Depuis
la sortie de la Neo·Geo en 1990, il est bien difficile
d'associer ce support avec le beat them up. Oh, il
y a bien eu de jolies tentatives. Robo Army, Burning
Fight, Ninja Combat, Mutation Nation et Sengoku sont
autant de titres qui ont leurs arguments pour séduire
l'amateur de ce genre de jeux. Séduire, oui. Convaincre,
pas vraiment. Pour des jeux de console, à la rigueur,
l'écart de puissance entre une Neo·Geo d'une part et les
Mega Drive et Super Nintendo d'autre part y étant pour
beaucoup. Dans le domaine de l'arcade, terre bien plus
hostile, habitée de jeux à la réalisation conçue à
l'artillerie lourde, cela est moins évident. Les noms connus sont Final Fight,
Captain Commando ou encore The King of Dragons. En
d'autres termes, la référence, c'est Capcom.
SNK
débute l'année 1993 avec un jeu qui va tenter de rivaliser
avec les grosses productions de son rival. Sengoku 2
reprend le concept original et l'ambiance mystique du
premier opus tout en apportant judicieusement les
nouveautés indispensables à ses prétentions.
Justement,
à peine 4 mois avant, Capcom a offert une suite à son
Dynasty Wars (Tenchi wo Kurau au Japon), adapté d'un manga
de Hiroshi Motomiya en 1989 sur Capcom Play System.
Warriors of Fate (Tenchi wo Kurau II : Sekiheki no Tatakai
en version originale) permet de retrouver l'univers
médiéval de son aîné et inaugure une évolution du CPS,
avec une nouvelle puce pour le son.
Affirmer
qu'avec Sengoku 2, SNK tient enfin son beat them up
au niveau de ses rivaux arcade est une chose. Le constater
en est une autre. Voici donc un comparatif opposant deux beat
them up sauce médiévale, un comparatif opposant deux
firmes, éternelles rivales.
Avec
Sengoku 2, on oublie les curieuses associations de couleurs
du premier épisode. Ici, tout s'accorde à merveille dans des
tons vifs et éclatants, donnant une chaleur naturelle au
jeu. Et lorsque les teintes deviennent improbables (mais
toujours bien choisies), c'est pour mieux faire voyager dans
la dimension parallèle, habitée d'esprits malfaisants. On
l'aura compris, outre un visuel soigné, Sengoku 2 propose
une ambiance graphique très affirmée et réussie. C'est
l'occasion de revisiter (entre autres) l'ère Sengoku, si
chère à l'histoire du Japon. Cela sans compter les détails
dont regorge chaque recoin de stage. Quant aux héros, c'est
très variable. Claude Yamamoto et le tengu ne manquent pas
de classe alors que Jack Stone et le ninja ont un look
terriblement ringard. Quant aux ennemis, ils se montrent
assez variés, parfois étonnants, en parfaite adéquation avec
le thème du jeu.
Face à la mise en scène du Sengoku, Warriors of Fate
s'annonce à la hauteur : il propose de revisiter l'époque
des Trois Royaumes de Chine. C'est l'occasion de découvrir
ou redécouvrir un thème pas si répandu que cela dans le
monde du jeu vidéo. Il profite par ailleurs d'une plus
grande finesse graphique, cela n'étant pas particulièrement
flagrant à l'écran. Plus concrètement, le jeu de Capcom
dispose d'une très bonne mise en couleurs avec un nombre de
détails satisfaisant, même si on n'atteint pas le
foisonnement visuel de Sengoku 2. Les personnages
bénéficient d'un bon coup de crayon, malgré leur taille plus
modeste. Comme bien souvent, Capcom maîtrise son sujet et
cela se traduit à l'écran par un visuel soigné et flatteur.
Sengoku 2 remporte sa première victoire. Aussi coloré, plus
détaillé, et explorant avec délices l'extraordinaire et
l'étrange, il ne marque guère le pas qu'au niveau des héros,
d'une allure vraiment trop kitsch.
Sengoku
2
Le
premier niveau se déroule à la fin de l'ère
Sengoku.
(Sengoku 2)
Bienvenue
dans la Chine médiévale, à l'époque des Trois
Royaumes.
(Warriors of Fate)
Certains
passages sont complètement surréalistes.
(Sengoku 2)
Les
couleurs choisies sont moins vives que chez SNK.
