Sengoku
3 est un jeu inespéré à plus d'un titre. Tout d'abord, il
sort à une époque où SNK agonise. Aruze a démentelé ses
structures étrangères et s'apprête à mettre la compagnie
d'Ôsaka en faillite. Le développement est confié à Noise
Factory, SNK se contentant d'éditer le jeu. Ensuite, c'est
un beat them up, genre abandonné en 1993 sur Neo·Geo
après Sengoku 2. Non, vraiment, rien ne présageait
d'un retour de cette saga, surtout sur Neo·Geo. Beat them up, genre délaissé, mais genre toujours
vivant en arcade, même s'il est devenu des plus
confidentiels. Les titres sont devenus très rares et à part
les Knights of Valour d'IGS, pas grand chose à se mettre
sous la dent. Cela dit, la société Noise Factory s'est
illustrée avec Gaia Crusaders, en 1999.
Gaia
Crusaders
(1999, Noise Factory)
Knights
of Valour 2
(2000, IGS)
The
Crystal of Kings
(2001, BrezzaSoft)
D'habitude,
les scénarios des beat them up ne sont pas très
recherchés. Celui de Sengoku 3 est des plus succints. Il est
question d'une prophétie annonçant le retour d'un démon à
travers les âges quand la lune sera rouge. Cela précipitera
notre monde dans les flammes du conflit. Cette prophétie
précise par ailleurs que des ninjas au service de la paix se
dresseront contre le démon.
Cette
fois il n'est plus question d'intro console et d'intro
arcade. Les deux systèmes AES et MVS disposent de la même
mise en appétit, cette dernière présentant brièvement
l'histoire du jeu. Pour être précis, il faudrait tout de
même parler des intros. Il y en a une seconde (présente
aussi bien dans les versions console et arcade, donc), bien
plus courte, dédiée à la présentation des héros.
Évolution
logique, cet épisode hérite d'un écran d'options, absent des
épisodes précédents. Il n'y a pas grande chose, mais
l'essentiel est là : difficulté, nombre de vies, papier
peint (!), How to Play et classement. Des civils apeurés
traversent de temps en temps l'écran ainsi qu'un poussin que
les amateurs de détails ne manqueront pas de reconnaître.
Première chose, l'appel aux esprits est abandonné. Entre
cela et le décalage temporel très important entre les
épisodes 2 et 3, la répartition des boutons est plutôt
logiquement chamboulée.
: coup d'épée
: coup de poing / ramasser des objets
: saut
: projectile
: dégagement d'urgence (consomme la barre de santé) ou : course
Comme dans l'immense majorité des beat them up, la
saisie des ennemis est automatique. Il suffit ensuite
d'appuyer sur ou pour le projeter.
Si
Sengoku 3 fait table rase du passé en mettant au rebus les
esprits, il apporte néanmoins de vraies nouveautés au niveau
de la jouabilité.
Tout d'abord, il est possible de procéder à des
enchaînements, ces derniers pouvant être très élaborés : chain
combos, juggles, les possibilités sont
grandes, surtout pour un beat theam up. Alternance
de boutons, inclusion des dashes, tout est faisable,
ou presque.
Ensuite, il y a l'apparition des Ninja Arts,
mouvements utilisant plus ou moins la Power Gauge,
située juste sous la barre de santé. Les Ninja Arts
de base (chaque personnage en a deux ou trois) utlisent une
partie de la Power Gauge alors que l'Ultimate
Ninja Art en consomme une entière. Il est par ailleurs
possible de stocker jusqu'à deux Power Gauges (trois
en comptant la barre elle-même), ce qui permet de garder une
quantité considérable de magie pour un passage délicat ou un
boss.
Cerise sur le gâteau, il est possible de combiner ces deux
nouveautés, c'est-à-dire d'intégrer les Ninja Arts
dans des enchaînements. Ravages garantis !
