En
mars 1995 sort Fatal Fury 3, cet épisode faisant prendre un
virage important à la série. Malgré les efforts d'innovation
déployés par son développeur, malgré une réalisation bien
plus qu'honorable, le jeu ne rencontre guère qu'un succès
d'estime. On le trouve bien, on le trouve beau, mais pas au
point de dépenser une fortune dans une borne.
Ce titre a le tort d'être l'un des derniers de son genre à
avoir une jouabilité à l'ancienne, où le joueur doit
s'adapter au jeu et non l'inverse. Son gameplay ne
se laisse pas dompter facilement et, même si une fois
maîtrisé il séduit certains, il faut bien avouer qu'il n'est
pas particulièrement abordable. Les esprits ont changé entre
temps et il faut de l'accessibilité, du combo facile. Cela
est d'autant plus flagrant que Capcom lance aussi en 1995
son Street Fighter Alpha, un titre certes imparfait, mais
très souple et accessible. Entre cela et la montée en
puissance des jeux en 3D, SNK se doit de réagir. Et vite.
Fatal Fury 3
(1995, SNK)
Street Fighter Alpha
(1995, Capcom)
The King of Fighters '95
(1995, SNK)
Real
Bout Fatal Fury arrive donc le 12 décembre 1995 en arcade
puis le 26 janvier 1996 sur console Neo·Geo.
La jaquette du jeu reprend un artwork magnifique. On
y voit un Geese Howard débordant de charisme, fermement
assis dans dans son fauteuil, auprès de sa garde rapprochée,
adoptant une posture de boss du jeu.
Côté
scénario, le parrain de Southtown a réussi à s'emparer des
parchemins secrets de Qin. Il aurait donc gagné selon toute
vraisemblance le tournoi de Fatal Fury 3. Regrettant que ces
parchemins n'apportent en fait aucun pouvoir, il dit à Billy
de s'en débarrasser et d'organiser un nouveau "King of
Fighters" pour montrer à toute la ville qui est le maître.
Si
l'intro du jeu a moins de prestance que celle de l'opus
précédent, elle n'est reste pas moins efficace.
Ce
Real Bout propose des menus très proches de ceux présents
auparavant : mêmes modes (Game Start et Options) et
présentation similaire. À propos de ces options, celles-ci
sont toujours agrémentés de personnages en SD. Elles ont un
contenu strictement identique à celles de Fatal Fury 3 :
difficulté, durée d'une manche, langue et configuration de
la manette.
Vient ensuite le choix des personnages, on y voit 16
combattants dans un écran de sélection très classique fait
de petites cases, comme dans Fatal Fury Special. Il est
inutile d'espérer un code pour augmenter ce nombre, SNK a
rendu tout disponible et ce, dès le départ.
Il
y a le roster complet de Fatal Fury 3 auquel viennent
s'ajouter des revenants et pas n'importe lesquels, s'il vous
plaît. On a donc Yamazaki, Chonshu et Chonrei, jouables sans
code fastidieux.
Plus important pour les fans de la série, de plus anciens
viennent compléter l'arrivage : Billy Kane, Kim Kaphwan et
Duck King. Tous ces combattants sont prêts à se mesurer une
nouvelle fois à Southtown pour le titre de "King of
Fighters", le tout sous le regard attentif de Geese Howard.
D'ailleurs, comme le dit
si bien la notice : "Geese Howard is back and firmly in
the last boss's seat".
Avant
d'atteindre le repaire de ce dernier, il y aura quatre
stages à parcourir, tous situés dans la ville mythique de
Southtown, avec successivement trois opposants à chaque
fois.
Yamazaki et Billy seront invariablement les deux derniers
adversaires avant Geese, ce dernier vous attendant pour un
combat d'anthologie.
La
jouabilité évolue sensiblement par rapport à l'opus
précédent. Les trois plans sont toujours là, mais désormais
toutes les manipulations d'évasion s'effectuent avec le seul
bouton , bien plus pratique. Mais que s'est-il passé
au niveau des touches ? Pas de panique, SNK a simplifié les
choses sans (trop) les limiter : sert aux coups de poing faibles,
aux coups de pied faibles et aux coups forts en général.
