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aux salons Amusement Machine Operators' Union (AOU) à
Makuhari, près de Tôkyô, et ACME Show à Orlando,
respectivement en février et mars 1996. Saurus y présente un
nouveau shoot them up pour le système Neo·Geo MVS.
Ce dernier est alors solidement pourvu en titres du genre :
Last Resort, View Point, Pulstar, que du très beau monde.
Cela, sans compter quelques seconds couteaux moins
prestigieux mais respectables, comme Alpha Mission II ou
Aero Fighters 2 et 3. Bref, la Neo·Geo - sans égaler la
PC-Engine, reine en la matière - a de quoi contenter
l'adepte de shoot them up. Les mois passent et aucun
jeu du genre signé Saurus n'arrive... jusqu'au 20 septembre,
mais uniquement sur Neo·Geo CD : Ironclad (puisqu'il s'agit
de ce jeu) est enfin là.
Last
Resort
(1992, SNK)
View
Point
(1992, Sammy)
Pulstar
(1995, Aicom)
Il
convient de préciser plusieurs choses. D'abord, Ironclad
vous est peut-être davantage familier sous le nom de
Chotetsu Brinkin'Ger. Ensuite, même s'il n'est commercialisé
qu'en CD, il existe en prototype sous forme de cartouche.
Enfin, il s'agit du jeu réputé l'un des plus rares de la
Neo·Geo CD. L'intro ne laisse d'ailleurs aucun doute, le jeu
est clairement conçu à la base pour un support cartouche :
elle est succinte et composée d'images fixes fondues avec
plus ou moins de bonheur.
En
1920, un petit royaume du nom de Choppu prospère au bord de
la Mer Noire grâce à la culture d'oliviers. Le pays voisin
est la République du Masque de Fer, avec à sa tête un
certain Jacob, avide de conquêtes. Jacob ne tarde pas à
envahir et conquérir Choppu au terme d'une victoire
écrasante, la République du Masque de Fer ayant une avance
militaire et scientifique considérable. Le royaume de Choppu
se fait piller, les oliveraies sont détruites et les usines
d'huile sont détournées pour fabriquer des armes. Cette
petite contrée jadis paisible est devenue un amoncèlement de
décombres, eaux usées et autres fumées. Insulté, blessé, le
peuple de Choppu prépare sa riposte avec un modèle d'avion
inédit, utilisant un robot autonome. À vous d'affronter
l'armée de la République du Masque de Fer et de détruire la
machine personnelle de Jacob, un robot géant : Kamijyô, le
"Final Commander".
Le
menu d'accueil offre le minimum syndical pour de la Neo·Geo
CD : Game Start, Demo Game, How to Play et Exit. Le choix du
niveau de difficulté est le seul réglage possible, les
amateurs de choix de nombre de vies et autres Sound Test
resteront sur leur faim. On retiendra un détail amusant, le
niveau MVS présent, malgré la sortie exclusive pour le
format CD.
La
séquence How to Play est bien sympathique avec un cockpit de
vaisseau assez réussi. On y découvre que le titre de Saurus
utilise trois boutons. : tirer / charger le robot : attacher /
détacher le robot : hyper-bombe
Le
robot-module agit soit comme une aide quand il est détaché,
ayant son propre armement, soit comme un bouclier avant
contre les tirs ennemis peu puissants, tout en modifiant le
tir de l'avion. Dans cette dernière configuration, il ne
peut encaisser que quelques salves avant de se détacher
automatiquement, afin de se sauvegarder. Il sera à nouveau
disponible après une dizaine de secondes, le temps de
récupérer. C'est la même chose qui arrive quand on utilise
le bouton . Le robot nettoiera
tout l'écran, au prix d'une indisponibilité momentanée.
Ces
bases posées, on pourrait croire que le jeu de Saurus
possède un système d'armement assez limité. Il n'en est
rien, malgré la faible quantité de boutons utilisés et de
bonus disponibles. Tout se joue au niveau du temps qu'on met
à ramasser certains de ces derniers, apportés par des
hélicoptères de différentes couleurs.
