À
peine neuf mois se sont écoulés depuis le dernier Fatal Fury
et déjà SNK revient à la charge avec un nouvel épisode.
Malgré les efforts d'innovation déployés par son
développeur, malgré une réalisation bien plus qu'honorable,
Fatal Fury 3 n'a guère rencontré qu'un succès d'estime. On
le trouve bien, on le trouve beau, mais pas au point de
dépenser une fortune dans une borne.
Ce jeu a le tort d'être l'un des derniers de son genre à
avoir une jouabilité old school, où le joueur doit
s'adapter au jeu et non l'inverse. Ah, ces changements de
plan compliqués à gérer, tout un programme... Les esprits
ont changé entre temps et il faut de l'accessibilité, du
combo facile. Bref, Fatal Fury 3 est sorti un peu trop tard
pour rencontrer un franc succès. Ceci est d'autant plus
flagrant que Capcom a sorti son Street Fighter Alpha
ultra-jouable très peu de temps après l'arrivée de Fatal
Fury 3. Entre cela et la rude concurrence de KOF '95, sans
compter la montée en puissance des jeux en 3D, SNK se doit
de réagir. Et vite.
Fatal Fury 3
(1995, SNK)
Street Fighter Alpha
(1995, Capcom)
The King of Fighters '95
(1995, SNK)
Pourquoi
ce long préambule sur Fatal Fury 3 ? Eh bien son cas
explique pourquoi SNK s'est dépêché de lui offrir une suite,
pourquoi cette suite est très jouable, et pourquoi elle ne
paraît pas totalement terminée. Il sort le 12 décembre 1995
sur MVS puis le 26 janvier 1996 sur console AES.
Real Bout Fatal Fury... Voilà un bien curieux titre, qui
plus est. Il s'agit en fait d'un clin d'œil : le nom de
"Real Bout" est apparu dans certains décors du premier Fatal
Fury. La jaquette du jeu dévoile qu'il tient sur 346 Mbits,
c'est le premier à dépasser la barre magique des 330 megs.
Bref, ce qui marque davantage c'est Geese, bien classe,
assis avec deux de ses sbires (on reconnaît Billy) à ses
côtés.
Côté
scénario, notre Geese Howard a réussi à s'emparer des
parchemins secrets de Qin. Il aurait donc gagné selon toute
vraisemblance le tournoi de Fatal Fury 3. Regrettant que ces
parchemins n'apportent en fait aucun pouvoir, il dit à Billy
de s'en débarrasser et d'organiser un nouveau "King of
Fighters" pour montrer à toute la ville qui est le maître.
La
petite intro est sympa, même si certains la trouveront moins
réussie que celle de Fatal Fury 3 : il s'agit juste d'une
succession d'images fixes. Reconnaissons qu'elle reste très
dynamique, à défaut d'être somptueuse.
Ce
Real Bout propose des menus très proches de son prédécesseur
: mêmes modes (Game Start et Options) et présentation
similaire avec personnages en SD. À propos des options,
celles-ci sont strictement identiques à celles de Fatal Fury
3. Vient ensuite le choix des personnages, on y voit 16
combattants dans un écran de sélection très classique fait
de petites cases, comme dans Fatal Fury Special. N'espérez
pas une astuce pour augmenter ce nombre, SNK a rendu tout
disponible, dès le départ.
Il
y a le roster complet de Fatal Fury 3 auquel viennent
s'ajouter des revenants et pas n'importe lesquels, s'il vous
plaît. On a donc Yamazaki, Chonshu et Chonrei, jouables sans
code fastidieux. Plus important pour les fans de la série,
de plus anciens viennent compléter l'arrivage : Billy Kane,
Kim Kaphwan et Duck King. Tous ces combattants sont prêts à
se mesurer une nouvelle fois à Southtown pour le titre de
"King of Fighters", le tout sous le regard de Geese.
D'ailleurs,
comme le dit si bien la notice : "Geese Howard is back
and firmly in the last boss's seat". Avant d'atteindre
son immeuble, il y a quatre stages à parcourir avec trois
adversaires à chaque fois. Yamazaki et Billy seront
invariablement les deux derniers adversaires avant Geese, ce
dernier vous attendant une fois de plus dans son immeuble
désormais mythique.
La
jouabilité évolue sensiblement par rapport à l'opus
précédent. Les trois plans sont toujours là, mais désormais
toutes les manipulations d'évasion s'effectuent avec le seul
bouton , bien plus pratique. Mais que s'est-il passé
au niveau des touches ? Pas de panique, SNK a simplifié les
choses sans (trop) les limiter : sert aux coups de poing faibles,
aux coups de pied faibles et aux coups forts en général.