, , , , ,
+
+
On
peut ramasser divers objets (armes, bonus de points,
restauration d'énergie) en battant certains ennemis ou en
détruisant certains éléments de décor. Rien de bien
original, sauf un bonus, que les fans de SNK reconnaîtront à
coup sûr :
Chose
assez rare dans les beat them up sur Neo·Geo, il est
désormais possible de choisir son personnage grâce à un
écran de sélection. D'abord au nombre de 4, nos héros sont
assez rapidement 6, rejoints par 2 boss jouables.
Kagetsura :
Il s'entraîne depuis son enfance pour devenir le chef
de son clan ninja.
Falcon :
Autrefois navigateur espagnol, il a été secouru par un
ninja après un naufrage. Il a ensuite suivi une
formation rigoureuse.
Kurenai :
Amie d'enfance de Kagetsura, Kurenai était égale sa
promise, selon un mariage arrangé. Elle s'y est
opposée.
Kongoh :
Né dans une famille au service des ninjas, il est doté
d'une force herculéenne.
Byakki :
Il était le disciple de Kagetsura mais fut banni du
clan car on l'a accusé d'avoir utilisé les arts ninja
des ténèbres.
Okuni :
Grande sœur de Kurenai, Okuni a quitté le clan ninja
pour suivre Byakki, étant la seule à croire en son
innocence.
Une
fois son personnage sélectionné, s'offre le choix du stage
de départ, parmi trois. Cela n'a que peu d'incidence sur le
déroulement du jeu (il faut les faire tous les trois pour
accéder aux suivants), mais cela varie un peu les façons
d'aborder ce Sengoku 3.
Chacun
de ces trois niveaux est dédié à un pays et accompagné d'un
niveau de difficulté, lequel est plus indicatif qu'autre
chose. Et puis, comme dit précédemment, puisqu'il faut tous
les faire, il vaut mieux ne pas trop se poser de questions.
Les voici, illustrés par quelques images.
China
Japan
Italy
Comme
toujours, un boss barre la route à la fin de chaque niveau.
Détail intéressant, comme cela a été évoqué, ceux combattus
au Japon et en Italie (respectivement Byakki et Okuni)
deviennent jouables, une fois les trois premiers niveaux
passés. Histoire d'en profiter, même pour les pros de la
manette, on revient alors à l'écran de sélection, agrémenté
de deux cases supplémentaires.
Des
héros à sélectionner, des boss à jouer, des enchaînements à
foison, des esprits mis de côté, un monde parallèle oublié,
une ère Sengoku totalement absente... Eh oui, Sengoku 3 n'a
bel et bien de Sengoku que le nom. Si les deux premiers
épisodes étaient dans un continuité certaine, ici cela sent
à plein nez l'utilisation de licence sans s'embarrasser d'un
quelconque passé. Soit (après tout, on n'a pas le choix),
mais cet épisode est-il au moins à la hauteur de ce qu'on
peut attendre d'une Neo·Geo, alors exploitée depuis plus de
11 ans ?
Commençons par le meilleur, les héros (et donc les boss,
dans une certaine mesure). De bonne taille, détaillés, dotés
d'une allure plutôt réussie aussi bien pendant le jeu que
dans les illustrations, ils n'ont pas grand chose à envier à
leurs homologues des fighting games. Ajoutons à cela
un bien joli effet quand ils exécutent un Ultimate Ninja
Art. Le décor fait place à un dessin magnifique façon
estampe, chaque héros ayant le sien. Bref, avec Sengoku 3,
on a des personnages réussis en tout point.
Continuons par le moyen, les décors. Parfois jolis et
colorés, souvent quelconques, fréquemment banals, ils ne
parviennent ni à s'affirmer, ni à retrouver le souffle du
délire mystique de l'épisode précédent. Les perspectives
sont par ailleurs trop souvent curieuses, rendant certains
passages franchement bizarres.
Terminons avec le raté, les ennemis. Si les boss sont
réussis (notamment ceux qui sont jouables), les autres
personnages sont très répétitifs et peu travaillés. Pour
caricaturer, on n'a que trois types d'ennemis : les démons
verts, les démons jaunes et les donzelles violettes. Bon,
c'est un peu exagéré, cela change un peu à partir du
quatrième niveau, mais l'ensemble reste bien maigre, même
pour un beat them up.