L'hélicoptère
rouge offre une pastille désignée par "P" (pour Power). Elle
augmente la puissance de feu quand le robot est détaché.
Une
fois qu'on en a récolté trois, la suivante permet de lancer
des missiles. Même chose, une fois ce deuxième niveau de
puissance achevé, on accède au dernier : on envoie un éclair
bleu très destructeur. Cela fait donc en tout douze niveaux
de puissance, du tir basique de niveau 1 à l'éclair de
niveau 4.
niveau 1-1
niveau 1-2
niveau 1-3
niveau 1-4
niveau 2-1
niveau 2-2
niveau 2-3
niveau 2-4
niveau 3-1
niveau 3-2
niveau 3-3
niveau 3-4
Quant
à l'hélicoptère vert, son rôle est de modifier le tir quand
le robot est arrimé à l'avion. Il largue un bonus bleu qui
change de couleur (bleu, puis vert, puis orangé) avant de
disparaître. Il est désigné en tant que "L-Arm".
Le
premier est un rayon bleu assez peu puissant, mais plutôt
large. Le deuxième consiste en des petits missiles à tête
chercheuse. Quant au dernier, il s'agit d'un bouclier
enflammé évidemment très défensif. Lorsque le robot est
détaché de l'avion, il participe au combat en tirant, en ce
en fonction du bonus "L-Arm" récolté (tir latéral, tir en
arrière, missile à tête chercheuse, lance-flammes). Bien
sûr, dans ce cas de figure, l'avion tire comme vu
précédemment, c'est-à-dire selon le nombre de pastilles "P"
recueillies.
tir de base
tir de base latéral
L-Arm 1
rayon laser
tir arrière
L-Arm 2
missiles
missiles
L-Arm 3
bouclier enflammé
lance-flammes
Passons
à présent à l'hélicoptère jaune, porteur du bonus "R-Arm".
Ce dernier change également de couleur, ce qui permet de
choisir entre trois robots-modules différents.
Quel
est l'intérêt de changer de robot, puisque son tir est
déterminé par le bonus "L-Arm" ? Eh bien une fois attaché à
l'avion, il existe la possibilité de concentrer le tir en
maintenant le bouton enfoncé, ce qui a
pour effet de remplir une jauge. Lorsque celle-ci est
pleine, on relache , le robot exécute
alors une attaque surpuissante. Cette attaque n'est pas la
même selon le robot qui équipe l'avion, d'où l'intérêt de
choisir.
R-Arm 1
Robot vert
R-Arm 2
Robot violet
R-Arm 3
Robot rouge
Autre
subtilité, c'est quand on concentre le tir. Si on ne relache
pas le bouton , on se rend compte
que le robot-module devient offensif... mais seulement au
corps à corps (vrille, scie...). Si on détruit les ennemis
de cette manière, ils libèrent une médaille similaire à
celles qu'on récolte après avoir vaincu un semi-boss ou un
boss de fin de niveau. Cela est appréciable pour les adeptes
du score, au prix d'une prise de risque plus importante.
On charge la jauge à fond en concentrant
le tir...
... et la vrille du robot-module vert
transperce l'ennemi, ce dernier libérant une
médaille.
Dernier
hélicoptère à évoquer, il s'agit de celui qui apporte des
précieuses pastilles d'énergie "E", lesquelles régénèrent la
santé de l'avion.
Toutes
ces informations sont regroupées de façon assez claire en
bas de l'écran de jeu. La jauge de charge est désactivée
lorsque le robot-module n'est pas arrimé à l'avion. On
notera la présence d'une jauge de vie (un seul avion par
crédit), laquelle ne souffre pas si on entre en collision
avec le décor ou si on heurte une appareil ennemi.
Contrairement
à Pulstar (la comparaison entre ces deux titres est
difficilement évitable), Ironclad propose un choix de trois
avions. Leurs noms diffèrent très légèrement selon qu'on
joue avec la première ou la seconde manette.
