propre stage, ce qui fait
donc un total de 12 décors.
Billy
Jimmy
Marian
Dulton
Eddie
Rebecca
Burnov
Amon
Abobo
Cheng-Fu
Duke
Shuko
Faute
de beat them up, il faut se contenter d'un Nème fighting game, genre qui encombre déjà terriblement
la ludothèque de la Neo·Geo. Double Dragon a pour lui le
prestige de son nom et un système de commandes assez
original. Sa réalisation est-elle pour autant à la hauteur
des rivaux visés ?...
Les stages, au nombre de 12, sont de qualité très variable.
Par exemple, les cascades chez Eddie sont très réussies
alors que les parois rocheuses du décor d'Amon piquent les
yeux. Cela reste dans l'ensemble assez flatteur avec un
emploi massif de couleurs vives, pas toujours très bien
accordées. Quelques références au film agrémentent certains
stages, sans s'imposer. On reste toutefois bien en deçà d'un
Night Warriors ou d'un Fatal Fury 3, absolument
intouchables.
Quant aux personnages, ces derniers se montrent de bonne
taille et sont convenablement détaillés. Dessinés pour le
jeu, en pixel art, ils ont le bon goût de nous
épargner d'affreuses digitalisations d'acteurs façon Street
Fighter: The Movie, ouf ! On pourra tout de même regretter
que les personnages présents dans le film ne ressemblent pas
un peu plus à leurs modèles réels. Alyssa Milano ou Robert
Patrick dans le jeu, ça aurait été appréciable. Petit faux
pas à signaler avec les sprites de Billy et Jimmy,
identiques.
Sans égaler un X-Men, l'animation de Double Dragon se montre
convenable. Cela reste tout de même un peu trop raide, le
tout étant réhaussé par les effets visuels de certains
coups.
Les stages sont assez vivants et, une fois n'est pas
coutume, n'ont quasiment pas de spectateurs. Certaines de
leurs parties sont destructibles, un bon point. Quant au
zoom, c'est probablement celui qui, parmi les jeux de combat
sur Neo·Geo, a la plus grande amplitude.
Les musiques ne resteront pas dans les mémoires, leur
qualité étant tout juste moyenne et leur inspiration plus
qu'anecdotique. Cela étant, elles se montrent entraînantes
et assurent parfaitement leur rôle d'accompagnement.
Quant aux bruitages, c'est de qualité et varié, comme
d'habitude sur ce support.
L'étrange
répartition des commandes de base demande un petit temps
d'adaptation. Une fois ce dernier passé, on pourra trouver
que Double Dragon reste, à l'image de son animation, un peu
trop raide, certains coups ayant parfois du mal à sortir.
Le panel de 10 combattants, assez limité, peut heureusement
être porté à 12. Cela permettra de varier un peu plus les
duels, ces derniers tournant généralement assez court, le
plaisir de jeu étant un peu gâché par la raideur d'ensemble. Seul, battre Duke et Shuko ne sera
pas chose aisée, mais cela reste faisable sans être rageant.
Première
chose, un chargement entrecoupe l'intro de ce Double
Dragon à prix réduit. De plus, les extraits de
combats servant de présentation des différents
personnages font place à un unique affrontement
entre Billy et Jimmy, sans doute par souci de
mémoire. Tant qu'on est aux chargements, ils sont
par ailleurs très contenus et pas trop fréquents.
Du
côté des ajouts, on a des options un chouïa plus
complètes avec la possibilité de jouer sans musiques
et celle de régler la configuration de la manette.
Les
musiques ont droit à d'assez notables
réorchestrations. Si le manque d'inspiration
demeure, la qualité sonore satisfera les amateurs
d'instruments réels. Comme toujours, cela laissera
de marbre les amateurs du son chaud et rétro du
processeur sonore de la Neo·Geo à cartouches.
Guère
plus complet que son homologue sur support
cartouche, Double Dragon version CD est globalement
d'une qualité équivalente. Il y a mieux sur ce
support, mais ce n'est pas un mauvais jeu non plus.
C'est plutôt bon, même si ça ne fait le poids face à
un Samurai Shodown II ou un Fatal Fury 3.
Bilan
Si Technôs espérait rivaliser avec
Capcom ou SNK dans la cour des grands du fighting
game, c'est raté. Si on le compare à des
jeux de second choix comme Karnov's Revenge,
Kaiser Knuckle ou Power Instinct 2, il a moins de
mal à se distinguer. Double Dragon a pour lui son
visuel plutôt attrayant, épaulé efficacement par
ses zooms à l'amplitude impressionnante, l'aura de
sa licence, légende parmi les légendes du beat
them up, et l'ambiance nanardesque du film,
pour peu qu'on le prenne au second degré.
Voilà un bon petit jeu qui aura beaucoup de mal à
briller face à tant de concurrence, mais qui
plaira sans nul doute à certains joueurs avertis.
Double Dragon a eu droit à une très tardive
presque suite en 2002, Rage of the Dragons.
Tellement tardive qu'il est d'ailleurs bien
difficile de les relier.
Cela reste un jeu qui peut être intéressant en CD
ou en MVS si on est prêt à ne pas le prendre pour
un des ténors du combat sur Neo·Geo, mais plutôt
comme un jeu de second choix étant une adaptation
du nanar cinématographique du même nom. En
cartouche AES, surtout en version américaine où le
prix est du grand n'importe quoi, cela deviendra
tout de suite beaucoup moins sympathique...