Outre
le
fait permettre un coup fort ainsi qu'une projection,
autorise un coup de fourbe. En effet si on appuie sur
+ ou + , on peut, avec certains
personnages, frapper l'adversaire à terre ou l'attraper à
nouveau.
+
+
étant le seul bouton dédié à la gestion complète des plans,
il faut user de la direction pour aller sur le plan du bas.
Petite illustration avec Duck qui évite Kim.
+
Il est toujours possible de ramener un adversaire se trouvant sur un autre plan avec
le bouton , et ce qu'il se trouve en arrière-plan ou au
premier plan. La combinaison + a
le même effet, mais en se baissant, ce qui permet d'éviter
une éventuelle attaque haute.
+
Le
bouton permet également de changer de plan lorsqu'on
tombe. Le principal intérêt de cette manœuvre est d'éviter
de se faire à nouveau frapper sournoisement avec , comme indiqué précédemment.
Mary fait chuter Mai.
Cette dernière fait une roulade...
... et se retrouve sur l'arrière plan.
Toujours avec - ce bouton étant bien plus utile qu'il n'y
paraît - il est possible d'optimiser ce qu'on appelle un cross
up. Il s'agit d'un passage dans le dos d'un
adversaire, afin de déstabiliser sa garde. Eh bien ici, si
on appuie sur lors d'un saut (et préférentiellement juste après
un cross up), le personnage se tourne avant même de
retomber, ce qui permet de frapper franchement l'adversaire.
Pour illustrer la chose, c'est ce pauvre Duck qui va subir
la démonstration de Billy, ce dernier étant toujours prêt à
tanner le cuir d'une victime.
Billy effectue un grand saut.
Il se tourne avant d'atterrir.
Un petit coup de bâton sur Duck !
Tout
ce qui est dash , esquive arrière avec une très brève
invulnérabilité, sauts à quatre niveaux et contre-attaque + (pendant la garde) rend toujours la jouabilité
plus complète. On notera juste la disparition du + apparu dans Fatal Fury 3, pas très aisé à placer.
Les
coups spéciaux de base sont complétés (par exemple, Terry
récupère son Rising Tackle) et un peu modifiés, mais
rien n'est vraiment chamboulé à ce niveau.
Plus notable, une jauge (appelée Power Gauge) fait
son apparition en bas de l'écran. Elle se remplit au fur et
à mesure que sont réalisés des coups spéciaux, à la manière
d'un Street Fighter Alpha. Quand elle est pleine, on peut
alors exécuter un Super Power. C'est la même que
celle qu'on peut faire quand la barre de santé est dans le
rouge.
Quand on est dans le rouge et que la Power Gauge est
pleine, on peut alors faire un Potential Power, une
attaque encore plus dévastatrice et impressionnante. On
retrouve peu ou prou les HDM de Fatal Fury 3 à ceci
près que, cette fois, elles sont tout à fait réalisables
dans de bonnes conditions.
La liste complète des coups spéciaux se trouve dans ce guide stratégique.
Dernière chose à propos de ces coups, ils peuvent, tout
comme dans Fatal Fury 3, être feintés (ce sont les Fakes
Moves), ce qui est assez utile en versus. Les Fake
Moves sont désormais plus faciles à faire, avec des
combinaisons du genre + , ce qui sera un Fake Power Wave pour
Terry ou un Fake Hurricane Upper pour Joe.
Bull's Horn
(2 sec) + ou
Dangerous
Wolf
+
Mad
Spin Wolf
+
Petite
nouveauté, les enchaînements de coups sont désormais
comptabilisés à l'écran. Si chez Capcom on parlait de Combo,
chez SNK on parlera de Rush. À propos de ces suites
de coups, ces dernières sont désormais plus faciles à
exécuter et les Chain Combos - ou plutôt les Combination
Attacks ici - prennent une part importante dans le
jeu.