(Warriors of Fate)
L'une
des premières choses que l'on remarque en découvrant Sengoku
2 est la mise en scène très travaillée, efficacement épaulée
par des effets de distorsion et de zooms pertinents. Ce bien
joli tableau ne doit pas occulter l'animation de base du
jeu, assez raide. Les personnages ont certes gagné en
souplesse par rapport au très rigide Sengoku de 1991, mais
pas de quoi rester dans les mémoires. Plus attrayante,
l'animation des décors est bien travaillée, avec de nombreux
évènements annexes, comme des civils persécutés par des
démons ou des rats fuyant la guerre.
Disposant également de quelques effets visuels, Warriors of
Fate fait preuve de davantage de naturel dans les mouvements
des personnages. Ces derniers bougent avec plus de souplesse
et le nombre de leurs mouvements est bien suffisant.
Concernant les décors, cela reste de façon générale plus
statique que chez SNK, même si certains décors sont
richement remplis de spectateurs.
Warriors of Fate parvient pas à prendre ici un léger
avantage face à un Sengoku 2 correct, doté de jolis effets
visuels, mais un peu trop raide.
Warriors of Fate
Jack
découpe en deux son adversaire d'un seul coup
d'épée.
(Sengoku 2)
Cet
incendie est l'occasion de voir de jolies
distorsions.
(Warriors of Fate)
Duel
contre un samouraï sur un avion des années 40.
(Sengoku 2)
Combat
en pleine mêlée sous les yeux de nombreux
spectateurs.
(Warriors of Fate)
Sengoku
2 reprend l'univers surnaturel du premier opus, cela se
vérifiant au niveau de la bande sonore. Les mélodies
oscillent entre le classique et le mystique, selon les
dimensions et époques visitées. Ajoutons à cela que ces
musiques à l'inspiration affirmée sont soutenues par des
orchestrations d'excellente qualité et nous obtenons un
véritable enchantement auditif. N'oublions pas les bruitages
et les digitalisations vocales, absolument parfaits.
Avec Warriors of Fate, Capcom inaugure une évolution de son
Capcom Play System. La grande nouveauté de cette nouvelle
mouture est un nouveau processeur sonore, ce qui permet
enfin d'oublier le rendu criard du support d'origine. Le jeu
dispose donc de musiques fort bien orchestrées et inspirées,
en parfait accord avec l'ambiance visuelle de l'ensemble.
Ces mélodies sont toutefois un peu trop couvertes par les
bruitages, trop forts. Quant aux digitalisations vocales,
elles sont largement moins nombreuses que dans le jeu rival.
Warriors of Fate accomplit de jolis progrès en termes de son
mais ne peut lutter face à un Sengoku 2 bien plus affirmé,
plus varié et de meilleure qualité.
Sengoku
2
La
dimension parallèle est l'occasion d'avoir des
musiques étonnantes.
(Sengoku 2)
Ici
est inaugurée une évolution du CPS avec un
meilleur rendu sonore.
(Warriors of Fate)
Ici
on peut entendre les passants terrorisés tentant
de s'enfuir.
(Sengoku 2)
L'équilibre
sonore entre bruitages et musiques est à revoir.
(Warriors of Fate)
Le
jeu signé SNK utilise les 4 boutons de la manette et ce
n'est pas du luxe, avec des possibilités qui sont plutôt
nombreuses : coup vertical ou horizontal, saut, garde, coup
concentré, transformation... Cela compense plutôt bien le
fait de ne pas pouvoir ramasser d'arme. Les héros sont
d'ailleurs équipés d'origine d'une épée et peuvent gagner
des pouvoirs grâce à des globes colorés (ces derniers sont
moins difficiles à prendre que dans le premier opus, au
passage). Enfin les transformations constituent le grand
intérêt de ce jeu. On peut devenir momentanément un ninja,
un chien ninja ou encore un tengu, divinité merveilleusement
adaptée à l'ambiance générale du jeu. Chacun a ses points
forts et ses points faibles, à exploiter au mieux selon les
différents moments du jeu. Les boîtes de collision sont plus
précises qu'avant, les coups sautés ont une meilleure
fenêtre offensive, sans toutefois atteindre le confort des
tout meilleurs jeux du genre dans ce domaine. On voit tout
de même avec soulagement que les travers habituels des beat
them up SNK commencent enfin à être gommés, ouf !
Enfin les phases à cheval apportent de la variété à
l'action.
Avec Capcom, le maître-mot est simplicité. Simplicité
d'accès, avec seulement 2 boutons employés : frappe et saut.