Le Bristol est
idéal pour débuter. Il offre un bon équilibre entre tir,
puissance et mobilité.
Bristol mk.0
Bristol mk.X
Moins puissant,
mais bien rapide et efficace pour se faufiler, le Fokker
demande un peu de pratique.
Fokker G.VII
Fokker A.XX
Lourd mais très
puissant, le Rogozarski satisfera le joueur aguerri en quête
de scores élevés.
Rogozarski 2
Rogozarski 9
Ironclad
a une originalité, il propose deux choix de niveaux à chaque
fois. Cela rappelle un peu Darius de Taito, titre certes de
dix ans l'aîné de celui de Saurus. Une partie comporte entre
4 et 6 niveaux et quant au jeu dans son ensemble, il dispose
en fait d'un total de 15 stages et de 5 fins. Si la fin 4C
est la plus basique, la 6C sera la plus complète avec
l'affrontement final contre Jacob.
Bien
que les stages 1A et 2A soient extrêmement proches (un
passage dans les égoûts et les boss diffèrent), dès le
deuxième niveau, les choses changent radicalement.
Stage
1 - Baptizm of Fire
Stage
2A - Lunar Prayer
Stage
2B - Mischief
En
regardant le boîtier du jeu, on remarquera qu'il est
mentionné "Dramatic Shooting Game", cela n'est pas
sans raison. En effet, le scénario est dévoilé au cours de
dialogues avec des ennemis. Certains boss ou même semi-boss
sont l'occasion d'avoir un dialogue (pas très productif)
avec l'armée de Jacob. Même s'il est vrai qu'il ne s'agit
que d'une Nème invasion à contrecarrer, la mise
en scène reste des plus sympathiques.
Le
principe des boss de fin de niveau on ne peut plus
classique, toutefois il est presque inconcevable de se
trouver face à un shoot them up privé de cela. Dans
tous les cas, ces boss sont plutôt convaincants et disposent
d'une barre de vie bien pratique pour savoir si on est près
ou non de les vaincre.
Quant
aux temps de chargement, ils sont parfaitement en accord
avec la taille du jeu : rapides et peu fréquents.
Après ces
présentations, il est temps de passer en revue les
différents aspects de cette galette argentée.
Les divers éléments sont en Computer Graphics, ils
ont eu le même traitement que pour Pulstar : conception en
3D puis transposition en 2D. Le rendu est par conséquent
très bon même s'il peut dérouter, voire rebuter certains
joueurs préférant l'art du pixel comme dans Last Resort. Par
ailleurs, on notera que les ennemis sont un peu trop
répétitifs.
En ce qui concerne les stages, ces derniers sont vus de
trois quarts de dessus, le tout avec un scrolling la plupart
du temps horizontal. Ils sont fort travaillés et nombreux,
surtout au regard des 178 Mbits. On regrettera un manque de
couleurs dans les nuances, cela donne un aspect parfois un
peu granuleux. Il y a de tout, ville enflammée à l'ambiance
épique, forêt mystique par un clair de Lune, égouts très peu
inspirés, etc.
Bien qu'on n'atteigne pas des sommets (Pulstar lui reste
supérieur), l'ensemble reste d'un bon niveau.
Si
ralentissements et autres clignotements s'invitent dans le
jeu, ceux-ci sont rares et peu gênants... si on joue seul. À
deux, ils se font plus présents. Mention spéciale aux
derniers niveaux qui proposent des effets étonnants donnant
parfois une impression de 3D.
C'est le seul chapitre où la nature du support (le CD,
est-il besoin de le rappeler) se fait bien sentir. Les
compositions sont inspirées, tantôt très calmes, tantôt très
rythmées, et sont aidées d'orchestrations de grande qualité.
En ce qui concerne les bruitages, ils sont corrects mais ont
une fâcheuse tendance à couvrir les musiques.
