Mutation Nation
 
 

beat them up
©1992, SNK
54 Mbits



 
     

Le beat them up dont il est question arrive dans un contexte qui n'est pas des plus faciles. Outre le fait que le genre est en déclin suite à l'explosion de Street Fighter II, il y a la difficulté pour SNK à se faire un nom dans cette niche de l'arcade.
En effet, en 1991 SNK propose d'abord Sengoku, un titre assez original avec ses samouraïs et ses deux dimensions à explorer. Puis l'éditeur tente de rivaliser avec Capcom et son inévitable Final Fight. Burning Fight est doté d'une ambiance urbaine classique et s'inspire sans honte du jeu rival. Hélas moins réussi que son modèle, il rencontre tout de même un succès d'estime auprès de certains joueurs. Enfin Robo Army et son environnement futuriste sort un peu plus des sentiers battus.
SNK retente sa chance le 16 mars 1992 en arcade puis le 17 avril de la même année sur console Neo·Geo avec un beat them up prenant place dans un mode ravagé, Mutation Nation. Ce dernier aura fort à faire face à une concurrence toujours plus affutée.



Captain Commando
(1991, Capcom)

Teenage Mutant Ninja Turtles
(1991, Konami)

Silent Dragon
(1992, Taito)

  Nous sommes au XXIème siècle, il y a eu une explosion dans un laboratoire. C'est la fin d'un rêve (celui de la génétique) et le début d'un cauchemar (celui des mutants). Le scientifique chargé des recherches est un généticien spécialisé dans la mutation. Ses travaux, très controversés, ont fini par mener à cette explosion. Le savant a survécu et, rempli de rancœur, a décidé de provoquer des mutations chez tous les habitants de la ville. Il veut désormais construire une nation de mutants. Deux jeunes combattants, Ricky Jones and Johnny Hart, rentrent en ville après une longue absence et voient les dégâts. Il est temps de faire le ménage...

Ce scénario digne des meilleurs nanars est sommairement évoqué dans l'intro du jeu où on peut admirer le visage ravagé du savant fou.


Mutation Nation ne dispose que de très peu d'options, et c'est peu de le dire. Au programme, choix du niveau de difficulté et... c'est tout.

Une fois ce dernier choisi, on en apprend un peu sur le maniement des personnages.
Le bouton sert à frapper ou ramasser un item, le à sauter et la combinaison déclenche un uppercut. Quand on frappe il est possible de faire des enchaînements de coups selon qu'on appuie en même temps sur , ou rien d'autre. Enfin ce même bouton
sert à charger une attaque spéciale. Le personnage se concentre quelques secondes et une fois cela fait, il se met alors à clignoter en bleu. On relâche alors le bouton et cela déclenche un coup dévastateur. Une telle attaque consomme deux points de santé, sauf si on a ramassé des pastilles de magie.

Il y en a cinq différentes à récolter, chacune ayant ses caractéristiques. C'est également l'occasion de régénérer un peu sa barre de vie.

Split Attack : très rapide, le personnage se dédouble en balayant les deux côtés de l'écran.
Explosion Attack : boule d'énergie très puissante.
Thunder Attack : détruit les ennemis par un éclair de grande amplitude.
Tornado Attack : le personnage se transforme en tornade verte et nettoie la majeure partie de l'écran.
Power Ball : augmente le nombre de coups spéciaux en stock.

Il faudra parcourir la ville ravagée et infestée de mutants au travers de six niveaux avant de pouvoir affronter le savant fou. Voici les trois premiers en images :

À la fin de chaque stage, un bon gros boss vous attend, dans la grande tradition du beat them up. Ici, certains sont particulièrement remarquables de par leur taille, franchement imposante. Durant ces phases un compteur de temps se met en place, et gare à ceux qui n'arriveront pas à vaincre le boss dans le temps imparti !



Les jeux Neo·Geo disposent d'un identifiant, il s'agit du code NGH. Mutation Nation se voit attribuer le numéro NGH-014 et est censé sortir à peu près après Cyber-Lip et The Super Spy datant de 1990 et avant King of the Monsters et Sengoku en 1991. Même si l'ordre n'est pas respecté à la lettre, ces identifiants étant attribués pendant le développement, on pourra remarquer que Mutation Nation étant sorti début 1992 n'a rien à faire avec ces jeux-là, comme on peut le voir sur la Neo·Geo Master List.

