En
2002, SNK n'est qu'un champ de ruines abandonné par Aruze.
Playmore a repris les rênes de l'entreprise et d'autres jeux
sortent à nouveau, comme Rage of the Dragons, Metal Slug 4
ou encore The King of Fighters 2002. Certes ayant des
qualités, ces titres ont du mal à convaincre. C'est dans ce
contexte difficile que sort sur Neo·Geo les 21 mars et 29
mai 2003 respectivement en arcade puis sur console
Matrimelee.
Si le jeu est nouveau, la franchise ne l'est absolument pas.
Il s'agit de Power Instinct, série débutée en 1993 par
Atlus. Ce jeu n'a alors pour autre prétention que de surfer
sur la vague du combat en 2D mais ici sur un ton dévcalé,
tentant de détourner les joueurs de Street Fighter II le
temps d'une partie. 1994 voit logiquement arriver sa suite
avec 13 personnages puis une sérieuse réactualisation avec
un système d'équipes de deux en 1995, Gôgetsuji Legends,
pesant tout de même 270 Mbits. Enfin en 1997 est sorti un
jeu de tag, Groove on Fight, se passant vingt ans après.
Pour ce cinquième épisode, Atlus s'est contenté d'en
superviser le développement qui a été assuré par Noise
Factory. Oui, il s'agit des mêmes programmeurs que pour Rage
of the Dragons. Nous verrons un peu plus tard que cela a son
importance.
Power Instinct
(1993, Atlus)
Gôgetsuji Legends
(1995, Atlus)
Groove on Fight
(1997, Atlus)
L'histoire
de Matrimelee prend place juste après les trois premiers
épisodes. Et comme toujours, c'est complètement délirant.
Dans un certain pays, le tournoi pour la domination du clan
Gôketsuji est plus connu que les Jeux Olympiques. L'enjeu de
l'édition de cette année est de trouver un(e) épous(e)
acceptable pour l'un des deux héritiers au trône. Dans ce
pays, on considère que ceux du clan Goketsuji doivent
figurer parmi les plus forts combattants de la planète. Il
n'y a donc qu'une seule condition pour être l'épous(e) idéal
de l'héritier(e) : être le (la) plus fort(e) ! Dans quelles
mains va tomber le trône ? Qui va gagner le tournoi ? Le
bataille du mariage commence : Matrimelee !
On
l'aura compris, en digne héritier des Power Instinct ce
titre est placé sous le signe de l'humour et du grand
n'importe quoi. La petite intro, bien que dynamique, est
assez austère : on y voit défiler les différents combattants
sur un fond clair uni.
Le
jeu propose des menus classiques : Story, Versus, How to
Play et Option. il y a d'ailleurs une surprise pour les
habitués de Power Instinct : la musique qui accompagne cet
écran est un remix de celle de Power Instinct 2, une fois
qu'on avait mis des pièces dans la borne. Quant aux options,
c'est relativement complet mais sans réglage spécifique au
versus.
Du
côté des personnages c'est très confortable, puisqu'on a
droit à 15 combattants de base. Ils sont présentés dans un
tableau de sélection circulaire avenant et assez original...
mais pas très ergonomique.
Si cela ne suffit pas, il y a un code qui permet de prendre
4 combattants supplémentaires. Ces personnages sont
directement issus de Rage of the Dragons, le developpeur
étant le même. Enfin, un code ultime débloque le boss de
jeu, Princess Sissy. Ce qui nous fait donc un total très respectable
de 20 personnages. Les deux codes sont disponibles ici.
Suite
directe de Gôgetsuji Legends, Matrimelee en conserve 11
personnages (sur les 17) et ajoute 4 nouveaux : Buntarô,
Shintarô, Olof et Hikaru. Ce roster va du personnage stylé
et sérieux au plus ridicule, il y en a pour tous les goûts.
Ume Gôketsuji :
L'inoxydable mamie
lanceuse de dentier est toujours de la partie.
Kanji Kokuin :
Ex-mari d'Ume, Kanji
cherche à présent à prendre le contrôle du clan
Gôketsuji.
Clara Hananokoji :
Dans les autres
épisodes, son prénom était orthographié en "Kurara".
Elle rêve d'épouser un prince charmant.
