Au début de l'année 1991, le beat them up vit ses derniers jours de règne quasi sans partage dans le monde du jeu de combat. Double Dragon, Renegade, Prisoners of War, Golden Axe, Final Fight, voilà autant de noms que de jeux mémorables, synonymes de francs succès. Et ce ne sont pas les confidentiels Street Fighter et Street Smart datant respectivement de 1987 et 1989 qui ont pu changer quoi que soit à cette suprématie. Le changement radical arrive en février 1991 avec le deuxième épisode de Street Fighter, nous sommes donc aux prémices du lent déclin annoncé d'un genre. Lent déclin, certes, mais le beat them up a encore de beaux jours devant lui.

Le genre étant toujours dans une perspective d'une certaine réussite, SNK est de la partie et emboîte donc le pas à Alpha Denshi. Ainsi après Ninja Combat arrive Sengoku, un jeu assez original et à l'ambiance très affirmée. Il fait partie des plus lourds sur Neo·Geo avec pas moins de 55 Mbits (ce qui reste inférieur aux 62 Mbits de Top Player's Golf, il est vrai).

La société Irem est également sur les rangs et propose Blade Master (Cross Blades! au Japon), un jeu à l'ambiance Heroic Fantasy qui n'est pas sans rappeler le mythique Golden Axe de Sega. Ce titre inaugure le système M92 avec également Lethal Thunder, un shoot them up horizontal. Avec Blade Master, Irem compte bien manger une part du gâteau beat them up, bien entamé par Capcom. Un gâteau appelé à être réduit, mais un bien joli gâteau pour l'heure.

Deux systèmes au matin de leur vie, deux développeurs talentueux qui ne demandent qu'à confirmer leurs succès passés, deux beat them up qui ont tout à prouver. Le cocktail peut sembler hasardeux mais avec SNK ou Irem, on n'est jamais à l'abri d'une (bonne) surprise.

 

Il est bien difficile de résumer le visuel de Sengoku, le scénario de ce jeu prenant place dans deux dimensions clairement différentes. Dans la dimension Real World, on se retrouve face à un beat them up classique à dominante urbaine, non sans une pointe de futur apocalyptique sans doute héritée du mouvement Cyberpunk, popularisé par Akira ou Appleseed. Très intéressante, cette dimension se caractérise par des décors ravagés, devenus désertiques. Avec la dimension Other World, on change totalement de registre. Le joueur se retrouve catapulté dans le rêve d'un programmeur qui aurait abusé de substances hallucinogènes. Des bâtiments traditionnels japonais prennent place dans de vastes étendues cotonneuses, le tout sous un ciel fuchsia improbable. Si cette idée est très bonne à la base, sa mise en pratique l'est moins. Les marrons côtoient les violets pour le meilleur et pour le pire, le résultat étant très criard. Quant aux personnages, ils sont assez détaillés, même si leur allure est plus que douteuse.
Blade Master est davantage homogène. Il emmenèra le joueur dans des contrées imaginaires aux tons sable, tout droit sorties du film Conan le Barbare. Cette homogénéité est également le point faible du jeu signé Irem. On finit par avoir l'impression de toujours traverser les mêmes lieux, chaque niveau ayant du mal à se trouver une identité graphique. La qualité est néanmoins au rendez-vous avec une finesse théorique supérieure (320x240 pixels contre 304x224 chez SNK) efficacement exploitée. Irem a trouvé son style graphique et chaque élément de décor, chaque paysage montre un souci permanent du détail. Les personnages sont très classiques, les ennemis étant empruntés à l'habituel bestiaire de l'Heroic Fantasy. Mention spéciale aux boss, au design souvent étonnant, comme la gigantesque pieuvre du cinquième niveau.
Certes moins varié et moins intéressant d'un point de vue originalité, Blade Master l'emporte sur un Sengoku plombé par ses couleurs criardes à la limite du mauvais goût.

Blade Master


Dans le Real World, on reste dans du beat them up classique.
(Sengoku)

Sur les remparts du fort Sandstorm, la bataille fait rage.
(Blade Master)


Dans la dimension Other World, toutes les rencontres sont possibles.
(Sengoku)

Ce boss en armure n'a pas l'air très avenant avec sa hâche.
(Blade Master)

 

SNK aime faire étalage des effets visuels de sa Neo·Geo et ce n'est pas Sengoku qui va infirmer la règle. Le jeu use et en abuse de zooms pour agrémenter une animation très solide par ailleurs. Si certaines postures sont un peu raides, on pourra saluer l'absence quasi totale de ralentissements et autres clignotements, ainsi que la taille fort respectable de certains ennemis.
Il n'y a rien à reprocher à Blade Master à ce chapitre. Même lorsque l'écran est surchargé d'ennemis, l'animation ne faiblit pas. Les étapes d'animation sont assez nombreuses et certains sprites sont gigantesques, surtout les boss de fin de niveau.
À peu près d'un niveau équivalent, nos deux jeux diffèrent sur les effets. Sengoku remporte la victoire grâce à ses zooms employés à bon escient, apportant une touche arcade supplémentaire.