On a à peu
près la même répartition que pour les graphismes. Les héros
sont franchement bien animés, avec des mouvements très
souples qui, là encore, n'ont rien à envier à un jeu de
combat en versus. Les voir se mouvoir est un véritable régal
pour les yeux, Noise Factory a effectué un travail
impeccable. Concernant les ennemis (sauf les boss), on
déchante assez rapidement. C'est bien moins réjouissant, ces
derniers se montrant assez basiques avec leurs mouvements
limités. Enfin les décors ne sont pas très vivants, à vrai
dire. Un peu d'eau qui bouge par ci, des éléments à détruire
par là, mais rien de transcendant.
Sans retrouver
le mysticisme des opus précédents, les mélodies de Sengoku 3
sont de très bonne qualité et bien inspirées. Elles assurent
leur rôle à merveille et sont bien adaptées aux divers lieux
visités. Pas très variés, les bruitages sont également
réussis, sauf peut-être le sifflement accompagnant la mort
de certains ennemis, vraiment curieux.
Entre les Ninja
Arts et les enchaînements, le confort de jeu est très
grand, le tout soutenu par une souplesse d'utilisation très
efficace. Ceux qui aimaient la variété apportée par la
garde, les esprits et les phases à cheval de l'épisode
précédent risquent toutefois de rester sur leur faim. Ici,
la variété est sacrifiée sur l'autel de la jouabilité
offensive pure. C'est plus défoulant, plus souple, mais plus
répétitif en définitive. Enfin signalons que chaque héros a
ses propres caractéristiques de façon très classique, allant
de la jeune donzelle rapide et peu résistante au gros
bourrin bien lent.
Entre ses 6
personnages et ses 6 niveaux comportant quelques chemins
alternatifs, Sengoku 3 ne se montre pas avare en matière de
durée de vie. En venir à bout dans la limite des 5 crédits
ne sera pas aisé, surtout si on ne rajoute pas de vies dans
les options. Les parties à deux et la course à
l'enchaînement le plus long donnent envie de s'y remettre de
temps en temps, même une fois le jeu terminé.
Bilan
Tournant
résolument le dos à ses aînés, Sengoku 3 tient
bien plus d'un Gaia Crusaders que d'un vrai
Sengoku. Privé de l'ambiance improbable de ces
prédécesseurs, il tire son épingle du jeu grâce à
deux points forts. D'abord sa jouabilité basée sur
les enchaînements, vraiment agréable à l'usage,
pourra séduire plus d'un amateur de jeu de combat.
Ensuite ses héros, franchement bien dessinés et
animés, lui donnent là encore une stature
supérieure au beat them up moyen.
Il reste sa réalisation (en particulier le visuel)
franchement trop inégale pour un jeu qui, tout de
même, pèse plus de 350 Mbits.
Dans l'absolu, c'est probablement le meilleur de
la série (si on tient à tout prix
à l'y inclure) et c'est bien la moindre des
choses, huit ans après. Cela étant, Sengoku 3
est un très bon beat them up.
Sengoku 3 reste un titre intéressant, surtout en
MVS. Son confort de jeu a toujours autant de quoi
séduire. Sur Neo·Geo, le son de cloche est bien
différent. Sa cote a rapidement dégringolé dans
les mois qui ont suivi sa sortie, notamment en ce
qui concerne sa version américaine. Cela lui a
d'ailleurs valu de servir de cartouche sacrificielle
pour faire des converts de jeux cryptés. Désormais
plus cher, il vaut mieux y réfléchir à deux fois
avant de l'acheter.
Enfin si on hésite à cause du prix, on peut
heureusement le trouver à un tarif bien plus
raisonnable dans la compilation Sengoku Anthology,
sur PlayStation 2 et PC, ainsi que dans les
incontournables ACA NeoGeo.