Outre
permettre un coup fort ou une projection, autorise un coup de fourbe : en
appuyant sur + ou + , on peut, avec certains
personnages, frapper l'adversaire à terre, ou l'attraper à
nouveau.
+
+
étant le seul bouton dédié à la gestion complète des plans,
il faut user de la direction pour aller sur le plan du bas.
Petite illustration avec Duck qui évite Kim.
+
Il est toujours possible de ramener un adversaire se trouvant sur un autre plan avec
le bouton , et ce qu'il se trouve en arrière plan ou au
premier plan. La combinaison + a
le même effet, mais en se baissant, ce qui permet d'éviter
une éventuelle attaque haute.
+
Le
bouton permet également de changer de plan lorsqu'on
tombe. Le principal intérêt de cette manœuvre est d'éviter
de se faire à nouveau frapper sournoisement avec , comme indiqué un peu plus haut.
Mary fait chuter Mai.
Cette dernière fait une roulade...
... et se retrouve sur l'arrière plan.
Toujours avec - ce bouton étant bien plus utile qu'il n'y
paraît - il est possible d'optimiser ce qu'on appelle un cross
up. Il s'agit d'un passage dans le dos d'un
adversaire, afin de déstabiliser sa garde. Eh bien ici, si
on appuie sur lors d'un saut (et préférentiellement juste après
un cross up), le personnage se tourne avant même de
retomber, ce qui permet de frapper franchement l'adversaire.
Pour illustrer la chose, c'est ce pauvre Duck qui va subir
la démonstration de Billy, ce dernier étant toujours prêt à
tanner le cuir d'une victime.
Billy effectue un grand saut.
Il se tourne avant d'atterrir.
Un petit coup de bâton sur Duck !
Tout
ce qui est dash, esquive arrière avec une très brève
invulnérabilité, sauts à quatre niveaux et contre-attaque + (pendant la garde) rend toujours la jouabilité
plus complète. On notera juste la disparition du + apparu dans Fatal Fury 3, pas très aisé à placer.
Les
coups spéciaux de base sont complétés (par exemple, Terry
récupère son Rising Tackle) et un peu modifiés, les
boutons utlisés n'étant plus exactement les mêmes.
Une jauge (appelée Power Gauge) fait son apparition
en bas de l'écran. Elle se remplit quand on fait des coups
spéciaux, à la manière d'un Street Fighter Alpha. Quand elle
est pleine, on peut exécuter un Super Power. C'est
la même que celle qu'on peut faire quand la barre de santé
est dans le rouge.
Quand on est dans le rouge et que la Power Gauge est
pleine, on peut alors faire un Potential Power, une
attaque encore plus dévastatrice et impressionnante. On
retrouve peu ou prou les HDM de Fatal Fury 3 à ceci
près que, cette fois, elles sont tout à fait réalisables
dans de bonnes conditions.
La liste complète des coups spéciaux se trouve dans ce guide stratégique.
Dernière chose à propos de ces coups, ils peuvent, tout
comme dans Fatal Fury 3, être feintés (ce sont les Fakes
Moves), ce qui est assez utile en versus. Les Fake
Moves sont désormais plus faciles à faire, avec des
combinaisons du genre + , ce qui sera un Fake Power Wave pour
Terry ou un Fake Hurricane Upper pour Joe.
Bull's Horn (2 sec) + ou
Dangerous
Wolf +
Mad
Spin Wolf +
Petite
nouveauté, les enchaînements de coups sont désormais
comptabilisés à l'écran. Si chez Capcom on parlait de Combo,
chez SNK on parlera de Rush. Ainsi SNK rattrape un
retard de plus de deux ans. À propos de Rushes, ces
derniers sont plus faciles à exécuter que dans Fatal Fury 3
(déjà lui-même plus souple que l'épisode Special) et les Chain
Combos (pardon, les Combination Attacks, chez
SNK) prennent une part importante dans le jeu.
Plus
on parvient à placer des DM ou des HDM, plus
le combat est rapide, plus les enchaînements sont
recherchés, meilleure est la note donnée à la fin du combat.
Les combats sont toujours notés comme dans Fatal Fury 3, à
ceci près que cette fois, la note n'influe sur rien. Il
reste la satisfaction personnelle d'avoir fait un bon combat
et surtout le fait de soigner son grade à la fin du jeu.
Cerise
sur le gâteau, il y a l'apparition du "Out of Bounds",
pour ce Real Bout. Les extrémités des décors (sauf celles du
dernier) peuvent être brisées à force de coups portés.
Ensuite il suffit de pousser son adversaire hors du ring et
le tour est joué ! Ce sera parfois l'occasion d'animation
amusantes, comme Bob dansant sur le toit d'un ascenseur ou
Yamazaki arrachant son tee-shirt de colère.