Cela permet tout de même quelques combinaisons, dont un coup
permettant de se dégager dans les situations tendues, chose
absente dans Sengoku 2 (qui a de son côté un coup concentré,
mais ce n'est pas la même chose). Simplicité d'usage, avec
des coups bien pensés (l'essentiel est là), des personnages
ayant chacun leurs caractéristiques et des objets à
ramasser, armes ou bonus. Les collisions sont encore plus
précises que dans Sengoku 2. Comme dans le titre de SNK, il
est possible de monter à cheval, à ceci près que cette fois,
on peut en descendre et y remonter à volonté, pour peu que
la monture n'ait pas pris la fuite.
Moins accessible et un peu moins précis que son rival et
malgré l'absence d'armes à ramasser, Sengoku 2 se rattrape
en partie par une plus grande profondeur de jeu, fort de ses
nombreux mouvements mis à disposition.
Warriors
of Fate
Le
tengu compense sa lenteur par une grande force
de frappe.
(Sengoku 2)
Cette
hâche à ramasser est particulièrement
tranchante.
(Warriors of Fate)
Petit interlude équestre pour un découpage
frénétique.
(Sengoku 2)
Ici,
les séquences à cheval sont facultatives, on
peut avancer à pied.
(Warriors of Fate)
La
durée de vie n'est pas le point fort de Sengoku 2, et
c'est peu de le dire. Du côté du positif, il a pour lui 2
héros épaulés par 3 esprits, soit un total de 5
personnages jouables (4 en fait, chaque héros, identique à
jouer, étant dédié à une manette). Il dispose également
d'une difficulté assez elevée, exigeant un bon
entraînement pour viser l'aventure en un seul crédit. Il
propose enfin des niveaux longs avec des environnements
très variés, même au cours d'un même stage. Le souci est
qu'il n'y en a que 4, et qu'il se finissent assez
rapidement (comptez moins d'une heure). Heureusement, la
possibilité de jouer à deux relance comme toujours
l'intérêt.
Ici, Warriors of Fate fait
assez fort. Non content de proposer 5 véritables
personnages bien distincts, il permet de jouer à trois
en simultané ! Plus long que son rival, il propose une
petite dizaine de stages, certes plus linéaires et moins
variés que ceux de Sengoku 2. Franchement difficile
quand on débute (la barre de vie défile à une vitesse
folle), il demandera de l'entraînement pour être
parcouru avec aisance. Petite originalité, le principe
des Bonus Stages est ici présent.
Plus convivial, plus long, assez ardu, Warriors of Fate
prend ici sans problème le meilleur sur un Sengoku 2 un
peu à la traîne, malgré ses 74 Mbits.
Warriors of Fate
On
atteint les 5 personnages en comptant les
héros et les esprits.
(Sengoku 2)
5
personnages pour un maximum de 3 joueurs :
très correct !
(Warriors of Fate)
Le
jeu se termine tout de même trop rapidement.
(Sengoku 2)
Voici
un Bonus Stage original et roboratif. Bon
appétit !
(Warriors of Fate)
Bilan
Le voilà, en
effet. Sengoku 2 est bel et bien le beat
them up que les amateurs
attendaient. C'est enfin le titre capable
de rivaliser avec ce que fait Capcom.
Entendons-nous bien, cela ne signifie
aucunement que SNK domine Capcom en
matière de beat them up. Il faut
prendre ce Sengoku 2 pour ce qu'il est :
un titre à la hauteur des prétentions
arcade de SNK, ce qui est déjà très bien
en soi. Comme toujours, cela ne fait que
renforcer le regret que l'éditeur ait
choisi d'abandonner ce genre de jeu, après
un titre si réussi.
Warriors of Fate
constitue un solide jeu du genre. Très
homogène (à la fois bien réalisé, jouable
et long), il prouve une nouvelle fois que
Capcom brille de constance dans la
qualité, notamment dans le beat them
up. Le support, amélioré, permet de
de faire taire les critiques habituelles
sur le son des jeux du papa de Street
Fighter II.
Ceux qui veulent une
jouabilité intuitive et un plaisir
immédiat pencheront plutôt pour Warriors
of Fate alors que ceux qui recherchent
plus de possibilités trouveront leur
bonheur avec Sengoku 2.
Les amateurs de
Warriors of Fate pourront le trouver sur
Saturn et PlayStation alors que pour
Sengoku 2, on pourra se tourner vers une
compilation sur PlayStation 2 ou sur PC.