Sengoku


Cet ennemi, malgré sa taille très imposante, n'est pas un boss.
(Sengoku)

Animation solide et sobre du côté de chez Irem.
(Blade Master)


Les adversaires ont des mouvements très simplistes.
(Sengoku)

Certains ennemis sont absolument gigantesques.
(Blade Master)


Le son consititue le point fort de Sengoku. À l'instar du visuel, la bande sonore est très différenciée en fonction des deux dimensions à explorer. Dans le Real World, on a droit à des musiques tout à fait convenables et soutenant bien l'action. C'est dynamique et de bonne qualité, il n'y a rien à redire. Quand on bascule dans l'Other World, tout change radicalement. Des chants mystiques et inquiétants accompagnent les combats pour un dépaysement garanti. C'est étonnant et très réussi. En ce qui concerne les bruitages, la qualité est au rendez-vous avec des digitalisations vocales pour chaque apparition de boss.
Quant à Blade Master, il dispose d'un bande-son correcte, mais pas de quoi rester dans les mémoires. Les mélodies se contentent d'accompagner les combats sans montrer une quelconque inspiration notable et les bruitages sont assez simplistes.
Sengoku remporte ici la victoire grâce à son ambiance sonore atypique et affirmée.



Sengoku


Chants mystiques au programme en Other World.
(Sengoku)

Ici, les musiques remplisssent leur rôle sans fioritures.
(Blade Master)


Attention à ne pas se faire encercler, la barre de vie descend vite.
(Sengoku)

L'ambiance sonore est ici plus anecdotique que chez SNK.
(Blade Master)


Outre les deux dimensions à explorer, Sengoku dispose d'une autre grande originalité. Il est possible de se faire aider par trois esprits, pour peu qu'on les ai libérés au cours de son périple. Se faire aider signifie ici en prendre le contrôle. Il sera donc possible d'incarner provisoirement un samouraï, un chien ninja et un ninja. Chacun d'eux sera fort utile selon les passages à franchir, leur maniement étant différent. Quant aux héros de base, ils ont les mêmes caractéristiques et peuvent utiliser épées et magies diverses. Gros point noir pour les habupitués des beat them up aboutis, on regrettera un flagrant manque de précision, en particulier lors des coups sautés.
Contrairement à ceux de son rival, les deux héros de Blade Master possèdent des caractéristiques bien différentes. Le premier est assez rapide et équilibré, armé de deux épées, tandis que le second, hélas plus lent, est un véritable char d'assaut avec sa puissante lance. On pourra signaler la phase de vol, évoquant un peu un shoot them up, mais pas de quoi inquiéter Sengoku au niveau de la variété. Concernant la précision, Blade Master fait mieux que Sengoku, sans toutefois égaler des références comme Golden Axe ou Final Fight.
Dans un cas comme dans l'autre, le nombre de coups disponibles n'est pas très élevé.
Sans briller, Blade Master gagne ce point grâce à sa gestion des collisions plus aboutie que du côté de chez SNK, ou franchement il y a de gros progrès à faire.

Blade Master


Changé en samouraï, le deuxième joueur fait le grand ménage.
(Sengoku)

Ce boss est assez coriace à vaincre, attention à ses bras.
(Blade Master)


Ici, les deux héros se font aider, on a le chien ninja et le samouraï.
(Sengoku)

Petite séance aérienne pour rompre la monotonie.
(Blade Master)

 

Avec six niveaux dans son escarcelle, Segoku n'est pas particulièrement long. Il se rattrape sur sa difficulté, assez élevée à partir de la moitié du jeu. Il n'y a aucun choix de personnage possible, chaque héros étant attribué d'office à une manette.
À l'inverse, Blade Master propose de choisir entre les deux héros, Roy et Arnold (Schwarzenegger ?), mais il est impossible de prendre le même personnage pour les deux joueurs. Rapidement difficile et gourmand en crédits si on n'y prend pas garde, Blade Master demandera de la ténacité pour venir à bout de ses six niveaux.
Nos deux titres en lice font à ce chapitre jeu égal.

Égalité


Le premier joueur va faire appel au samouraï.
(Sengoku)

La brute ou la grosse brute, à vous de choisir.
(Blade Master)


Sous la pluie, le combat fait rage entre le héros et un boss.
(Sengoku)

Une partie de Blade Masters dure une grosse demi-heure.
(Blade Master)


 
Bilan
 
 



C'est un duel assez serré que Blade Master gagne. Ce dernier ne figure pourtant clairement pas parmi les meilleures productions d'Irem. Doté d'un design réussi et d'une action soutenue, il saura contenter le joueur en quête d'un jeu à l'ambiance Heroic Fantasy.
Sans être du niveau des ténors du genre, Sengoku s'illustre également par son ambiance très originale et la possibilité qu'il offre de changer de personnage (presque) à volonté. Sa jouabilité pas très précise et sa mise en couleurs plus que discutable l'empêchent toutefois de prendre le meilleur sur un Blade Master plus homogène.

Tarma






 
     

   




 

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