Eh bien il se trouve qu'à la base Mutation Nation doit s'appeler Dream Over et est bien prévu pour une sortie à cette époque-là. On retrouve d'ailleurs son nom dans la notice du jeu en version américaine (cliquez sur l'image pour agrandir).

Dream Over voit le début de son développement considérablement retardé et le contenu du projet est modifié. Le jeu devient Mutation Nation et est alors prévu pour l'été ou l'automne 1991.


Voici ce qu'aurait pu être le logo de Dream Over

La sortie du jeu est à nouveau décalée pour pouvoir redessiner les personnages et ne pas entrer en concurrence avec les jeux développés en interne. Enfin le développement de Super Sidekicks mobilise du personnel pendant le deuxième semestre 1991, ce qui retarde encore plus le jeu.
Mutation Nation est enfin présenté au public en février 1992 sous son nom définitif à l'AOU Show puis peut enfin arriver dans les salles d'arcade le mois suivant.

Une autre particularité est que les deux héros de Mutation Nation ne semblent jamais nommés : ni dans le jeu, ni dans la notice, ni même à l'arrière de la boîte du jeu. Il n'est question que de jeunes combattants ou, au mieux, de 1P et 2P. C'est en regardant le marquee pour la version arcade qu'enfin on peut voir qu'ils s'appellent Ricky Jones et Johnny Hart.

Mutation Nation joue donc la carte d'une certaine originalité en ce qui concerne son univers ainsi que pour sa gestion des coups spéciaux. Sa réalisation est-elle à la hauteur de ses prétentions ?



Autant écourter le suspense, la réponse est oui. Mutation Nation a de bien jolis graphismes. Les décors, urbains et post-apocalyptiques, sont variés et très travaillés avec un nombre de détails inhabituel pour ce genre de jeu. Tout transpire la crasse et le tube à néon, on en redemande.
Les personnages (héros et ennemis) ne sont pas en reste et sont particulièrement grands. Cependant c'est surtout par leur design qu'ils se distinguent. Avec leur dégaine, on les croirait tout droit sortis d'un film d'horreur des années 50 : l'homme-pieuvre, la moto conduisant une moto (!), l'homme-fourmi, le rockeur tentaculaire, etc. La majorité du bestiaire convient à merveille au thème du jeu.


L'animation est un chapitre où Mutation Nation va avoir l'occasion de s'illustrer à nouveau.
Les combattants sont imposants et franchement bien animés, les ennemis un peu moins. Le détail qui tue : les héros respirent avec difficulté lorsque leur barre de santé est au plus bas.
Les ennemis sont imposants et les boss carrément énormes ! Certains semi-boss bénéficient d'un effet de zoom qui donne de la profondeur au visuel du jeu.
Concernant les stages, un scrolling différentiel à deux plans est appliqué à la plupart des niveaux et de très nombreuses petites animations les rendent plus palpables.
On en prend plein la vue !


Les voix, cris, bruitages, tout est réalisé avec beaucoup de soin. Comme bien souvent sur Neo·Geo, les différents bruitages ne manquent pas de percutant. Curieusement les impacts perdent en puissance à partir du deuxième niveau pour un rendu un peu plus métallique.
Quant aux musiques, ces dernières se montrent très entraînantes et certaines restent dans la tête un moment. La plupart conviennent parfaitement à l'ambiance du jeu et, mieux que cela, elles la renforcent.


De prime abord, Mutation Nation peut sembler très limité dans ce domaine. Et c'est vrai que seulement deux boutons sont utilisés : frappe et saut. Fort heureusement, il y a quelques combinaisons et enchaînements, ainsi que des pouvoirs spéciaux (cinq en tout). Cela étant, ça reste un peu léger en comparaison d'un Final Fight ou d'un Vendetta qui proposent des armes à utiliser et des objets à casser.
Point plus dérangeant, c'est le principe de la super-attaque assez mal conçu. Dans la plupart des jeux, de tels coups entament la barre de santé (comme ici, sauf si on a ramassé une pastille avec une lettre), mais permettent également de se sortir de situations périlleuses. C'est donnant-donnant. Ici, ce n'est pas le cas. Devoir garder un bouton enfoncé et donc rester vulnérable aux attaques ennemies quelques secondes n'est pas terrible, d'autant plus qu'aucune attaque ne permet de se dégager d'un traquenard, sauf à la rigueur l'uppercut .
Enfin les boîtes de collision ne brillent pas de par leur précision, en particulier lors des coups sautés.