Reiji Ôyama :
Héros historique de
la série, Reiji ne vit que pour l'entraînement.
Keith Wayne :
Rival de Reiji,
Keith est égocentrique, persuadé d'avoir un pouvoir de
séduction absolu.
Anny Hamilton :
C'est une vraie fan
d'animaux, elle possède de nombreux, chiens, chats,
chevaux, etc.
Chin Nen :
Ce moine Shaolin est
un véritable obsédé qui ne pense qu'aux femmes, à la
nourriture et à l'argent.
Tane Gôketsuji :
Sœur d'Ume, Tane
poursuit le même but, épouser le prince.
Saizô Hattôri :
Saizô est un ninja
qui ne montre aucune émotion.
White Buffalo :
Le but de White est avant tout de défendre les droits de son peuple.
Poochi :
Alter Ego de Kinta
Kokuin dans Power Instinct 2, cet homme-chien est
devenu un personnage à part entière dans Gôgetsuji
Legends.
Buntarô Kunô :
Buntarô est un jeune
homme qui ne pense qu'à avoir son groupe de fans.
Shintarô Kunô :
Petit frère de
Buntarô, Shintarô veut gagner car il espère une
récompense de la part de Sissy.
Olof Linderode :
Olof ne combat pas
pour devenir chef du clan Gôketsuki.
Hikaru Jomon :
Hikaru ne désire
qu'une chose, montrer à tous qu'il est le plus fort.
Concernant
l'attribution des boutons, Matrimelee utilise un schéma de
répartition classique :
: poing faible
: pied faible
: poing fort
: pied fort
sera un run (et non plus
un dash) et un backdash. Il y a deux
hauteurs de saut, que l'on peut combiner ou non au run,
ce qui fait quatre possibilités en tout. Encore avec le run,
on peut également le combiner avec tout simplement un bouton
de frappe. Terminons ces mouvements de base avec le double
saut, disponible depuis le début de la série, qui permet
d'éviter de se faire cueillir lorsqu'on atterrit.
Toujours
aussi classiquement si on compare à du KOF, permet de rouler et de faire un coup puissant. Plus
original, appelle l'arbitre (toujours habillé en
marionnettiste). S'il est devant son personnage, rappuyer
sur permet de le prendre et de s'en servir comme
bouclier, ce qui permet de faire un contre. S'il est
derrière, on l'attrape et on le lance à l'adversaire !
Autre
originalité, l'utilisation du bouton . S'il sert à provoquer
l'adversaire, c'est loin d'être tout. Non seulement cela
permet de remplir son Stress Meter (jauge qui sera
évoquée un peu plus bas), mais surtout de débuter le mode Bloodline
Battle, si l'adversaire appuie aussi sur . Dans ce curieux mode, un peu
comme un Quick Time Event, il s'agit d'appuyer sur les
boutons demandés dans le bon ordre. Le premier combattant
qui se trompe prend le coup.
Les
coups spéciaux sont bien sûr de la partie, ainsi que les Desperation
Moves, appelés ici Stress Shoot (une jauge Stress
Meter consommée) et Special Move (deux jauges
employées). On peut stocker jusqu'à trois Stress Meters
en tout. Certains personnages ont en plus un Kinjite,
un super coup consommant trois jauges Stress Meter.
Ce n'est pas le cas de Reiji, avec qui nous allons avoir un
petit aperçu, ce dernier étant toujours prompt à montrer les
fruits de son entraînement. Pour connaître tous les coups de
Matrimelee, rien de tel que de consulter ce
guide.
Gekisho Hadoha
+
ou
Great Dragon Rush
+
Giant Tiger Roar
+
Les
décors sont au nombre de cinq. Le Stadium est le principal,
décliné en nombreuses variations. Il est accompagné de trois
stages plus rares dans leurs apparitions, ces derniers ne se
déroulant pas dans l'arène officielle du tournoi
(Supermarket, Karaoke et Forest). Enfin on noetra la
présence d'un stage spécifique en coulisse décliné en trois
variantes où on rencontre les personnages de Rage of the
Dragons.
Stadium
Supermarket
Karaoke
Forest
Waiting
Room
Comme
nous pouvons le voir, non seulement Matrimelee est un jeu
toujours aussi délirant, ne serait-ce que par ses
personnages excentriques ou l'utilisation peu orthodoxe de
l'arbitre, mais également un titre proposant une jouabilité
assez complète. Passons en revue sa réalisation.