Malgré sa sortie assez rapide après celle de Fatal
Fury 3, ce Real Bout Fatal Fury a donc été pourvu par SNK
d'un bon nombre de nouveautés, et ce essentiellement au
niveau de la jouabilité. L'éditeur a-t-il eu le temps de
paufiner la réalisation ?...
Les
personnages sont comme dans Fatal Fury 3, toujours ce style
très dessin animé. Certains comme Joe ou Mai ont un peu
vieilli prématurément face aux nouveaux, absolument
superbes. Les décors sont vastes, mais plus sombres, un peu
fouillis, et surtout peu nombreux (cinq, rappelons-le).
C'est bien trop peu, même s'ils sont détaillés et larges.
C'est vraiment dommage, Fatal Fury 3 faisait bien mieux.
L'animation
est encore plus réussie que dans Fatal Fury 3, avec plus
d'étapes d'animation et plus de rapidité : les combattants
bougent avec une aisance évidente. Quant aux décors, ils se
montrent richement animés et très interactifs. Bien sûr, on
pense aux bordures qui se détruisent, mais aussi aux
diverses animations humoristiques provoquées par la sortie
d'un combattant. Voir Blue-Mary perdre son haut dans l'eau,
cela ne s'oublie pas !
On reprend
grosso modo tous les thèmes de Fatal Fury 3 et on rajoute
trois nouvelles musiques pour fêter les trois nouveaux
personnages : simple ! La qualité est donc très bonne, c'est
juste regrettable qu'il n'y ait pas quelques nouveaux thèmes
pour ceux issus de Fatal Fury 3.
Les coups
sortent avec une grande facilité, les changements de plan
sont plus intuitifs, les enchaînements sont plus aisés : que
du bon. Concernant les barres de santé, leur niveau a été
doublé. Ainsi, on est plus longtemps dans le rouge, on peut
donc exécuter davantage de Desperation Moves, et
donc au final les combats sont plus stylés que dans Fatal
Fury 3.
16
combattants, c'est correct, mais pas étourdissant non plus.
Un seul mode de jeu, pas de personnage à débloquer ni de
boss caché si on a de meilleures notes... On pouvait
s'attendre à un peu mieux. Le jeu à deux remonte grandement
la durée de vie et promet de (très) longues heures
d'amusement.
Il
y a quelques différences à signaler. Bien sûr et en
premier lieu la bande-son est ici refaite avec de
bien jolies réorchestrations, pour peu qu'on aime la
démarche.
Le
menu des Options a perdu les personnages en SD qui
s'y balladent tandis que l'écran de Continue a
hérité de ces mêmes personnages, absents de la
version cartouche. Ces Options sont un peu plus
complètes que sur AES, avec le choix du décor pour
le versus. Option complètement inutile, ce choix
n'étant plus modifiable tant que le versus dure.
Sinon, il manque d'autres choses comme le camion de
pompiers dans le stage Southtown Bridge ou une
posture de victoire de Billy Kane.
Les
chargements ne sont pas plus longs que dans Fatal
Fury 3, cela reste tout à fait acceptable.
Real
Bout dans sa version CD s'éloigne de manière
étonnante de la cartouche. Les pertes ne sont pas
dramatiques, mais c'est inhabituel... Cela dit, Real
Bout Fatal Fury sauce CD reste un très bon choix.
Bilan
Seul, Real Bout Fatal Fury paraît
d'abord assez répétitif du fait de son nombre très
bas de décors et de ses musiques presque
identiques à Fatal Fury 3. On a l'impression d'un
jeu pas tout à fait fini. Sans doute sorti trop
rapidement, SNK a dû faire un choix entre
l'habillage et la maniabilité.
Justement, à l'usage, on se rend compte des
progrès accomplis en matière de souplesse et
d'ergonomie. Des progrès d'autant plus tangibles
quand on joue à deux, il prend alors sa vraie
dimension et montre enfin tout son potentiel au
joueur averti qui saura apprécier les
améliorations apportées.
Real Bout Fatal Fury Special corrige le tir en
apportant plus de stages (de meilleure qualité qui
plus est), de nouveaux thèmes musicaux et quelques
personnages supplémentaires. Autant dire que le
choix est vite fait.
En fait, pas si vite que cela. Avec son ambiance
plus "Southtown", Real Bout Fatal Fury reste tout
de même intéressant. De plus, il est le précurseur
de jeux aux enchaînements souples et confortables.
C'est toujours un vrai régal de jouabilité, même
des années après sa sortie, et il séduira tout
joueur appréciant l'univers de Fatal Fury.