Vous
rêvez d'enfiler un collant moulant pour aller faire un
sprint sur l'autoroute, au nom de la veuve et de l'orphelin
? Aussi curieux que ça puisse paraître, Pallas a pensé à
vous.
Second jeu Neo·Geo a être adapté d'un manga après Legend of
Success Joe, Eightman provient d'une bande dessinée
japonaise publiée en 1963. Illustré par Jiro Kuwata et écrit
par Kazumasa Hirai, il raconte l'histoire du détective
Yokoda, retrouvé mort et ressuscité par un savant du nom de
Tani, qui a déjà fait sept tentatives de créer un être
cybernétique. Yokodo est le huitième et c'est un succès, il
devient Eightman. On remarquera que cette trame rappelle
celle de Robocop ; d'ailleurs Eightman en est généralement
considéré comme la source d'inspiration principale.
Le jeu qui en est l'adaptation directe reprend les mêmes
bases en proposant de vivre les aventures de ce
super-détective. Il sort en octobre 1991 sur MVS puis le
mois suivant sur console.
Le
petite intro fait immanquablement penser à celle de 2020
Super Baseball, avec son côté futuriste et, surtout, avec
ses voix robotiques. Les deux jeux ont d'ailleurs été
développés par la même société, Pallas.
Eightman
est un beat them up qui a la particularité de se
jouer sur un seul plan, comme Altered Beast, Vigilante ou
encore Two Crude. On y incarne le héros Eightman et son
collègue de bureau et accolyte logiquement appelé Nineman
(!), apparemment clients du même tailleur. Ils sont prêts à
enfiler leur combinaison moulante pour en découdre avec
l'affreux qui veut prendre le contrôle de la ville.
Il
n'y a pas grand chose à régler, seul le choix du niveau de
difficulté étant proposé. Quant à la traditionnelle séquence
How to Play, elle dévoile l'utilisation des boutons , et .
: coup de poing / coup de pied
: saut
: attaque spéciale
: coup de pied spécial
+ : glissade / descendre d'une
plate-forme
Les attaques spéciales sont en fait désignées en tant que
bombes. Le joueur en a trois en stock au début du jeu. Si on
joue à deux, cette attaque change
Ajoutons
à cela les classiques items - sous forme de capsules -
augmentant la puissance de votre super employé de bureau et
nous obtenons un beat them up prêt à offrir une
bonne dose d'action.
Power Capsule
Item le plus fréquent. Plus on en ramasse, plus le
héros devient puissant.
Life Capsule
Cette capsule donne un point de vie.
Bomb Capsule
Elle alloue une bombe (attaque spéciale, donc)
supplémentaire.
Eight Capsule
Assez rare, ce bonus confère une invincibilité ainsi
que des bombes infinies de puissance maximale un cours
laps de temps.
Eightman
propose de parcourir quatre niveaux reprenant des thèmes
assez variés : l'autoroute, la jungle, le complexe
industriel, etc. Voici un aperçu des trois premiers.
Stage
1: City on fire
Stage
2: Jungle Complex
Stage
3: City Complex
Chacun
de ces niveaux se décompose en plusieurs tableaux. Certains
proposent des phases de beat them up classique à un
plan alors que les autres ont un scrolling forcé assez
rapide qui évoque les shoot them up.
Enfin n'oublions pas les confrontations contre les boss de
fin de niveau. Pas très originaux ni particulièrement
résistants, il relèvent davantage de l'anecdote que du
combat mémorable.
S'appuyer
sur un manga, c'est bien. Être développé sur un support de
choix, c'est très bien. Exploiter correctement le support en
question et offrir un bon moment au joueur, c'est mieux.
Voyons si Eightman s'aquitte de cette mission.
Première chose, les couleurs sont au rendez-vous. C'est
apocalytique à souhait, dans la veine d'un Robo Army, sorti
en même temps. Villes dévastées, espaces désolés, complexes
futuristes, tout y est. Le design des héros et ennemis n'est
pas particulièrement réussi ou original, mais cela reste
correct.
Plus gênant pour une machine telle que la Neo·Geo, c'est la
bande noire en bas de l'écran.
Nous sommes sur Neo·Geo et Pallas tient à ce que cela se
voit : du zoom, quelques distorsions, des scrollings
rapides, tout est (logiquement) un bon cran au-dessus de ce
qui se fait sur les autres consoles. L'animation des
différents personnages n'est pas ailleurs pas si travaillée
que cela, à y regarder de près.
Là encore, on regrettera les quelques clignotements qui
s'invitent parfois quand l'écran est chargé en ennemis et
effets pyrotechniques.
Eightman
proposes des bruitages de qualité, mais manquant un peu de
percutant. Les explosions sont assourdies et aucun bruit
d'impact ne vient accompagner les coups donnés. Quant aux
musiques, sans rester dans les mémoires, elles sont
entraînantes et réussies
et correspondent bien à l'ambiance - un peu kitsch - du jeu.
Curieusement équilibrée, la difficulté est à la fois élevée
et basse. Explication. D'un côté, tout contact avec un
ennemi est sévèrement puni et la barre de santé diminue très
vite si on n'y prend pas garde. D'un autre côté, les items
sont nombreux et gagner en puissance ou des points de vie
n'est pas très difficile. En plus, à puissance maximale, le
héros n'a aucun mal à se défaire rapidement des boss de fin
de niveau s'il a quelques bombes en stock.
Autre regret, l'absence d'objets à ramasser rend l'action un
peu répétitive : on frappe, on saute, on glisse, on
déclenche une bombe, on frappe, etc.
Les commandes répondent par ailleurs très correctement et la
présence de stages typés shoot them up apporte une
touche de variété fort bienvenue. Quelques phases avec un
zeste de plate-forme (trous à franchir) ponctuent le jeu et
permettent de mettre en avant le fait que le saut a
plusieurs amplitudes.
Quatre
niveaux, c'est peu. Un seul personnage (Nineman n'est qu'un
clone alloué à la seconde manette), c'est très peu. Pas très
facile à finir en un crédit, il aura du mal à faire oublier
sa durée de vie, trop courte. Le mode pour deux joueurs
relance un peu l'intérêt, mais sans plus.
Bilan
Eightman est un beat them up
assez original avec ses phases rapides, proposant
une bonne dose d'action et bien kitsch,
parfaitement en adéquation avec son modèle des
années 60. Le fait que le héros évolue (trop peu,
hélas) est un plus appréciable. Hélas, sa durée de
vie vraiment trop faible, une difficulté
curieusement dosée ainsi qu'un certain manque de
punch l'empêchent de briller.
Un jeu pas trop mal, assez réussi, mais à essayer
avant de se laisser tenter, tant ses défauts
rebuteront certains de façon définitive.
Pas parmi les plus chers, Eightman n'existe qu'aux
formats MVS et AES. Pour les amateurs du CD, il
faudra repasser. Ce jeu a beaucoup vieilli. Dans
le genre, beaucoup plus qu'un Final Fight ou un
Captain Commando, par exemple.
Si les nostalgiques ayant connu et apprécié ce
titre y trouveront leur compte avec une sacrée
ration d'action kitsch assumée bien rétro, pour
les autres, cela risquera fort de tourner à la
grosse déconvenue.
Pas mauvais, mais loin de pouvoir séduire un large
public (même amateur de jeux anciens), Eightman
devra passer l'épreuve d'un essai avant d'être
adopté. Dans cette hypothèse, il saura offrir un
bon moment à celui qui recherche un beat them
up pas trop long et défoulant.