La vue un peu
particulière demande un petit temps d'adaptation pour bien
toucher à coup sûr les ennemis. Bien entendu, les diverses
armes à glaner au fil des niveaux offrent de quoi tenir la
dragée haute aux hordes d'ennemis qui fuseront de partout.
La gestion du robot-module permet d'alterner jeu offensif
avec et jeu défensif. Attention, il faut toutefois se faire
à la gestion des armes assez nombreuses et on pourra
reprocher à ce système de n'être pas assez intuitif quand on
découvre ce jeu. Mais une fois le principe compris et
assimilé, cela francement plaisant.
C'est le gros
point fort du jeu. Les 15 niveaux promettent de nombreuses
parties et finir tous les chemins possibles prendra du
temps. Cerise sur le gâteau, contrairement à Pulstar, ici
nous avons un véritable mode pour deux joueurs. Les crédits
infinis contenteront les néophytes alors que pour les pros
de ce genre, il faudra songer à se limiter pour apprécier
pleinement le jeu. De plus, vous disposez d'une barre de
vie, la punition n'est par conséquent pas immédiate au
moindre choc.
Ironclad
est resté très longtemps une exclusivité Neo·Geo CD.
Il existait bien sous forme de prototype, mais le
propriétaire ne désirait manifestement pas qu'un
Ironclad cartouche soit diffusé. L'affaire en est
restée là (un prototype qui fait fantasmer et un CD
très cher) jusqu'au 24 novembre 2009. À cette date,
SNK Playmore commercialise Ironclad sur Wii (Virtual
Console). Bien entendu, ce n'est pas un jeu
reprogrammé, mais bel et bien la ROM de la version
MVS/AES originale, ressortie des cartons pour
l'occasion. Quelques bidouilleurs et adeptes de la
conversion ont donc pu en faire deux versions
cartouche : MVS et AES. Plus besoin de prier pour
qu'un jour le prototype cartouche jalousement gardé
soit un jour dévoilé !
Ironclad
en "version AES" dispose des mêmes ingrédients que
son homologue CD. Seules différences, des crédits
limités à 4 et une bande-son un peu moins étoffée
que les puristes de la cartouche trouveront plus
authentique. Bref, rien de bien nouveau, sauf que
cette version existe... de façon officieuse, soyons
bien clair là-dessus.
Arrivé
très tardivement (et pour cause) et rudement
concurrencé par les Blazing Star, Pulstar, Strikers
1945 Plus et autres Prehistoric Isle 2, Ironclad
constitue tout de même un excellent titre... et une
surprise inespérée, merci SNK Playmore et Nintendo
pour ce coup de pouce involontaire !
Bilan
Saurus nous livre un titre fort
étonnant en comparaison de sa taille : il est
long, varié, prenant, techniquement réussi... Son
principe peu évident au premier abord le prive de
séduire les joueurs qui "zappent" rapidement. Mais
pour les autres, le plaisir sera au rendez-vous.
Il demande moins de rigueur qu'un Pulstar mais se
montre plus long, aussi riche, doté d'une ambiance
fort réussie et d'un mode de jeu à deux en
simultané.
Voilà sans nul doute l'un des meilleurs jeux du
genre sur Neo·Geo CD.
Ironclad a malheureusement subi une stupide
spéculation de la part de faux collectionneurs
absolument peu intéressés par l'univers de la
Neo·Geo. Cela est dommage et il ne faut pas
oublier pour autant ses qualités intrinsèques,
certes peu à la hauteur du prix parfois délirant
du jeu.
Au regard du prix, on préfèrera plutôt Pulstar, qui
est une très bonne valeur sûre et qui ne décevra
pas le joueur persévérant. Si vous pouvez vous le
permettre, Ironclad est bien sûr un excellent
choix, la concurrence sur Neo·Geo CD étant moins
rude que sur Neo·Geo (absence de Blazing Star
oblige). Quant à Saurus, on peut les retrouver
avec les non moins excellents Shock Troopers.