Les
rencontres sont toujours notées comme dans Fatal Fury 3, à
ceci près que cette fois, le verdict n'influe sur rien. Il
reste la satisfaction personnelle d'avoir fait un bon combat
et surtout le fait de soigner son grade à la fin du jeu. La
note dépend de la rapidité du match ainsi que de la nature
des coups placés.
Cerise
sur le gâteau, il y a l'apparition du "Out of Bounds",
pour ce Real Bout. Les extrémités des décors (sauf celles du
dernier) peuvent être brisées à force de coups portés.
Ensuite il suffit de pousser son adversaire hors du ring et
le tour est joué ! Ce sera parfois l'occasion d'animation
amusantes, comme Bob dansant sur le toit d'un ascenseur ou
Yamazaki arrachant son tee-shirt de colère.
Comme
cela a été évoqué, en 1995 Fatal Fury 3 n'atteint
pas les espérances de SNK, la compagnie est
clairement déçue des performances réalisées par cet
épisode. Il est donc décidé de recycler les
composants des exemplaires invendus pour servir de
base à un nouveau jeu censé clore l'arc narratif de
Geese Howard.
Remontons
le temps jusqu'au premier Fatal Fury. Eh bien,
c'était ce jeu qui aurait dû s'appeler Real Bout.
Les storyboards d'époque montrent clairement
que ce titre était celui prévu, avant d'être
remplacé par fatal Fury.
Pour
l'anecdote il reste encore des mentions faites de
ce titre d'origine dans certains stages de Fatal
Fury, ceux de Duck King ainsi que de Hwa Jai.
L'une
des grandes nouveautés de Real Bout est le Out
of Bounds. En plus des destructions
classiques, si on éjecte assez violemment son
adversaire, on déclenche des animations spéciales
Enfin
faisons un grand bond dans le temps en avant avec
King of Fighters XV. Ceux qui finiront le jeu avec
l'équipe Southtown auront la surprise de voir une
très claire référence à l'artwork principal
de Real Bout Fatal Fury. Geese est assis dans son
fauteuil avec ses trois gardes du corps : Billy,
Ripper et Hopper.
Malgré sa sortie assez rapide après celle de Fatal
Fury 3, ce Real Bout Fatal Fury a donc été pourvu par SNK
d'un bon nombre de nouveautés, et ce essentiellement au
niveau de la jouabilité. L'éditeur a-t-il eu le temps de
paufiner la réalisation ?...
Les
personnages sont repris de Fatal Fury 3, toujours dans un
style lorgnant clairement du côté du dessin animé. Certains
comme Joe ou Mai ont un peu vieilli prématurément face aux
nouveaux, ces derniers se montrant absolument superbes.
En ce qui concerne les stages on a droit à de vastes arènes
prenant toutes place à Southtown. Elles sont en trois
variantes et regorgent de détails, on sent que SNK maîtrise
son sujet. Malheureusement, et c'est là que le temps réduit
de développement va un peu se faire sentir, elles ne sont
qu'au nombre de 5.
L'animation
progresse par rapport à l'épisode précédent, avec plus
d'étapes et davantage de souplesse : les combattants bougent
désormais avec une aisance évidente.
Quant aux décors, ils se montrent richement animés et très
interactifs. Bien sûr, on pense aux bordures qui se
détruisent, mais aussi aux diverses animations humoristiques
provoquées par la sortie d'un combattant. Voir Blue-Mary
perdre son haut dans l'eau, cela ne s'oublie pas !
Mises à part
les trois nouvelles marquant l'arrivée de Kim, Duck et
Billy, il n'y a pas réellement de grand changement en ce qui
concerne les musiques accompagnant le jeu. On pourra
remarquer qu'un ou deux thèmes se voient légèrement
modifiés, mais rien de bien marquant.
Même chose en ce qui concerne les voix et bruitages. C'est
toujours aussi bon, si ce n'est juste un peu plus complet
qu'auparavant.