Comme cela a déjà été dit un peu plus haut, les décors sont
trop peu nombreux. Celui du stade est décliné en plusieurs
versions mais cela ne masque que très partiellement cette
lacune. Ils sont toutefois plutôt bien travaillés et
fouillés, avec de nombreux éléments digitalisés au lieu
d'être dessinés pixel par pixel. Mention spéciale au bar
karaoké, franchement réussi et crédible.
Quant aux personnages, ils ont perdu un peu en détail par
rapport aux épisodes précédents, adoptant logiquement le
style visuel de Rage of the Dragons.
Globalement c'est correct mais pas étourdissant.
C'est souple, assez rapide et très bien décomposé. Les coups
spéciaux et autres pouvoirs dévastateurs sont soignés avec
des effets visuels de bonne facture.
Du côté des décors c'est admirablement vivant, surtout si on
joue sur une console autre qu'européenne. Les personnages
censés pousser la chanson (cf. paragraphe suivant) ont des
gestes, voire une chorégraphie parfaitement adaptés aux
paroles et rythme. Si c'est très classique pour du Power
Instinct, sur Neo·Geo c'est plutôt inhabituel.
Les musiques
sont tout simplement étonnantes pour qui n'est pas habitué à
la série Power Instinct ; en effet, il s'agit de chansons.
Pas juste des musiques avec deux ou trois digits vocales,
mais de vraies chansons ! Quand on sait qu'il n'y a pas de
CD et que la console date de 1990, cela force le respect. Du
rock bien gras, du ringard à souhait, du niais, du
dynamique, tout y est. Attention, elles ne sont disponibles
que sur les consoles japonaise et américaine. Si vous avez
une console européenne, vous n'aurez droit qu'aux musiques
des stages Waiting Room appliquées à tous les décors.
Les bruitages sont de qualité et très variés, comme c'est
bien souvent le cas sur Neo·Geo.
La jouabilité
rappelle un peu KOF avec roulade, enchaînements, jongles et
Desperation Moves de différents niveaux. On retrouve
fort logiquement la souplesse de Rage of the Dragons, ce qui
n'est pas pour déplaire. L'originalité est également
présente à ce chapitre avec le mode Bloodline Battle
et l'utilisation de l'arbitre comme bouclier ou projectile.
Les coups sortent très bien et, même si ce n'est pas le jeu
qui va faire venir les acharnés du versus, on prend beaucoup
de plaisir, manette en main.
Le total de 20
personnages assure une bonne durée de vie. Le jeu est assez
facile... jusqu'à Princess Sissy où ça devient infernal !
Elle n'arrête pas de faire sortir un génie de son coffre et
on perd en quelques secondes. Pour la vaincre, il faut
trouver une technique sournoise très répétitive et stupide
pour chaque personnage qu'on a pris, dommage. Le fameux SNK
Boss Syndrome a encore frappé. Les parties à deux sont
largement plus sympathiques et promettent de bons moments.
Bilan
Power Instinct réussit son passage
sur la Neo·Geo avec les honneurs. L'humour
omniprésent et la bande-son déjantée en font un
digne représentant de sa lignée. Une lignée certes
moins prestigieuse que King of Fighters ou Samurai
Shodown, mais une lignée digne d'intérêt. Il est
certain qu'il ne fait pas vraiment le poids face
aux ténors de la Neo·Geo, toutefois la série Power
Instinct n'a jamais prétendu rivaliser avec les
poids lourds du genre. Le but est donc
parfaitement atteint : amuser dans tous les sens
du terme.
II faudra attendre 2006 pour avoir une suite sur
PlayStation 2, Shin Gôketsuji Ichizoku: Bonnô
Kaihô. Beaucoup considèrent qu'il s'agit juste
d'un Matrimelee de luxe mais il constitue bel et
bien un autre épisode. Puis en 2009 sort Gôketsuji
Ichizoku Matsuri Senzo Kuyô sur Taito Type X.
Matrimelee reste un épisode intéressant qui offre
de bons moments à celui qui veut bien se pencher
dessus. Sur Neo·Geo ce n'est bien entendu pas le
hit absolu, mais il constitue un bon choix.