Avec s
ix niveaux, Mutation Nation est dans la moyenne des beat them up d'arcade : une partie est courte, à peine une trentaine de minutes. Cela n'est absolument pas gênant et correspond parfaitement à l'ADN arcade du jeu.
Ce qui l'est davantage, c'est qu'il n'y a que deux héros, et en plus on ne peut pas les choisir ! Pour prendre Johnny on est forcé d'appuyer sur avec la deuxième manette, chose bien peu pratique. En plus le dernier niveau, même s'il est beau et vaste, se résume à un boss rush sans aucun autre ennemi.
Le jeu à deux relance toutefois grandement l'intérêt de ce Mutation Nation.




Contrairement à Burning Fight et malgré son statut de jeu de première génération, Mutation Nation ne fait pas partie de l'offre de jeux disponibles au lancement de la Neo·Geo CD. Il faut attendre le 25 février 1995 pour le voir arriver sur cette dernière, accompagné de View Point et 2020 Super Baseball.

Pesant 54 Mbits (voire moins ici car les musiques sont sur les pistes du CD), Mutation Nation ne soumet la console à quasiment aucune contrainte et se charge en une seule fois. Une seule fois, réellement ?
Eh bien oui et non pour être honnête. Lorsque la console change de piste CD pour accéder à une autre musique, l'écran gèle pendant ce temps d'accès. Probablement le jeu aurait pu continuer sans musique le temps que la console lance la bonne piste, mais SNK a préféré le suspendre une ou deux secondes. Cela se ressent le plus quand on affronte les sous-boss, chaque apparition de ces derniers étant ponctuée d'un changement de piste audio.

Concernant cette bande-son, la version originale en cartouche est reprise à l'identique, sans aucune réorchestration. Pour un jeu sorti en 1995, on aurait espéré un petit réarrangement. On pourra noter une différence lors des séquences d'ascenseur dans le dernier niveau. Si sur Neo·Geo cela se fait sans aucune musique, ce n'est pas le cas pour la version CD.
Autre modification à noter, ici les bruits d'impacts restent très percutants tout au long du jeu en gardant la puissance dont ils faisaient preuve au cours du premier niveau.

Bien entendu, les crédits sont ici infinis : c'est au joueur de se maîtriser, sous peine de finir l'aventure dès la première partie et en ayant une fausse impression de facilité.

Quasiment identique à son homologue cartouche, ce Mutation Nation version CD n'est qu'un portage sans aucun bonus ni aucune perte avec des crédits illimités. Si d'un ôté on aurait apprécié une version un peu plus ambitieuse, d'un autre côté il faut admettre que le travail est bien fait et saura parfaitement satisfaire le possesseur de Neo·Geo CD.


 
Bilan
 
 

Transpirant l'ambiance urbaine décomplexée et proposant un bestiaire original, Mutation Nation s'affranchit avec brio des limites que s'imposait inutilement Burning Fight, peut-être un peu trop sage pour certains. Ici tout est exubérant, exagéré et assumé. On est dans l'arcade pure avec une réalisation de très bon niveau et une ambiance post-apocalyptique de premier ordre.
Même si le titre signé SNK ne fait pas figure de référence, il constitue un bon jeu qui reste l'occasion de passer un moment très défoulant dans la plus pure tradition des jeux d'arcade.


Bon, on ne va pas se mentir, il y a mieux dans monde du beat them up arcade, ne serait-ce que de par la concurrence de certains titres Capcom, Irem ou Konami.
Sur Neo·Geo Mutation Nation reste un très bon choix pour l'amateur du genre et sa réalisation tient toujours la route. Certes très daté dans son style, et donc ancré plus que jamais dans les années 90 avec son ambiance nanardesque, il saura séduire l'amateur désireux de se replonger dans cette époque où les salles de jeux sentaient la cigarette et la transpiration.

Tarma

 
     

   




 

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