Les coups
sortent avec une grande facilité, les changements de plan
sont plus intuitifs, les enchaînements sont aisés. SNK a
retravaillé sa copie et le résultat est tout à fait
convaincant. Concernant les barres de santé, leur niveau a
été doublé, mais c'est avant tout visuel, la première barre
se vidant en définitive rapidement.
Les éjections des aires de combat donnent du piquant aux
affrontements, mais certains joueurs regretteront cet aspect
qui peut paraître injuste, tant il est possible de renverser
un match pourtant clairement défavorable.
Concernant la
durée de vie Real Bout est plus que correct avec ses 16
combattants, mais n'est pas étourdissant non plus. Avec son
mode de jeu unique, sans personnage à débloquer ni de boss
caché si on a de meilleures notes, on pourra trouver le jeu
un peu limité en comparaison d'un King of Fighters '95, ce
dernier offrant un contenu conséquent.
Fort heureusement le jeu à deux remonte grandement la durée
de vie et promet de longues heures d'amusement.
Sorti
le 23 février 1996, Real Bout Fatal Fury dans sa
version Neo·Geo CD possède quelques particularités à
mentionner. Bien sûr et en premier lieu la bande-son
est ici refaite avec de bien jolies
réorchestrations, pour peu qu'on aime la démarche.
Le
menu des options a perdu les personnages en SD qui
s'y baladent tandis que l'écran pour continuer une
partie en mode solo a hérité de ces mêmes
personnages, absents de la version cartouche.
Les Options sont un peu plus complètes que sur
support cartouche, avec le choix du décor pour le
versus. Il faut bien reconnaître que cette option
est complètement inutile, la sélection étant figée
pour toute la durée de la session de versus.
Il manque également
quelques éléments, comme le camion de pompiers
dans le stage Southtown Bridge ou une posture de
victoire de Billy Kane qui a changé. Autres
différences à remarquer, l'écran de jeu gèle une
demi-seconde au début de chaque combat et la
censure touchant les consoles cartouche - autant
japonaises qu'occidentales - est ici totalement
absente. Quel que soit le modèle de Neo·Geo CD,
on aura droit à du sans bien rouge.
Quant aux temps de chargements ils
demeurent tout à fait dans le domaine de
l'acceptable.
Real
Bout dans sa version CD s'éloigne parfois de manière
étonnante de la cartouche. Les pertes ne sont pas
dramatiques, d'ailleurs certains écarts ne sont pas
forcément dans le sens d'une diminution qualitative.
Cela étant, Real Bout Fatal Fury reste un choix tout
à fait pertinent sur ce support.
Bilan
Au premier abord, Real Bout Fatal
Fury peut paraître assez limité et peu innovant du
fait de son nombre très bas de décors, ainsi que
de ses musiques et son habillage reprenant nombre
d'éléments issus de Fatal Fury 3. On a
l'impression d'un jeu pas tout à fait fini. Sans
doute sorti trop rapidement, SNK a dû faire un
choix et son attention s'est portée sur la
jouabilité.
Justement, à l'usage, on se rend compte des
progrès accomplis en matière de souplesse et
d'ergonomie. Ces améliorations sont encore plus
appréciables quand on joue à deux, le jeu prenant
alors toute sa dimension avec sa grille de
sélection des personnages étendue.
Le joueur averti qui ne s'arrêtera pas à cette
fausse impression de redite de Fatal Fury 3 saura
apprécier les améliorations apportées et
découvrira un titre qui a parfaitement sa place au
sein de la saga Fatal Fury.
Real Bout Fatal Fury Special corrige le tir en
apportant plus de stages (de meilleure qualité qui
plus est), de nouveaux thèmes musicaux et quelques
personnages supplémentaires. Autant dire que le
choix est vite fait.
En fait, pas si vite que cela. Avec son ambiance
plus "Southtown", Real Bout Fatal Fury reste tout
de même intéressant. De plus, il est le précurseur
de jeux aux enchaînements souples et confortables.
C'est toujours un vrai régal de jouabilité, même
des années après sa sortie, et il séduira tout
joueur appréciant l'univers de Fatal Fury.